Lijiang en Chine : La « petite Venise de l'Orient »

Publié le 09 juillet 2008 par Julien Peltier


Lijiang, Chine
La « petite Venise de l'Orient »

L'Histoire de la Chine s'est créée autour de différents peuples tout au long des fluctuations territoriales et dynastiques qui ont jalonné son évolution. Lijiang, capitale de l'aristocratie Naxi fait partie de ces villes qui ont réussi à préserver leurs identités culturelles tout en développant une économie basée sur le commerce et l'échange de biens. Elle est une représentation unique de l'histoire et de la culture de cette région ainsi que de ses us et coutumes ethniques. Située dans le sud de la Chine, cette ville fut classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1997, grâce à sa fabuleuse architecture ainsi qu'à son urbanisme structuré autour d'un système hydraulique qui lui vaut le nom de « Venise de l'Orient ». L'étude de Lijiang nous permet également d'aborder la question des minorités ethniques en Chine et de la préservation de leur patrimoine.


Situation géographique et historique de la ville de Lijiang
Présentation du site

La ville-préfecture se trouve au nord-ouest de la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine. Elle est proche des frontières entre le Yunnan, le Sichuan et celle de la province autonome du Tibet. Au nord, la ville est bordée par le Yangzijiang, que l'on appelle là-bas Jinshajiang (« Le fleuve du Sable d'Or »), ainsi que par la montagne neigeuse du Dragon de jade. La ville se situe également dans le bassin de la rivière Yuhe. D'après la conception actuelle de l'Histoire de la Chine, la naissance de la ville prendrait place entre l'ère Sui et Tang, soit probablement au VIIe siècle de notre ère.
A cette époque, les Moxi, une minorité ethnique, prédécesseurs des Naxi, construisirent plusieurs hameaux dans le bassin du Jinshajiang ainsi que dans celui du Yuhe. C'est de ces constructions primitives que serait issue la ville de Lijiang. L'évolution de l'agriculture et de l'élevage permit le développement de cette région grâce au commerce ainsi qu'aux différentes foires qui s'y tenaient. Au fur et à mesure, les hameaux ont évolué jusqu'à à leur transformation en bourg. Dayan forme aujourd'hui le vieux quartier de Lijiang. Dans le récit de son voyage à Lijiang au milieu du XXe siècle, le russe Peter Goullart décrit Lijiang comme un regroupement très rapproché de plusieurs villages. D'ailleurs, il mentionne le fait que les rues portaient les noms de ces villages. Ce détail est intéressant dans le sens où il renvoie aux origines de la ville.
La position géographique explique le développement du bourg puis de la ville. En effet, le site présente l'intérêt d'être facilement défendable et permet également le contrôle du bassin du fleuve. C'est notamment pour ces raisons que Lijiang deviendra par la suite un carrefour important de la route de la soie méridionale. L'arrivée des mongols en Chine marquera également une étape importante dans l'évolution de la ville. Sous la conduite de Qubilaï Khan (1260-1294) l'armée met fin à la division tribale de la région, en plaçant à sa tête son commandant en chef adjoint, un certain Mailiang. Le fils de ce dernier, Aliang Abu va commencer un nouvel aménagement du bourg de Dayan. Il fit également creuser le lit occidental de la rivière Yuhe qui traverse le vieux quartier.
La particularité historique de la ville vient également du fait que sous les Ming, la préfecture acquiert une certaine autonomie et se retrouve placée sous la responsabilité d'un certain Mu. Ce dernier reçut le titre de Tusi, gouverneur de Lijiang. C'est à cette époque que le bourg de Dayan devint également un centre politique important dans la région. Sous le règne de l'empereur Yongzheng (1723-1735) de la dynastie des Qing, le système administratif de Lijiang fut reformé et un nouveau gouverneur fut mis en place. Ce dernier fit notamment creuser le lit oriental de la rivière Yuhe et apporta ainsi la touche finale à l'ensemble hydraulique autour duquel la ville se développe.
