Grand Basel, l’automobile est-elle un art?

Par Jsbg @JSBGblog

Nouveau salon se donnant pour mission d’élever l’automobile au rang d’art, écrin de l’Hublot Design Prize 2018, Grand Basel vient de fermer ses portes. Retour en détail sur cette première édition.

«Are Cars Art?»… vous n’avez sans doute pas pu échapper à cette interpellation placardée en jaune et noir sur les panneaux d’affichage partout en Suisse. Une question à laquelle s’est efforcée de répondre la première édition de Grand Basel. Nouveau bébé du groupe MCH gérant déjà les foires Art Basel et Baselworld, cet évènement a fermé ces portes hier soir après avoir présenté au public 113 voitures d’exception d’une valeur totale de plus de $ 300 millions sur une surface de 32’000 mètres carrés.

A travers une sélection de superbes carrosseries, les organisateurs avaient à coeur de répondre à la question posée. Conclusion: si ce n’est pas de l’art, ça y ressemble fort. Les automobiles présentées, mises en valeur par un concept architectural simple mais efficace, mettent en évidence la position unique de l’automobile, au croisement des beaux-arts que sont le dessin, l’architecture et la sculpture. Et encore, si l’exposition n’était pas statique, l’on pourrait sans autre y ajouter la musique.

Paolo Tumminelli, professeur d’études culturelles et de design à l’Université de Cologne et président du comité de Grand Basel.

L’idée de cette rencontre à mi-chemin entre le salon automobile et l’exposition d’art a germé voilà deux ans dans l’esprit de Paolo Tumminelli, professeur d’études culturelles et de design à l’Université de Cologne. Un projet qu’il a ensuite développé avec Lapo Elkann, petit fils de Gianni Agnelli et héritier du groupe Fiat FCA, avant d’en confier la réalisation au groupe MCH, sous la direction de Mark Backé. Tumminelli assume désormais le poste de président du comité de Grand Basel, où siègent également Lapo Elkann, Stephen Bayley, Sylvie Fleury, Michael Erlhoff et Giorgetto Giugiaro.

Dès le hall d’accès à l’exposition, le visiteur est confronté d’emblée à l’exceptionnel. En l’occurrence, il s’agit de la Linea Diamante, un projet d’automobile développé en 1953 par Gio Ponti alors qu’il travaillait en parallèle sur le célèbre immeuble Pirelli à Milan. Restée à l’époque à l’état de concept, la Linea Diamante est ici présentée pour la première fois à l’état de prototype.

Une fois à l’étage supérieur – la halle 1.1 pour les habitués de Baselworld – l’on découvre un large espace à la mise en scène particulièrement réussie. De part et d’autre de larges avenues s’étendent une succession de cadres blancs servant d’écrin aux voitures. Volontairement, les informations affichées sont réduites au minimum, une app étant à disposition des visiteurs les plus curieux. Une vraie réussite esthétique!

Quant à la sélection des véhicules exposés, elle est somptueuse! Maserati, Aston Martin, Ferrari, Porsche, Bugatti, Lamborghini… les marques les plus prestigieuses sont évidemment présentes. Mais c’est dans le choix des pièces elle-mêmes que Grand Basel fait la différence. Des automobiles uniques, au pedigree impeccable, à l’enseigne de cette Pegaso espagnole carrossée par Saoutchik. Très honnêtement l’une des plus belles voitures qu’il m’ait été donné de contempler. La suite est à l’avenant. Là, une impressionnante Voisin C25 Aérodyne de 1935. Ici, une Maserati Tipo 63 Birdcage. Le spectateur virevolte entre anciennes et contemporaines, voitures de route ou de course, toutes merveilleusement hypnotisantes. Même les locaux de l’étape seront heureux de voir un sublime exemplaire de Monteverdi Hai, une marque bâloise aujourd’hui disparue.

Le designer Giorgetto Giugiaro aux côtés de sa première et dernière voitures Corvair Testudo de 1963 et la la GFG Style Sibylla GG80 de 2018, un modèle électrique unique qu’il s’est construit pour lui-même

Grand Basel a voulu rendre hommage à Giorgetto Giugiaro, père de la Panda comme de la Golf, élu Designer du Siècle en 1999, en exposant côte à côte sa première et sa dernière réalisation. D’une part, la Corvair Testudo par laquelle il a commencé son illustre carrière en 1968, de l’autre la GFG Style Sibylla GG80, marquant les 80 ans du Maestro. Un modèle électrique unique qu’il a voulu se construire lui-même cette année pour sa propre retraite.

