C’était une nuit silencieuse

Par Vertuchou

C’était une nuit silencieuse, traversée par ce mystérieux battement de fièvre, qui souligne deux fois par an les changements de saison. Les douces lumières des maisons ronronnaient dans l’obscurité, et l’on devinait dans le ciel un tournoiement d’étoiles. A la frange de son regard, Gatsby découvrait l’alignement des trottoirs, qui dessinait comme une échelle, et cette échelle conduisait vers un lieu secret au-dessus des arbres – il pouvait y monter, s’il y montait seul, et l’ayant atteint, boire la vie à sa source même, se gorger du lait transcendant des prodiges.
Le visage clair de Daisy se levait lentement vers lui, et il sentait son cœur battre de plus en plus vite. Il savait qu’au moment où il embrasserait cette jeune fille, au moment où ses rêves sublimes épouseraient ce souffle fragile, son esprit perdrait à jamais l’agilité miraculeuse de l’esprit de Dieu. Il avait alors attendu, écouté encore un moment la vibration du diapason qui venait de heurter une étoile, puis il l’avait embrassé, et à l’instant précis où ses lèvres touchaient les siennes, il avait senti qu’elle s’épanouissait comme une fleur à son contact, et l’incarnation s’était achevée. 

 F.Scott Fitzgerald,  Gatsby le magnifique

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Emois

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