Bénissons la pipe! # Chronique 19

Publié le 06 juillet 2008 par Katrin

Sujet mille fois commenté, il fallait trouver un angle d’accroche original pour parler de la fellation. « La fellation comme idéal dans les rapports amoureux » semble donc un programme alléchant, à « déguster sans modération », proposé par le cinéphile et érotomane Gerard Lenne. En ouvrant le livre, on espère que le propos sortira des sentiers mille fois rabattus du guide de la pipe, à l’adresse de la gente féminine.

En effet, en s’appuyant sur quelques références littéraires et sa grande culture cinématographique, l’auteur montre que cette pratique sexuelle s’est banalisée, popularisée par le cinéma dès la révolution sexuelle des années 70. Nous avons alors de savoureux passages sur l’évolution de la fellation à l’écran: de la sortie du champs par le bas (subterfuge du cinéaste pour suggérer une pipe alors que la femme se glisse vers le bas du corps de son amant, jusqu’à disparaître) jusqu’à celle de Kerry Fox dans Intimité de Patrice Chereau, en passant par les fellatrices légendaires.

Mais il constate que la fellation soulève encore de nos jours de nombreuses réticences et qu’elle est encore sous le joug d’une répression morale, religieuse, puritaine, féministe. Puis nous en venons au cœur du « blocage » : « L’envie de sucer ne fait pas l’unanimité dans la population féminine » ; « Le fait est qu’elle constitue le plaisir suprême pour l’homme, mais pas pour la femme ». D’où découle quelques remarques intéressantes : on est fellatrice par stratégie (pour des raisons contraceptives et préserver la virginité) ou par utilité (pour préparer le coït), conclusion la fellation n’est qu’une pratique sexuelle secondaire ou « un amusement collatéral ». Or, la fellation est « le nec plus ultra du plaisir sexuel », et parce qu’elle l’est, l’auteur, passionné de son sujet, la défend et veut la « réhabiliter comme acte d’amour à part entière », « une fin en soi » et « un plaisir partagé ».

Son propos s’adresse alors bien aux femmes, aux hésitantes, aux mal informées ou aux fellatrices maladroites. Il veut absolument nous convaincre à travers moult conseils et un petit téléguidage pratique, des bienfaits que procurent la fellation, surtout pour l’homme. Dommage que le livre se termine sur le sentiment que les femmes (ou en tout cas certaines) ne sont pas vouées à sa cause et sont de piètres fellatrices. Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de cet ouvrage qui a suscité selon l’auteur « un succès convivial » à sa première édition en générant moults réactions; on espère qu’avec cette seconde édition de La Musardine, de nombreuses autres lectrices feront de cette caresse interdite, une véritable transgression et une audace sulfureuse, avec amour, car dixit l’auteur « une femme amoureuse est la meilleure des suceuses ».

De la fellation comme idéal dans le rapport amoureux
Gérard Lenne, Réédition de La musardine, Collection l’Attrape-corps. Janvier 2008

Cet article est paru en Kiosque dans le Magazine des Livres de Mars 2008 - Copyright Katrin Alexandre