Une lueur d’espoir pour Serge Atlaoui ?

Publié le 21 juillet 2018 par Sylvainrakotoarison

" L'injustice n'est pas en elle-même un mal. Le mal consiste en la peur terrifiante de ne pas échapper à ceux dont la fonction est de châtier les coupables. " (Épicure, IVe - IIIe siècle av. J.-C.).

Ce samedi 21 juillet 2018, le Français Michaël Blanc (45 ans), arrêté, jugé et condamné en Indonésie pour trafic de drogue, est autorisé à rentrer en France. Pour lui, c'est un long cauchemar de dix-neuf ans qui se termine. Cela peut-il signifier que la situation d'un autre condamné en Indonésie pour trafic de drogue, Serge Atlaoui, condamné à la peine de mort et qui a failli être exécuté le 29 avril 2015, pourrait s'améliorer ?
Alors qu'il était venu faire de la plongée sous-marine, Michaël Blanc, un cuisinier originaire de Haute-Savoie, a été arrêté le 26 décembre 1999 à Bali avec 3,8 kilogrammes de haschisch planqués dans deux bouteilles de plongée, sciées et ressoudées. Il a affirmé que ces bouteilles appartenaient à un ami qui lui avait demandé de les transporter.
L'Indonésie, comme Singapour, le Vietnam, la Thaïlande et la Malaisie, est très sévère contre les trafiquants de drogue et prévoit dans son code pénal jusqu'à la peine maximale, à savoir la peine de mort.
Michaël Blanc, qui pouvait donc craindre d'être condamné à mort, a été condamné le 16 novembre 2000 à la réclusion criminelle à perpétuité. Cette peine fut assouplie en décembre 2008 à une peine de vingt ans de prison, grâce notamment à une campagne médiatique assez efficace. Le 21 janvier 2014, Michaël Blanc a été mis en liberté conditionnelle avec interdiction de quitter l'Indonésie jusqu'à la fin de la peine, prévue le 21 juillet 2017 rajoutée d'une année de probation, ce qui aboutit à ce 21 juillet 2018.
En janvier 2014, l'ancien prisonnier avait exprimé sa difficulté personnelle face à la vie qui s'ouvrait à lui : " Je suis cuisinier mais j'ai vraiment tout oublié. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je ne pensais pas sortir, donc, je n'ai pas encre pensé à ma vie dehors. La libération a été une grosse surprise, une super surprise. " (Propos rapportés par LCI).
Dès que Michaël Blanc a été arrêté, sa mère Hélène Le Touzey est allée le rejoindre pour l'aider et le défendre, s'installant à Jakarta. Elle va raccompagner son fils en France mais retournera en Indonésie car elle est devenue indispensable à beaucoup de prisonniers étrangers pour les aider dans leur défense et leur situation administrative ("Le Parisien"). Maintenant attachée consulaire, elle est la "Madone des prisons" pour résoudre les problèmes administratifs et judiciaires des prisonniers étrangers : " Je rends visite, j'écoute, j'apporte quelques bricoles, je suis partie prenante à des dossiers... " (Interview à l'AFP en janvier 2014).
D'autres Français ont été condamnés des dernières années pour trafic de drogue en Indonésie.
Gérard Debetz, originaire de Limoges, a été arrêté le 11 janvier 2011 à l'aéroport de Jakarta avec 5,1 kilogrammes d'amphétamines. Il venait d'Istanbul. En octobre 2011, Gérard Debetz a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
François Giuily a été arrêté le 20 janvier 2014 à l'aéroport de Bali, avec 3 kilogrammes de métamphétamines dans ses bagages. Un trafiquant gambien lui avait demandé de les transporter pour 4 000 dollars. En juillet 2014, François Giuily a été condamné à quinze ans de prison, alors qu'il risquait la peine capitale.
Mais le Français dont la situation demeure la plus préoccupante est Serge Atlaoui, qui fut arrêté le 11 novembre 2005 alors qu'il faisait de la maintenance de machines dans le cadre d'un travail au noir, dans un atelier de fabrication de drogues. Il ne savait pas qu'il travaillait pour des trafiquants et a toujours plaidé son innocence sur ce plan-là (il a toujours reconnu aussi avoir agi illégalement puisque le travail au noir est interdit). Il a été condamné à mort le 29 mai 2007.
Depuis la rupture du moratoire sur les exécutions décidée par l'actuel Président indonésien, Joko Widodo, en fonction depuis le 20 octobre 2014 (élu le 9 juillet 2014), il y a eu trois séries d'exécutions, principalement des condamnés étrangers, le 18 janvier 2015, le 29 avril 2015 et le 29 juillet 2016.
Joko Widodo a rejeté la demande de grâce présidentielle le 28 janvier 2015 et la Cour suprême d'Indonésie a rejeté la demande de révision du procès le 21 avril 2015.

