Miss Sarajevo, Ingrid Thobois… Rentrée littéraire 2018

Par Antigone

 

❤ Le roman de rentrée dont je vais vous parler aujourd’hui est exactement ce type de roman coup de coeur dont on voudrait savoir parler au mieux pour donner envie et ne rien gâcher de sa grâce. Miss Sarajevo est un récit multiple, qui aborde plusieurs thèmes. J’ai adoré tout de suite son écriture et la justesse de son ton. Aucun mot n’est de trop. Et il ne tombe jamais dans le pathos, alors que tout est émotionnellement très fort dans ses lignes. Joaquim a perdu sa sœur alors qu’il n’était encore qu’un jeune étudiant en photographie. La scène (sidérante) est décrite à plusieurs reprises, de différents points de vue. La jeune fille de 16 ans s’est défenestrée, profitant de l’absence de ses parents, et du fait que Joaquim était dans son bain. On imagine aisément le traumatisme pour cette famille irrémédiablement détruite. Mais on comprend aussi très vite que ce drame était sans doute l’écho d’un autre drame, longuement tu. On ne cessera jamais de parler des dégâts que causent les secrets de famille. Joaquim se met en mode survie et s’échappe de cet appartement maudit de Rouen dans lequel ses parents n’en peuvent plus de se reprocher à eux mêmes leurs décisions passées. Amant depuis quelques mois d’une femme exilée de Bosnie, Ludmila, le jeune homme décide de partir à Sarajevo, en quête d’images, et de sens… et y trouve un territoire où l’on meurt à chaque coin de rue. Il y rencontre une famille, et une jeune fille, qui deviendra lors d’une élection censée interpeller le reste de l’Europe Miss Sarajevo. Et moi lectrice, j’ai aimé ce roman doux amer, qui contient énormément de délicatesse dans ses descriptions, et des images fortes, sans pour autant apporter de jugement sur les situations rencontrées. L’humain y est peint dans toute sa fragilité et ses contradictions. C’est un beau roman, dont je retiendrai sans doute plusieurs scènes très longtemps en mémoire, comme tous ces moments par exemple où Joaquim photographie Sarajevo, le chargeur de son boîtier de pellicule vide.

Editions Buchet Chastel – 23 août 2018

J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…    

Lu via Net Galley 

« On ne se tue pas par abandon de la lutte – les religions ont inventé la rhétorique de cette prétendue lâcheté. On se suicide et on dévore la vie au nom d’un seul et même scandale : l’exiguïté du couloir de temps qui nous est alloué, dans lequel il nous est permis d’avancer mais jamais de faire demi-tour, ni de nous arrêter. On se tue après avoir longuement soupesé la vie, analysé ses accélérations et décélérations, afflux et reflux sanguins dans la carotide, et la sensation de vide qui s’ensuit. On se tue au moment d’aller mieux, dans l’équilibre retrouvé entre les artères chargées d’oxygène et les veines de CO2 : se jeter par la fenêtre, c’est d’abord s’essayer à voler. »

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