Noire n'est pas mon metier

Publié le 29 juillet 2018 par Lorraine De Chezlo
de Collectif
Récits autobiographiques - 115 pages
Edition Seuil - mai 2018
Elles sont seize comédiennes françaises à la peau sombre, noires ou métisses, et, réunies par Aïssa Maïga, la seule à être vraiment connue du grand public, elles livrent chacune à leur tour un témoignage, leur témoignage, leur expérience de comédienne dans le monde actuel du cinéma, des médias, de la culture. Des récits qui parlent d'injustice, de racisme éhonté ou déguisé, de discrimination, de déception surtout. Car toutes savent au plus profond d'elle que le regard porté sur chacune est biaisé, et que tout le monde aurait à y gagner s'il était corrigé.
A lire ce titre, je pensais tout d'abord à La mort est mon métier de Robert Merle. Mais on en est loin bien évidemment. Sur la forme, le recueil est réussi, car en plus d'être des actrices talentueuses, elles savent bien écrire et ont toutes le sens du récit. Ils sont plus ou moins durs, plus ou moins intimes, denses, optimistes. Mais tous sont résolus sans jamais être empreints d'aigreur et d'amertume stérile.
Extrait :"Au regard de ce qui se passe dans nos maisons, dans la rue, dans les transports, au parc, la crédibilité artistique de nos films est entachée d'un fort anachronisme, avec des personnages qui se ressemblent tous, aux cheveux lisses, au phrasé identique, monochromes, donnant toute valeur au déni et à la négation de notre société, dans laquelle heureusement nos amours mêlent nos sangs sans fin."Rachel Khan - "Sans entendre aucun bruit" On l'entend rarement ce discours, il est intéressant de lui faire une place dans le récit commun, dans nos visions à chacun. Comédiennes, donc en prise avec une profession dominée par un encadrement le plus souvent "blanc", elles sont soumises à l'influence sociale, historique et esthétique de ce que devrait être tel ou tel rôle féminin. Et elles sont donc très souvent reléguées aux rôles genrés et "phénotypés". A cela s'ajoutent les cas de violence sexuelle, de harcèlement, de racisme banalisé, de plafond de verre social.Un petit ouvrage qui mérite d'être sous les feux de la rampe, et qui on le souhaite saura faire sauter les boulons de ce carcan socio-culturel._____[merci Nicole !]