Jazz sur le Vif dernière: L'équilibre de Nash & le déséquilibre du Supersonic Orchestra

Publié le 10 juillet 2018 par Assurbanipal

Paris. Maison de la Radio.

Samedi 7 juillet 2018. 20h30.

Concert diffusé sur France Musique dans le programme Jazz Eté

vendredi 17 août 2018 à 23h (heure de Paris)

Première partie:

L'Equilibre de Nash est composé de

Eric Prost: saxophone ténor

Jean-Charles Richard: saxophones baryton et soprano

Roberto Taranzi: piano

Basile Mouton: contrebasse

Stéphane Foucher: batterie

Deuxième partie:

Le Supersonic Orchestra est composé de

Thomas de Pourquery: saxophone alto, chant, direction, arrangements

Laurent Bardainne: saxophone ténor, percussions, choeur

Fabrice Martinez: trompette, bugle, choeur

Arnaud Roulin: claviers

Frédéric Galley: guitare basse électrique

Edward Perraud: batterie, électronique

L'Equilibre de Nash

Lectrices économistes, lecteurs mathématiciens, la théorie de l'équilibre de Nash vous est familière.Voici qu'elle inspire désormais des Jazzmen, adeptes d'une musique où la part du jeu, de la coopération et de l'improvisation est immense.

Pour nous mettre dans l'ambiance du jeu, la soirée commence par un sketch du micro. Le micro du présentateur ne marche pas. Une technicienne traverse la scène pour bricoler le micro. Cela ne marche toujours pas. Elle prend un micro de la scène pour le prêter au présentateur. Ca ne marche pas plus. Elle disparaît de la scène. Le présentateur aussi. Le technicien du son placé derrière sa console, au coin droit de la scène, vu du public, bidouille son électronique. Le présentateur réapparaît avec un micro qui marche. Magnifique! La soirée peut commencer.

Sax ténor et baryton. Une ballade. Batteur aux baguettes. Ténor velouté à souhait. Le baryton le rejoint. La musique monte doucement en puissance avec le baryton. Le batteur découpe le temps. Ca marche tranquille mais ça ne ronronne pas. Ca sonne comme une impression au soleil levant: la mer, le vent, la lumière, tout est en place. Il suffit de fermer les yeux et de partir. Le sax ténor enchaîne dans la même veine.

Le pianiste démarre sur un tempo plus énergique. Le batteur mitraille aux baguettes. Sax soprano et ténor. Solo tourbillonnant du ténor propulsé par la rythmique. Le pianiste prend la main. Elégiaque et rythmé mais ne copiant pas Keith Jarrett ce qu'il faut souligner. Le soprano enchaîne virevoltant de plus belle. La spirale nous entraîne toujours vers le haut.

Un morceau d'Eric Prost puis " Bending road " composé par Jean-Charles Richard en hommage à son maître Dave Liebman en se démarquant d'un standard que je n'ai pas reconnu du tout. La ligne de démarcation était bien tracée.

" Nonchalance " (Eric Prost). Intro du ténor en solo. Le baryton reprend. Les deux saxophonistes jouent doucement en canon mais rien de médiéval là dedans. La rivière coule sous un soleil d'été. Tout à fait rafraîchissant par un samedi de canicule à Paris même si, rassurez vous, lectrices économistes, lecteurs mathématiciens, le studio 104 de la Maison de la Radio est climatisé. Le groupe avance en souplesse, par vagues lentes, nonchalamment, bien entendu. Un dernier chtok de contrebasse et stop.

Le pianiste repart sur un tempo rapide. Le batteur martèle. Sax soprano. Acide mais toujours enthousiaste. Le sax ténor, en solo, passe à la vitesse supérieure et vrombit comme un avion. Le pianiste reprend la main, toujours clair, limpide et précis. Bassiste et batteur tiennent la cadence. Belle cavalcade finale du quintette. L'équilibre en mouvement, c'est la loi du Jazz, du bi et du motocycliste aussi.

Le sketch du microphone revient, cette fois avec un effet d'écho. " Calder " (Jean-Charles Richard). Un hommage au sculpteur américain Alexandre Calder (1898-1976) je suppose. Ses mobiles eux aussi jouaient sur l'équilibre. Batteur aux balais. Pour la première fois, la contrebasse est au centre de l'attention. Le ténor enchaîne à pas de velours. Relayé par le soprano. Retour à la contrebasse au centre de la rythmique. Un solo bien grave, subtilement ponctué par le pianiste. La contrebasse relance ponctuée par le batteur aux baguettes. Final romantique et passionné en diable.