Le climat dans la ville est également influencé par sa position géographique. En effet, malgré la présence de la montagne neigeuse du Dragon de jade plus au nord, la ville est épargnée par les vents froids d'automne et d'hiver grâce à la protection des petits monts sur lesquelles la ville est adossée : au nord-est, le mont de l'Eléphant et celui de l'Arc-en-ciel ; au nord-ouest, le mont du Lion. Malgré sa haute altitude (2400m), les hivers ne sont donc pas trop rigoureux. En été, la ville conserve une certaine fraîcheur grâce au zéphir qui vient l'aérer.
On ne pourrait parler de Lijiang sans aborder le thème de ses habitants, les Naxi. C'est cette minorité ethnique, aujourd'hui encore très présente, qui a permis le développement ainsi que le rayonnement de la ville.
La culture Naxi à Lijiang
La culture du peuple Naxi englobe une religion animiste chamanique, une écriture spécifique, une certaine philosophie écologique ainsi qu'une musique traditionnelle.
Le dépositaire du savoir religieux se nomme le « Dongba ». Cette charge est héréditaire et se transmet donc de père en fils. La danse et les costumes occupent une place très importante dans les différents rituels. Les premières sont zoomorphiques et il en existerait plus de quarante différentes, toutes dédiées à divers aspects de la vie : la guerre, la récolte, le sacrifice ou la paix, par exemple. Le culte des ancêtres et des forces de la nature constitue la caractéristique dominante de cette religion influencée par les courants bouddhistes tibétains et le taoïsme des Han. On peut notamment citer des rites tels que l'Adoration au Ciel, l'Adoration à l'Esprit errant, ou bien encore l'Adoration de Su (le dieu de la nature).
Toutes ces cérémonies sont codifées et inscrites dans les livres de Dongba. Ces derniers sont fabriqués et reliés à la main, et l'encre est également fabriquée par les Dongba eux-mêmes. Les textes liturgiques de cette culture sont très nombreux, il en existe aujourd'hui plus de 20 000 dans le monde, mais le nombre de personnes capables de lire et d'écrire ces textes est de plus en plus restreint.
La prédiction est également un aspect très important de la religion Dongba. Elle s'effectue grâce à la lecture d'os de poulet, de mouton ou bien encore de coquillages. Pour traduire ces oracles, on utilise un diagramme dont le centre est représenté par une grenouille. Les membres de cette dernière représente les cinq directions ainsi que les cinq éléments. On remarque également l'apparition des douzes animaux zodiacals, signe de l'influence des Han dans les rites des minorités ethniques.
Il est également important de préciser que les cultes se passent toujours en extérieur et qu'aucun temple ne vient interférer entre l'homme et la nature. A la lumière de ces informations, on comprend mieux que l'agencement de Lijiang est en parfaite adéquation avec l'esprit écologique de la culture Naxi.
Outre les connaissances ésotériques, le Dongba est responsable du savoir et des traditions Naxi, comme par exemple la médecine, la philosophie mais également l'écriture. Celle-ci est tout à fait originale. Elle est composée de quelques 1 500 pictogrammes, ceux-ci ressemblent souvent aux objets qui sont décrits. On pense que cette écriture serait née aux alentours du VIIe siècle de notre ère, sous les influences chinoise et tibétaine. Bien qu'elle ne soit pratiquement plus utilisée de nos jours, elle présente un grand intérêt pour les touristes qui affluent de plus en plus nombreux à Lijiang.
La musique est également un élément très important dans la culture Naxi, notamment dans les rituels religieux. Aujourd'hui ce patrimoine est préservé grâce aux touristes qui affluent aux concerts qui sont donnés chaque soir dans le vieux quartier de la ville.