La chanteuse franco-indonésienne Anggun a pris position en publiant une lettre ouverte à Joko Widodo le 22 avril 2015 (avant que le nom de Serge Atlaoui fût retiré de la liste des personnes à exécuter). Il lui a fallu un certain courage puisque le 21 mai 2016, sur RFM, elle a confié se sentir menacée : " J'avais écrit une lettre ouverte, ce qui m'a valu d'être la personne la plus détestée en Indonésie. (...) J'ai été menacée. Il y avait quand même des choses violentes à mon égard. ".
Serge Atlaoui a échappé de justesse à l'exécution quelques jours plus tard. Alors que son nom était inscrit sur la liste pour les exécutions planifiées le 29 avril 2015, il fut finalement retiré le 25 avril 2015, tout comme celui de la Philippine Mary Jane Veloso. Les deux ont aussi été épargnés aux dernières exécutions du 29 juillet 2016.
Pour autant, la situation de Serge Atlaoui est toujours inquiétante puisque le 22 juin 2015, la Cour administrative a rejeté le recours contre le rejet de la grâce présidentielle. De plus, le 14 juillet 2015, la Cour suprême a rejeté une nouvelle demande en révision du procès. Cela fait donc trois ans que Serge Atlaoui n'a plus aucune possibilité de recours et qu'il peut à tout moment être exécuté.
Son sort avait même été instrumentalisé lors du vote au Parlement français de la loi sur la biodiversité ( loi n°2016-1087 du 8 août 2016) qui voulait créer une taxe contre l'huile de palme, principalement originaire d'Indonésie et de Malaisie. La troisième série d'exécutions avait eu lieu quelques jours après l'adoption définitive le 20 juillet 2016 par le Parlement de cette loi, sans création de nouvelle taxe...

La libération et le départ de Michaël Blanc pour la France ne modifient a priori en rien la situation de Serge Atlaoui. Au contraire, ils montrent plutôt que la justice indonésienne a été appliquée avec toute sa rigueur et sévérité, puisqu'il n'a pas eu un jour de moins que ce qui était prévu au départ. Les autorités indonésiennes n'ont évidemment pas intérêt à exécuter le condamné français si elles pensent qu'il pourrait faire encore un bon "otage" pour faire pression sur le gouvernement et le législateur français.
Notons cependant que la doctrine du gouvernement indonésien actuel est très claire à ce sujet : la diplomatie n'aurait aucune influence sur les décisions de justice, si bien que parmi les condamnés exécutés il y a deux et trois ans, se trouvaient plusieurs citoyens australiens, d'un pays voisin pourtant essentiel pour l'économie indonésienne, et le gouvernement australien n'a réagi que par des vives protestations sans réelles conséquences.
Quant au voyage en Indonésie du Président français François Hollande, son dernier voyage présidentiel avant la fin de son quinquennat, avec une rencontre avec Joko Widodo le 29 mars 2017 à Jakarta, il n'y a eu aucune évocation publique de la situation du condamné français, ni dans son discours au palais présidentiel, ni dans son discours sur les relations culturelles entre la France et l'Indonésie. Ce voyage présidentiel n'a servi à rien pour assouplir la peine de Serge Atlaoui qui, je le rappelle, clame toujours son innocence et peut à tout moment être exécuté.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 juillet 2018)
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Pour aller plus loin :
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Taxe Nutella : Serge Atlaoui, otage de l'huile de palme ?
Vives inquiétudes pour Mary Jane Veloso.
Le cauchemar de Serge Atlaoui.
Peine de mort pour les djihadistes français ?

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