Conçu comme un Collectors Lounge, le second étage de l’exposition met au dialogue le meilleur d’hier et d’aujourd’hui, puisque aux Aston Martin DB4GT Zagato, Ferrari 250 GT California, SWB et 312 P font face une Bugatti Chiron et une Pagani Huayra à la carrosserie entièrement en carbone brut.

Grand Basel a fait également l’objet de deux premières, l’une mondiale et l’autre européenne. Automobili Amos y a dévoilé sa Futurista, une ré-interprétation moderne l’inoubliable Lancia Delta Integrale vendue au prix de € 300’000, tandis queTesla y montre pour la première fois en Europe son futur modèle Roadster. Le constructeur américain a d’ailleurs invité tous ses clients en ayant déjà passé commande à venir la découvrir in the flesh. La marque horlogère Hublot, partenaire de l’évènement, en a également profité pour y tenir la remise des prix de son Hublot Design Prize (voir ci-dessous).

Cette première édition de Grand Basel est une véritable réussite tant dans son organisation que dans sa présentation. Ses portes se sont refermées après avoir vu passer un total de 12’000 visiteurs. Le groupe MCH semble beaucoup croire à son potentiel puisqu’à l’instar de Art Basel, elle devrait avoir lieu trois fois par an. La prochaine édition de Grand Basel aura donc lieu à Miami Beach du 22 au 24 février 2019, puis ensuite à Hong Kong en mai 2019.

Hublot Design Prize 2018

Après une édition 2017 qui avait vu l’irlandaise de Lausanne Carolien Niebling et son design de saucisses vegan récompensées à Londres, Hublot avait choisi le cadre de Grand Basel, dont l’horloger de Nyon est partenaire, pour la quatrième édition de son Design Prize.

Le principe de cette récompense est simple: aider un designer émergeant en lui offrant visibilité et moyens, le vainqueur recevant un joli chèque de CHF 100’000.-. Les 6 membres du jury soumettent chacun cinq designers, parmi lesquels sont choisis sept finalistes. Cette année, le président du jury Pierre Keller, ancien directeur de l’ECAL, s’était entouré de Marva Griffin Wilshire, créatrice du Salone del Mobile Satellite Show, Ronan Bouroullec, designer français de renom travaillant avec son frère Erwan, Lapo Elkann, le golden child déjà cité plus haut, Hans Ulrich Obrist, directeur de la galerie londonienne Serpentine, et Libby Sellers, écrivain et historienne.

Tout ce beau monde n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur un lauréat, le prix a été accordé simultanément à deux finalistes, le texan Dozie Kanu, travaillant au Portugal, et le studio italien Formafantasma établi à Amsterdam. Ils se partagent donc la récompense, divisée en deux pour l’occasion. Mais CHF 50’000.-, c’est déjà pas si mal, non?

– Jorge S. B. Guerreiro

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Informations pratiques:

www.grandbasel.com

www.hublot.com/designprize

La locale de l’étape: Monteverdi Hai 450 GTS de 1970, une voiture fabriquée à Bâle
Porsche 906 de 1965
La bestiale Aston Martin V8 Vantage Volante de 1987
En première européenne, la future Tesla Roadster
Aston Martin DB3 de 1952
La Linea Diamante, un projet développé en 1953 par Gio Ponti présenté pour la première fois à l’état de prototype
Aston Martin Virage « Shooting Brake » de 2011, un modèle unique célébrant les 95 ans du carrossier italien Zagato
L’une des plus belles voitures du monde est espagnole: Pegaso Z-102 Series 2, un cabriolet carrossé par Saoutchik
IsoRivolta Isetta de 1952. Seulement 2,29 m de longueur et une porte unique s’ouvrant vers l’avant! Cette mini-voiture sera ensuite fabriquée sous license par BMW
Ferrari fabrique régulièrement des modèles uniques pour ses clients. Cette SP38 Deborah de 2018 est une « one-of » conçue sur la base d’une 488 GTB
Le taureau voit double: Lamborghini Miura de 1968 et Countach LP400 de 1974 
La sublime Ferrari 312P de 1969, dont seul trois exemplaires existent
Automobili Amos propose la Futurista, une ré-interprétation moderne l’inoubliable Lancia Delta Integrale HF, à la manière de ce que Singer fait avec la Porsche 911

Photos Sarah Jaquemet & JSBG