La peinture fut également une des preuves de l'éclatante culture artistique des Naxi. Elles peuvent se présenter sur des planchettes de bois à l'instar des Thangka tibétains ou bien, sur des longs rouleaux de lin déployés lors des cérémonies. Ces peintures sont en général de couleurs vives et inspirées du panthéon Naxi, qui comporte plus de quatre cents divinités.
L'architecture de Lijiang
Le plan d'urbanisme
Lijiang est une ville tout à fait singulière sur le plan de son urbanisme : elle ne suit pas un plan de construction précis et organisé. A l'inverse des autres villes de la plaine centrale, Lijiang ne porte aucun témoignage de lois régissant l'édification architecturale. Les maisons sont organisées autour des éléments naturels en particulier l'eau et la montagne. On trouve par exemple de nombreuses maisons construites en terrasse à flan de montagne afin d'épouser la forme de celle-ci.
L'élément principal autour duquel s'est formée la ville de Lijiang est l'eau. En effet, la ville s'est construite autour de la Yuhe, dans un premier temps autour de son axe central, puis autour du lit oriental et occidental au fur et à mesure de leurs créations. Afin de pouvoir desservir l'ensemble de la ville qui s'agrandit, on assiste également à la création de plusieurs canaux secondaires qui forment une véritable toile aqueuse. Les eaux de Lijiang proviennent du lac du Dragon noir qui se trouve au nord de la ville. Cette immense réserve de 40 000 mètres cubes rassemble les eaux de source qui proviennent directement du mont de l'Eléphant. A l'entrée de la ville, une écluse située sous le pont du Dragon de jade divise le cours de la rivière en trois sections et alimente ainsi la ville en eau. Les grandes artères principales de la ville sont situées le long des trois bras principaux de la rivière, alors que les ruelles bordent les ruisseaux. C'est à cet ensemble hydraulique incroyable que la ville de Lijiang doit ses surnoms de « Venise de l'Orient» ou de « Suzhou du plateau ». Les cours d'eau de la ville sont très souvent enjambés par des ponts, afin de permettre la circulation des passants. On dénombre 354 ponts dans la ville. L'eau permet également de nettoyer les rues de la ville. Grâce aux écluses, le niveau de l'eau peut être monté pour assainir les rues pavées. Ce système permet également l'évacuation facile et rapide de tous les déchets domestiques. De plus, grâce à la force du courant, les rivières de Lijiang n'apparaissent jamais comme polluées car tous les déchets sont emportés et descendent dans la vallée. En suivant le cours de la Yuhe jusque dans le bas de la plaine, où le courant est beaucoup moins fort, on s'aperçoit alors de la pollution présente dans la rivière. En contre partie, les habitants de Lijiang sont très prudents en ce qui concerne l'amont de la rivière qui leur fournit leur eau et évite donc toute pollution à ce niveau là. Ces détails nous sont encore une fois fournit par Peter Goullart dans son récit Forgotten Kingdom.
Le centre de la ville est occupé par la rue Carrée. C'est là où se trouvait le marché de la ville et témoigne donc de l'importance du commerce pour les Naxi. La partie occidentale de la foire était originellement réservée aux produits de l'artisanat traditionnel alors que la partie orientale était quand à elle dédiée aux ustensiles d'usage courant. C'est à partir de la rue Carrée que rayonnent les principaux axes de communication de la ville à l'est et à l'ouest. Les rues sont quand à elles pavées de granit. Cette technique de construction facilite le nettoyage à grande eau dont nous avons parlé précédemment. Ces blocs, polis par le temps et le passage de nombreuses caravanes sillonnant la route de soie méridionale, sont issus de pierres extraites directement des montagnes du bassin de Lijiang.

Une des grandes particularités de la ville est son absence de muraille. Là où toutes les capitales impériales possèdent une muraille imposante, Lijiang se contente de ses protections naturelles. La légende voudrait que cela vienne du nom du premier tusi mis en place sous les Ming, le dénommé Mu. Ce caractère chinois entouré d'un « rempart », devient kun qui possède la signification de « siège » ou « situation difficile ». De cette symbolique découlerait l'absence de rempart.