" E quilibrio precario " (Roberto Taranzi). Un titre qui pourrait servir de définition au Jazz. Un morceau énergique et heurté. Sax soprano.

PAUSE

Supersonic Orchestra

Le Supersonic Orchestra de Thomas de Pourquery joue la musique de Sun Ra (1914-1993), pianiste, compositeur, claviériste américain, éminent membre de la BOSSA (Black Outer Space Secret Agency).

Le groupe attaque tout de suite avec des sons en boucle. Bassiste et batteur montent la pression. Les souffleurs essaient de crever le plafond. Ils y parviennent plutôt bien. Solo habité du chef. Par contre, si le bassiste a un gros son, il aimerait bien groover.

Retour au calme avec un son planant du clavier. Ma voisine de gauche (l'indication est factuelle, pas politique) est fascinée. Elle s'appuie sur le siège devant elle pour mieux entrer dans la musique. " We travel the space ways ". Je reconnais les paroles mais pas la mélodie. Ce sont des improvisateurs, pardi! Sauf qu'une musique douce, planante est devenue agressive. Contresens à mon avis. Eward Perraud est le digne disciple français de Tom Rainey. Une araignée géante est à l'œuvre à la batterie. Ils ont décidé de nous fatiguer avec les sons et lumière et, là aussi, ils y parviennent. L'intensité émotionnelle n'est pas une question de volume sonore. Nouvelle illustration à l'instant.

Le bassiste joue de l'archet sur une guitare basse électrique. Pourquoi pas? Sa vibration se mêle au grognement de la trompette. Duo original. Le solo de trompette s'envole. Ponctuations étranges du clavier. Là, c'est intéressant. Le batteur ajoute du groove. Tranquille et efficace." Comme tous les marines sont des fusiliers, tous les membres de l'Arkestra sont des percussionnistes " ( Sun Ra). Dans le Supersonic Orchestra, tous les souffleurs sont aussi chanteurs. Un dernier vrombissement de basse et stop.

Intro en piano solo. Romantique en diable. Une sorte de ballade reprise par les souffleurs. Retour au chaos organisé. La gestuelle du batteur est un spectacle en soi.Le groupe chauffe, dérape, repart, s'arrête. Ma belle voisine, pourtant manifestement enchantée par la musique, s'en va déjà. J'espère que ce n'est pas de mon fait.

Le groupe repart à fond les ballons sur " Sons of Love ", le titre album. Je retrouve aussi le son des débuts d'Earth, Wind and Fire. Le chant s'élève sur un solo enflammé du sax ténor. Ca débouche les écoutilles!

Cette fois, c'est à nous de chanter. La rythmique marque le tempo, légère et efficace. " Simple forces ", seulement deux mots à chanter. Nous devrions nous en sortir. Thomas de Pourquery nous met la pression. " On était au Portugal hier soir. Ils ont chanté comme des Dieux. Alors appliquez vous ". Un chant mystique sans religion ni clergé, c'est bon pour l'esprit. Chœur venu du public et musique venue de la scène se mélangent agréablement. Soit Thomas de Pourquery nous flatte, soit nous relevons le défi lancé par les Portugais la veille. Petit à petit, la musique s'efface alors que le chœur demeure.

Le groupe en profite pour enchaîner. Edward Perraud est toujours le moteur du groupe, avec un tigre dedans. Nouveau déluge de sons et de lumières. Moins mon truc.

Ca se calme. Thomas de Pourquery nous invite à les rejoindre après le concert, au bar situé à l'étage de la Maison de la Radio (belle vue sur la Seine) pour leur offrir un verre, leur faire des bisous ou simplement nous trouver nous même. La proposition est honnête.

L'envoi final est surpuissant et ne suppose aucun rappel.

Pourtant, il y en eut un. Une fin apaisée avec la plus belle chanson d'amour jamais écrite, selon Thomas de Pourquery, " Love in outer space " de Sun Ra.

Le Supersonic Orchestra de Thomas de Pourquery jouera partout en France, sauf outre-mer, cet été. Voyez ma sélection de festivals et de stages de Jazz pour l'été 2018 pour les lieux et les dates.

La photographie de Thomas de Pourquery, alors rasé, est l'œuvre de l'Incandescent Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette œuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales .

Thomas de Pourquery par Juan Carlos HERNANDEZ