Seuils sociaux "freins à l'embauche" : les contes et légendes des organisations patronales

Publié le 02 juillet 2018 par Slovar
Les seuils sociaux ennemis de l'emploi c'est une des plus anciennes litanies des organisations patronales. Or, une étude réalisée pour la CCI montre que même avec les derniers assouplissements, les entreprises n'embaucheront pas.
 En juillet 2014, François Rebsamen, alors ministre du travail censé "inverser la courbe du chômage" ouvrait la boîte de pandore des seuils sociaux. Il proposait de les geler pendant trois ans. Validant ainsi la légende patronale des seuils "constituant un frein à l'embauche" Cette mesure selon des "experts" pouvaient créer entre 22 000 et 140 000 emplois par an. En fait, on était prêt à l'Elysée, à Matignon et au ministère du travail à accepter n'importe quoi et écouter n'importe qui pourvu que le chômage baisse. 
Le journal Le Parisien en partenariat avec Le Journal du Net et le Medef IDF avait, à l'époque, interrogé des chefs d'entreprises sur le sujet, à savoir : "Les entreprises accepteront-elles de s'engager à embaucher si les seuils sociaux sont gelés durant trois ans ? "
Résultat
"Sur les 142 réponses reçues, 39,5% des patrons se disent prêts à s'engager à créer des emplois, contre 34,5% de non et 26% sans opinion" Certes l'échantillon était faible mais on sentait bien que l'argument du "frein à l'embauche" ne tenait pas. En effet, tous les chefs d'entreprises vous diront que c'est le carnet de commande qui dicte le besoin de recrutement de nouveaux salariés. Mais, quelques droits des salariés à grignoter pourquoi pas ?
L'alternance politique de 2017 ayant eu lieu, c'est donc Emmanuel Macron, nouveau Président de la République qui au travers de Bruno Le Maire  son ministre de l'économie a remis le couvert sous prétexte de "favoriser le développement des PME en supprimant les freins à l'embauche liés aux seuils sociaux"
Comment ?
" ... / ... Concrètement, quand une entreprise franchit un certain nombre de salariés (11, 20, 50 ou 250), elle fait face à de nouvelles obligations administratives et fiscales. D’où un effet de seuil : recruter une 11ème personne peut paradoxalement être peu avantageux. La loi Pacte va supprimer plusieurs obligations, à commencer par la cotisation au Fonds national d’aide au logement et le règlement intérieur, déplacés de 20 à 50 salariés. Concernant la nécessité d’installer un local syndical, elle s’appliquera aux entreprises de plus de 250 salariés (contre 200 aujourd’hui). Enfin, Bercy stipule que les taxes et obligations liées au passage d’un seuil seront effectives "cinq années civiles consécutives" après l’expansion en question, afin de donner le temps aux entreprises de croître" - Source Europe1
Donc, on passe de 3 ans à 5. Mais pour quel effet sur l'emploi ?
La réponse se trouve dans une étude du 29 juin commandée par la Chambre de Commerce et d'Industrie. Dans cette étude, on retrouve la même question qu'en 2014 : "Le gel des seuils sociaux pendant cinq ans va-t-il vous inciter à recruter ? "
Et que pensez-vous que les entreprises interrogées ont répondu ?
"A cette question, les employeurs interrogés sont catégoriques : 94 % d'entre eux pensent que cette mesure ne favorisera pas l'augmentation de leurs effectifs quand seulement 6% estiment qu'ils vont probablement procéder à des embauches du fait de la mise en place de cette disposition. Des résultats qui peuvent être éclairés par une enquête de l'INSEE qui démontre « qu'un assouplissement des seuils sociaux n'aurait  qu'un effet limité sur l'emploi»"
 

Nul doute que le successeur de Pierre Gattaz à la tête du Medef brandira, rapidement, de nouveaux "freins à l'embauche" comme : le montant du SMIC ou l'impossibilité de le moduler suivant les régions, l'impossibilité de créer des mini jobs pour les débutants ou les chômeurs, le nombre de jours fériés trop important ... 
On a d'ailleurs une piste depuis ce matin sur ce qui pourrait être le nouveau combat du Medef. Sur Europe1, Geoffroy Roux de Bezieux, possible futur patron du Medef, était interrogé sur la prolifération des CDD courts. Il déclarait : "la taxation des contrats courts est aussi "une aberration". "Cela fait partie du business development de certains secteurs .../ ... Le vrai sujet, c'est de reposer la question des contrats de travail. On a une vraie particularité en France, c'est la dualité entre CDD et CDI" Lui préférerait un CDI plus flexible, revendication classique du Medef
Quelle réponse donneront nos gouvernant à cette future demande comme aux autres ? Sans le moindre cynisme, on répondra que cela dépendra de la courbe du chômage à chaque échéance électorale et ce jusqu'à 2022. Et comme ces périodes sont d'ores et déjà envisagées avec gourmandise par les organisations patronales, les salariés français ont vraiment de quoi s'inquiéter ...

Crédit image et étude CCI  Rodho