L'architecture Naxi
L'architecture Naxi a connu de nombreuses évolutions au cours de son histoire, marquée notamment par l'influence des Han et d'autres minorités ethniques en relation avec Lijiang, comme par exemple les Tibétains ou bien encore les Bai. A l'origine, il existait des habitats troglodytiques ainsi que l'habitat en tronc d'arbre décortiqué, le mulengfang. Ce dernier type était très répandu et a constitué l'habitat primitif le plus courant pendant une longue période. On en trouve encore aujourd'hui quelques unes dans les villages les plus reculés du district de Ninglang. Cette maison était facile de construction et le bois était directement récupéré sur le lieu de l'édification. La forme était au départ très simple : un édifice unique précédé d'une cour. Puis elle a évolué, des pièces supplémentaires sont venues se greffer autour de la cour en carré, à l'instar du Siheyuan de Pékin. En effet, avec l'arrivée du tusi Mu en 1253, on assiste à une ouverture culturelle de Naxi de Lijiang vers les Han de la plaine et dans une moindre mesure, le Tibet. Cette ouverture va se traduire par une influence croissante dans l'architecture.
Cependant, chez les Naxi, chaque maison est particulière et s'adapte à son environnement. Cela est à mettre en relation avec leur mode de vie, proche de la nature et cherchant à vivre en symbiose avec elle.
La forme aboutie est une maison à colombage que l'on nomme Jinggansshi. La plupart de ces demeures comportent deux étages. Les structures en bois sont remplies d'adobe au rez-de-chaussée et de planches de bois à l'étage. Les toits sont recouverts de tuiles et les murs extérieurs de chaux. Chez les Naxi, on trouve très souvent dans les maisons une galerie extérieure recouverte d'un haut-vent, afin de se protéger du soleil. Ces galeries se trouvent au rez-de-chaussée mais également à l'étage où elles sont accompagnées d'une balustrade.
De cette base sont issues deux variantes structurelles. La première se nomme Sanfangyizhaobi (trois chambres avec un mur-écran) où trois bâtiments prennent place autour de la cour avec un mur-écran sur le dernier côté, faisant face au bâtiment principal. Cette première variante est aujourd'hui encore la plus courante. La salle principale est plus haute que les pièces latérales. L'auvent courbé évite l'impression de lourdeur de l'ensemble et donne un côté plus aérien à la structure. Les murs sont inclinés vers l'intérieur afin de donner une meilleure stabilité aux bâtiments dans une zone où les séismes sont fréquents. En général, les personnes âgées habitent dans la chambre principale alors que les deux chambres latérales sont réservées à leurs descendances. Le mur-écran -zhaobi- est un élément intéressant de cette architecture. Son origine remonterait aux rituels des Zhou de l'Ouest. Il était réservé à l'usage des nobles ainsi que pour les temples. Il protégeait ainsi les habitants des regards indiscrets des passants dans la cour. Ce n'est que plus tard que le mur-écran fut adopté pour l'architecture domestique comme nous pouvons le voir ici à Lijiang. Ce type de construction révèle le haut niveau de l'architecture Naxi mais également les emprunts de cette dernière aux traditions des Han de la plaine.
La seconde variante, Sihewutianjing, moins courante, comporte un ensemble de quatre chambres autour de la cour en carré.
D'une manière générale, ce type d'agencement comportant une cour principale ouverte (puits du ciel) offre une très bonne aération dans cette région où les étés peuvent être particulièrement chauds, grâce à la circulation de l'air entre les pièces ouvertes sur la cour.
L'intérieur des maisons est également très soigné : un soin tout particulier est apporté aux voûtes, aux murs-écrans ainsi qu'aux cours et aux poutres. Les éléments de bois sont sculptés avec recherche et les porches voûtés prennent diverses formes souvent recherchées.
