Notre Est lointain

Par Capocapesdoc
Notre Est lointain

Sébastien Ménard

Publie.net - La machine ronde - 2017

Ce serait l'histoire des bêtes ce matin-là. L'histoire d'un col passé à pied et de l'orage. L'histoire des soupapes. L'histoire des héros sans nom qu'on s'obstine à chercher - une course-poursuite avec les étoiles.

Sur les routes de l'Europe, le long des fleuves interminables, sous le soleil, dans la poussière, toujours en mouvement, que cherchent-ils ?

Les héros de cette histoire se racontent au " nous ". Ils se déplacent en voiture, en vélo ou à pied. Ils dorment dehors ou chez l'habitant, ils écoutent leurs récits et ils partagent leurs danses. À défaut d'une même langue, c'est un élan commun qui les portent les uns vers les autres.

Alors que le monde alentour, le nôtre, n'en finit plus de sombrer dans sa propre caricature, ils partent vers des contrées où les rêves sont encore possibles.

Dans ce western de l'Est et d'aujourd'hui, les explorateurs sont doux et sincères. Indiens d'un soir entre les étoiles, ils ont pris le Danube pour guide et leur quête intime et magnifique, mille fois échouée et mille fois recommencée, ne connaîtra aucune frontière.

Mon avis : Toujours de magnifiques textes aux accents de voyage, sur les routes de l'Est. C'est difficile d'expliquer le style de Sébastien Ménard, il faut le lire, l'écouter pour en ressentir les phrases. Moi, ça m'émeut, ça me transporte.

Je suis un fragment.
Je suis un fragment - une poussière.
Je suis un fragment - une ombre parfois pluie - des herbes cambrées puis couchées
dans le jaune ocre.
Je suis un fragment.
Une particule de la génération poussière - et le soleil vient soulever le dernier d'entre
nous - quelques fleurs, et des mots qu'on retient encore un instant.
Je suis un fragment.
Tout est fragment.
Les mots fragments.
Tous ici pareils.
Je suis un fragment - un morceau d'asphalte - une pierre - un caillou.
Je suis un fragment - des rires et des voix.
Un regard - un silence.
Je suis un fragment de nos désirs. Un coup d'œil, et debout nos corps - une carte
ouverte. Un son. Un souffle.
Tout dire - là - fragment.
Nos contrées, nos langues - fragments.
Nos traces - fragments.
Nos silences.
Du blanc.
Et puis enfin : les herbes soufflées par le vent - les arbres secoués. Peut-être les mots,
eux, surgissent et résonnent.

Je suis un fragment, Notre Est lointain, Sébastien Ménard