Luxure et châtiment, de Narcisse Praz

Publié le 11 août 2018 par Francisrichard @francisrichard

Parmi les Moires, Narcisse Praz a une prédilection pour Lachésis, qui, à plusieurs reprises, répartit les fils du destin dans son roman, Luxure et châtiment, où cet anar assumé règle ses comptes avec la religion catholique.

L'Église catholique, institution humaine, n'est, hélas, pas exempte de vilenies et celles que raconte l'auteur ne sont pas purement imaginaires, même si la facilité serait de généraliser... Ce qu'il se garde de faire trop ouvertement...

L'histoire se passe dans les très catholiques Valais et Fribourg des années 1940. Elle a pour héros un petit Valaisan originaire de Bassan, dans la vallée de Ninde, un contemporain de l'auteur, puisque né comme lui en 1929.

En septembre 1940 la famille Sornioz est composée des deux parents, mariés depuis quinze ans, et de quatre enfants seulement (ils n'ont que fort peu contribué à l'essor démographique de la patrie suisse et à l'expansion du catholicisme voulu par l'évêché valaisan de Sion...):

- le père, Cyprien, victime d'un AVC, deux jours et demi après avoir été mobilisé (il en aurait fallu trois pour qu'il soit indemnisé par l'Assurance militaire fédérale...)

- la mère, Honorine, travaillant de nuit à la mine de Chandoline (elle y trie le charbon dix heures durant pour un maigre salaire)

- le fils aîné, Hector, quatorze ans

- le fils puîné, Théophile, Théo, onze ans

- la fille aînée, Liliane, six ans

- la benjamine, Michelle, quatre ans

Parce que Théo est un enfant vif et intelligent, il a été repéré par le curé du village. Par lui alerté, le Père Sourire, alias Père Henri Cochet de la Congrégation de Saint François d'Alès, natif du lieu, décide qu'il a la vocation.

Honorine se laisse convaincre qu'il l'a et laisse emmener Théo à Fribourg. En effet ce sera pour la modeste famille une promotion sociale que d'avoir un prêtre dans la famille et, entre-temps, ce sera une bouche de moins à nourrir...

Ce sera aussi un moyen de détourner Théo de Thelma, qui a son âge, pour laquelle il éprouve un amour naissant et qui est une des deux petites bâtardes de Geneviève Michelet, mise au ban d'une société sensible au qu'en-dira-t-on.

Ce qui se passe au Juvénat alésien de Fribourg pendant les cinq ans et demi qui suivent est d'une telle précision que l'auteur ne peut que l'avoir vécu, en y ajoutant cependant une bonne dose romanesque de son cru.

Car le roman qui commence par une affaire d'amitiés particulières, rigoureusement proscrites en ces lieux mais pratiquées (faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais) à la faveur de chantages, tourne au genre policier et judiciaire.

L'histoire, tout à fait plausible, si fantasmée en partie, illustre les manigances de ceux qui abusent de leur ascendant sur les autres, tout en invoquant sans vergogne la transcendance pour justifier leurs vilains méfaits.     

Francis Richard

Luxure et châtiment, Narcisse Praz, 592 pages, Slatkine

Livre précédent:

Du fond du tiroir, Hélice Hélas (2014)