Les minorités ethniques en Chine
L'importance des minorités ethniques

Afin d'expliquer l'importance des minorités ethniques en Chine, il convient dans un premier temps de définir ce terme. Il est ici employé dans le sens de « nation » et non de « citoyenneté ». Une nation est unie par une culture commune, des traditions propres et parfois une langue spécifique. L'ethnie majoritaire en Chine est celle des Han. Ce nom, dérivé du nom de la dynastie éponyme, est utilisé en réalité pour différencier la population d'origine chinoise et les mandchou, qui dirigèrent la Chine à l'époque de la dynastie Qing.
Cependant, bien que le nom n'existait pas encore, la culture chinoise traditionnelle s'est vite différenciée de celles des autres ethnies qui ont peuplées son territoire au fur et à mesure de son expansion.
Dès l'unification de la Chine, en 221 avant notre ère, le pays se pose comme une nation multiethnique. On dénombre aujourd'hui à peu près 56 minorités ethniques en Chine, qui représentent à peine 8% de la population chinoise globale. Malgré leurs faibles proportions, il ne faut pas minimiser l'influence culturelle de ces minorités sur le monde des Han. Même si la plupart de ces cultures non-Han ont été fortement influencées au cours de l'Histoire par l'art et le mode de vie de leurs voisins de la plaine, ils ont eux aussi réussi à imposer leurs différences dans la culture chinoise qui, elle, est un ensemble de toutes ces cultures.
Certaines ethnies ont ainsi réussi à garder leurs écritures traditionnelles et leurs systèmes internes d'éducation, et ce, malgré l'influence très forte des Han. Le rôle des lettrés et des élites des minorités est primordial dans la propagation et surtout la conservation des valeurs des communautés locales chinoises, comme auprès des populations périphériques. Leur rôle sera surtout important à partir des Song et des Ming où un idéal « néo-confucéen » s'efforcera d'homogénéiser et d'uniformaliser l'ensemble du territoire sous le contrôle de l'empereur. On peut observer comme nous l'avons fait avec les Naxi, que certaines communautés préservent encore leur savoir local, sans pour autant renier leur appartenance à la nation chinoise (excepté les tibétains). En effet, la permanence de l'identification à la tradition chinoise repose moins sur les dogmes que sur les capacités à effectuer correctement les rites nécessaires à chaque âge de la vie (naissance, mariage ou bien encore funérailles). Le respect de ces rites et des différentes règles de « savoir vivre », bien que présentant de grandes variétés locales, reste le critère essentiel permettant de reconnaître les communautés à un plus ou moins haut degré de « civilisation », soit de « sinité ».
En 1976, la fin de la révolution culturelle a été le début de la renaissance des minorités ethniques grâce à :
la publication de revue et de documents concernant le patrimoine traditionnel (folklore, mythes, etc)
la réorganisation de la presse, des moyens audio-visuels ainsi que de l'éducation dans la langue vernaculaire.
Selon la loi, les cadres Han doivent apprendre la langue et l'écriture des ethnies parmi lesquelles ils travaillent. C'est pourquoi on a créé, dans certaines provinces, des instituts des minorités ethniques en plus de l'institut central de Pékin, où les futurs cadres reçoivent une éducation politique, linguistique et juridique, de même que les privilégiés originaires des différentes minorités disposés à collaborer avec les Han. La fin du règne de Mao Zedong à également marqué, pour certaines minorités comme les Ouïgours, la fin de la suprématie légale de la langue chinoise officielle sur leur dialecte ethnique.
