(Notes sur la création) Etienne Faure, "Tête en bas"

Par Florence Trocmé

Un texte parle à son lecteur, le touche au plus sensible.
L’auteur est le premier lecteur de son écrit : lui parlerait-il en retour ?
L’auteur peut-il être touché à nouveau par son texte, au risque de se brûler les doigts.
C’est là sans doute, pour lui, le temps du « négoce des mots ».
Philippe Fumery
Dans l’effroyable froid où tu lis ces vers
après des jours endurés sous zéro
sans dégel ni clémence,
tu te demandes comment les doigts
pourront tenir le livre à la température
si basse et haute à la fois, douleur
jamais tempérée, et comment transiger
dans le négoce infini des mots
empruntant à la vie ici
pour la restituer au livre
puis vice versa dans l’aller et retour
des yeux sur la page, à la main pour écrire
avant que le papier n’exige
de prendre à nouveau l’air, le soleil et l’eau,
racine en ses quatre éléments
dans la fabrique du poème
qui tout emprunte et prête à son tour,
des mots restés prêts à tout
- échange, permutation, transaction, troc -
jusqu’à la gelure, froids et chauds.
négoce des mots
(Page 98).
Etienne Faure, Tête en bas, Gallimard, 2018, 144 p., 15€, p.98
proposition de Philippe Fumery