Citizen (Kane) Sarkozy

Publié le 02 juillet 2008 par Slovar

Le patron du groupe audiovisuel public a réclamé ce mercredi des garanties budgétaires pour France Télévisions du fait de l'arrêt de la publicité. Il qualifie de "stupide" les critiques sur son groupe, y compris celles de Nicolas Sarkozy. Et il évoque à mots couverts son possible départ. Source La Tribune
"Jamais je ne soumettrai un quelconque concept d'émission à un quelconque visa venu de l'extérieur de l'entreprise. Que cette chose soit dite, elle est claire et simple", a-t-il insisté.
Le chef de l'Etat de son côté lui tient le langage suivant (piste lancée au mois de janvier) :
"En supprimant la publicité, nous voulons donner à notre télévision publique les moyens d'une plus grande liberté. La publicité, c'est pas mal, mais la publicité a une logique. C'est pas pour vous faire plaisir, à vous les dirigeants du service public, que des investisseurs achètent des écrans publicitaires. C'est pour rencontrer certains téléspectateurs qu'on voit comme des consommateurs. Et la publicité amène à la tyrannie de l'audience quart d'heure par quart d'heure et à la ménagère de moins de 50 ans." Source Rue89
Fort émoi dans l'opposition et même dans des milieux pourtant d'habitude peu revendicatifs. Certains parlent même de la remise en place d'un "Ministère de l'Information" informel.
Mais de quoi parlent-ils ?
Il faut en effet avoir plus de 50 ans pour se souvenir que le Général De Gaulle avait de curieuses pratiques avec les media. Homme de guerre et de pouvoir, de Gaulle fut également un pionnier de l'utilisation des médias télévisés. Il mit un temps à la tête d'un secrétariat d'Etat puis d'un Ministère de l'information Alain Peyrefitte qui exereçait tout simplement la fonction de censeur de l'audio visuel.
Ceux qui seraient trop jeunes pour avoir connu cette époque pourront trouver beaucoup d'information à ce sujet en consultatnt l'ouvrage D'Aude VASSALLO : La télévision sous De Gaulle Le contrôle gouvrenemental de l'information 1958-1969. De large extraits sont disponibles en ligne
Seulement, l'erreur serait de croire que le départ de "Mon Général" mis fin à ce ministère qui aujourd'hui continue d'exister sous des cieux dictatoriaux. Il serait tout aussi malhonnête de dire ou penser qu'il en était l'inventeur. Une simple recherche sur l'ami WIKIPEDIA nous indique les noms et durée dans ce "beau ministère" depuis ... 1938
* 13 mars 1938 - 10 avril 1938 : Ludovic-Oscar Frossard
* 21 mars 1940 - 5 juin 1940 : Ludovic-Oscar Frossard
* 5 juin 1940 - 16 juin 1940 : Jean Prouvost
* décembre 1940 - 2 janvier 1941 : Paul Baudoin
* 25 février 1941 - 12 août 1941 : Henri Moysset
* 12 août 1941 - 18 avril 1942 : Paul Marion
* 18 avril 1942 - 20 août 1944 : Pierre Laval
* 24 septembre 1941 - 28 juillet 1942 : André Diethelm
* 28 juillet 1942 - 7 juin 1943 : Jacques Soustelle
* 7 juin 1943 - 10 septembre 1944 : Henri Bonnet
* 10 septembre 1944 - 30 mai 1945 : Pierre-Henri Teitgen
* 30 mai 1945 - 21 novembre 1945 : Jacques Soustelle
* 21 novembre 1945 - 26 janvier 1946 : André Malraux
* 2 juillet 1950 - 12 juillet 1950 : Jean Letourneau
* 12 juillet 1950 - 11 août 1951 : Albert Gazier
* 11 août 1951 - 8 mars 1952 : Robert Buron
* 17 mai 1958 - 1 juin 1958 : Albert Gazier
* 12 juin 1958 - 7 juillet 1958 : André Malraux
* 7 juillet 1958 - 8 janvier 1959 : Jacques Soustelle
* 8 janvier 1959 - 5 février 1960 : Roger Frey
* 5 février 1960 - 24 août 1961 : Louis Terrenoire
* 28 novembre 1962 - 8 janvier 1966 : Alain Peyrefitte
* 6 avril 1967 - 30 mai 1968 : Georges Gorse
* 30 mai 1968 - 10 juillet 1968 : Yves Guéna
* 5 avril 1973 - 23 octobre 1973 : Philippe Malaud
* 23 octobre 1973 - 24 mai 1974 : Jean-Philippe Lecat
Si effectivement le poste disparaît en 1968, il reprend sa place de 1973 à 1974 sous la présidence de Georges Pompidou pour disparaître définitivement. Alors, quelle mouche a piqué notre actuel Président alors qu'il ne manque pas dans les media classiques comme audiovisuels des thuriféraires prêts à le défendre ou le valoriser ?
Tout d'abord réussir un coup double comme il les aime. Mettre en difficulté l'opposition de gauche (qui en a souvent parlé sans jamais passer à l'acte) tout en aidant TF1 (et accessoirement M6) à récupérer des ressources publicitaires.
Là ou son machiavélisme en prend un coup, c'est d'abord parce dans son camp, plusieurs élus et spécialistes savent pertinemment que le montage financier est une gigantesque "usine à gaz" qui ne permettra pas d'assurer à terme la survie des média audiovisuels publics. De plus, alors qu'une augmentation de la redevance aurait été logique mais aurait "plombé" un peu plus le pouvoir d'achat promis, le projet de taxe sur les opérateurs téléphoniques ou d'accès à l'Internet risque d'être rejeté par la commission européenne auprès de laquelle les opérateurs envisagent sérieusement de déposer un recours (qui a toutes les chances d'aboutir)
La réalité est bien plus prosaïque : Notre Chef de l'Etat gére la France comme il gérait sa commune, puis sa circonscription et son Conseil Général, en faisant tout lui même et surtout en gérant les vielles rancunes accumulées pendant les années passées à attendre le titre suprême.
L'argument "L'Etat en tant qu'actionnaire doit pouvoir nommer le président de l'audiovisuel public" est une manipulation de plus pour contrôler un levier de plus.
Le pire dans cette attitude ? dans ce mode de gouvernance ? c'est de croire que les français sont crédules au point de céder aux sirènes d'une communication ou d'une propagande organisée. Le dernier sondage LH2 que nous avons cité dans un précédent article montre que l'appropriation des outils de communication ne fait pas oublier le vide sidéral de projet pour la France de demain. Notre Président lui même semble l'avouer lorsqu'il fait planer une incertitude sur le fait d'effectuer un autre mandat au terme du premier.
L'homme est heureux. Heureux de son poste, de son épouse, de ses amis. Rien ne doit pouvoir venir entâcher ce bonheur, même pas un ou une journaliste de rédaction régionale.
Une fois qu'il aura réalisé tout ou (grande partie) de ses objectifs, il ne pourrait semble t-il n'y avoir qu'une place de Président du monde qui représenterait un challenge à sa hauteur.
Malheureusement pour lui et pour nous la fonction reste à inventer. En attendant, il nous reste 4 ans pour découvrir les recettes et secrets de "Nicolas tout puissant"
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JIHO

Libellés : audiovisuel, politique, presse, télévision