Un second exemple de minorité ethnique : Les Hakka
Située dans la région montagneuse du Fujian de l'Ouest et dans une moindre mesure, dans le Guangxi et le Jiangxi, cette minorité est issue des troubles provoqués durant l'époque des Jin Occidentaux (265-316). A cette époque, de nombreux Han de la plaine centrale fuient vers le sud pour échapper aux conflits. Ils se refugient dans certaines zones montagneuses comme la région du Fujian de l'Ouest. Après une fusion prolongée avec les autochtones, ils formèrent finalement un peuple à la culture hybride : les Hakka. Le fort sentiment d'identité de cette population repose sur leur expérience de communauté ayant dû lutter afin de faire une place dans des régions trop peuplées où dans des zones montagneuses encore en friches et difficilement exploitables. Cette situation imposait un sens plus aigu du communautarisme que chez les Han, se reflétant dans plusieurs domaines dont l'architecture.
La création d'une forme architecturale originale s'est faite en relation avec cet esprit communautaire. A l'instar des maisons Naxi à Lijiang, les tours d'argiles des Hakka répondent aux exigences géo-culturelles de la région. En effet, sous les dynasties Ming et Qing, les zones d'habitation des Hakka, et notamment le Fujian et l'Ouest et du Sud, étaient des zones de conflicts parfois violents entre différents clans Hakka et Fulao (indigènes du Fujian de l'Ouest et du Sud). Ces tours d'argiles sont constituées d'un seul bâtiment généralement rond ou carré, mais pouvant aussi prendre des formes différentes comme un plan ovale, polygonal, en trigramme ou encore en croissant de lune. Ces tours d'argiles, quelles que soient leurs formes, ont l'apparence de forteresses, mais sont cependant des lieux d'habitation où pouvaient vivre plus d'une dizaine de personnes. Elles comportent généralement entre un et cinq étages. Le rez-de-chaussée n'a le plus souvent pas de fenêtres, c'est au première étage que l'on voit apparaître quelques minuscules ouvertures. On remarque ici que la fonction défensive prime sur le confort. En général, la cuisine et la salle à manger sont au rez-de-chaussée, les entrepôts au premier étage et les niveaux supérieurs sont occupés par les chambres des habitants. Les murs extérieurs, d'une épaisseur pouvant aller jusqu'à 1,50m à la base, se rétrécissent vers le haut. Derrière les murs sont disposées de nombreuses pièces puis le couloir et enfin le centre du bâtiment en air ouverte.

Ces habitations étaient, comme nous l'avons dit, très bien adaptées à une vie communautaire. Elles abritaient souvent des clans entiers et sa forme géométrique rappelle l'esprit clanique qui caractérise les Hakka. Cependant, malgré leurs formes, cette architecture conserve certaines caractéristiques des habitats traditionnels Han, comme par exemple la structure en bois et même l'enclos que forme le bâtiment autour de la cour centrale rappelle également les principes de construction traditionnelles chinois. A l'instar de Lijiang, on remarque donc que malgré leurs spécificités, les minorités ethniques restent fortement influencées par les traditions Han. La ressemblance avec les Naxi du Lijiang se retrouve aussi dans le respect de la nature et dans la volonté de vivre en harmonie avec cette dernière. Les tours sont construites en terre brute, sans brique. Elles viennent de la nature et y retourne après leur destruction. De plus, à l'instar des maisons du Yunnan, les Hakka ont réussi à créer un habitat qui préserve la chaleur en hiver, et laisse circuler l'air en été.
La Chine possède un patrimoine culturel exceptionnel à travers sa grande diversité, aussi bien au niveau du patrimoine matériel que de la culture humaine. Cependant, le plus important réside sans doute dans le fait que ces cultures sont encore vivantes de nos jours et qu'elle doivent continuer à le rester afin de transmettre cet héritage. Il semblerait que la République populaire de Chine fasse des efforts dans le sens de ces minorités ethniques. Au delà de la portée humaniste, il faut sans y voir un intérêt économique pour le pays qui fait de ces régions de véritables centres touristiques incontournables. Si la préservation du patrimoine sur le long terme passe sans aucun doute par une exploitation économique de site comme Lijiang, il faudra tout de même rester vigilant à ne pas dénaturer ces sites afin de pouvoir y accueillir plus de visiteurs.
Tenaka