Le bailleur peut-il se faire justice lui-même ?

Publié le 05 novembre 2018 par Christophe Buffet

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 12 avril 2016), que Mme X..., locataire, a assigné la société d'HLM Ozanam, bailleresse, en réparation du dommage causé par la destruction, par celle-ci, des plantes vertes dont elle était propriétaire et en indemnisation d'un trouble de jouissance ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 6 b) de la loi du 6 juillet 1989 ;

Attendu que, pour rejeter la première demande, l'arrêt retient que les conditions générales de l'engagement de location signé par la bailleresse faisaient défense au locataire de déposer et de laisser des objets quelconques dans les cours, paliers, passages, couloirs et escaliers, et que la société Ozanam, après avoir avisé les locataires les 20 mars 2012, 14 juin 2012 et 26 novembre 2012 pour leur demander d'évacuer ce qui encombrait les parties communes, a procédé à l'évacuation des plantes et fleurs de Mme X...embarrassant celles-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur ne pouvait, sans mise en demeure préalable et autorisation judiciaire, se substituer à la locataire dans l'exécution des obligations contractuelles lui incombant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses seules dispositions déboutant Mme X... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la destruction de ses plantes vertes, l'arrêt rendu le 12 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ;

Condamne la société Ozanam aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ozanam et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la destruction de ses plantes vertes et de son trouble de jouissance ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge a débouté Mme Monique Y...épouse X...de sa demande en réparation du dommage causé par l'évacuation de ses plantes alléguées comme brutale après avoir, d'abord rappelé, qu'aux termes des dispositions des articles 1728 du code civil et 7b de la loi du 6 juillet 1989, le preneur à bail était tenu d'user paisiblement des lieux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de bail, ensuite constaté que les conditions générales de l'engagement de location signé par la demanderesse faisaient notamment défense au locataire de déposer et de laisser des objets quelconques dans les cours, paliers, passages, couloirs et escaliers, enfin relevé qu'il ressortait des planches photographiques produites au débat comme de l'aveu même de la locataire incriminée, qu'elle avait entreposé dans les coursives communes desservant son appartement des plantes que la bailleresse avait été contrainte d'évacuer dès lors que l'intéressée n'avait pas elle-même procédé à leur enlèvement en dépit des avis adressés par la société d'HLM Ozanam à tous ses locataires les 20 mars 2012, 14 juin 2012 et 26 novembre 2012 pour leur rappeler les règles indispensables d'hygiène et de sécurité et leur demander d'évacuer les encombrants, dont les pots de fleurs et les plantes, embarrassant les parties communes en contravention avec les prescriptions de sécurité s'imposant à tous ; que s'agissant du trouble de jouissance dont se plaint Mme Monique Y...épouse X... à raison des tracas qui lui sont causés par son voisin, M. Z..., et dont elle impute la responsabilité à la SA d'H LM Ozanam, pour s'être abstenue de la restaurer dans une jouissance paisible des lieux loués en imposant à ce locataire de ne pas nuire à son voisinage, le premier juge a relevé, d'une part, que si les querelles entre les deux voisins étaient réelles, elles étaient en réalité réciproques, Mme Monique Y...épouse X..., comme M. Z..., se plaignant tour à tour auprès de la société bailleresse des troubles imputés à l'autre et, d'autre part, qu'il ressortait de courriers produits aux débats que la SA d'H LM Ozanam n'avait pas négligé ce conflit de voisinage auquel elle avait tenté de mettre fin, notamment en organisant une rencontre entre les deux voisins pour tenter de faire cesser les troubles dont ils se plaignaient ; qu'en conséquence de cette analyse, le premier juge a débouté Mme Monique Y...épouse X... de sa demande en réparation de ce trouble de jouissance ; qu'en l'absence d'élément nouveau rapporté en cause d'appel, la cour considère que par de justes motifs de droit et de fait qu'elle approuve et adopte, le premier juge a fait une exacte application des faits de la cause et du droit des parties et confirme en conséquence le jugement déféré dès lors qu'il est démontré de manière pertinente par cette motivation qu'aucune faute engageant sa responsabilité ne peut être établie à la charge de la société d'HLM Ozanam tant à l'occasion de l'évacuation des plantes de Mme Monique Y...épouse X... qui encombraient les parties communes qu'à l'occasion de la brouille de voisinage installée de manière réciproque entre cette dernière et un autre locataire ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes des dispositions des articles 1728 du code civil et 7b de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu d'user paisiblement des lieux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de bail ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats et notamment l'engagement de location consenti par la société Ozanam à Mme Monique Y...épouse X...le 12/ 02/ 1982 prévoit au titre des conditions générales 7°) que le locataire ne devra " déposer, ni suspendre, aucun vêtement, linge ou objet quelconque aux murs, fenêtres et balcons, ni dans les cours, paliers, passages, couloirs escaliers ... " et 14°) " il est interdit de laisser des objets quelconques (bicyclette, voitures d'enfants paquet de linges baquets etc.) sur les paliers et dans les couloirs, escaliers, passages, vestibules etc.) ; qu'il s'évince par ailleurs des planches photographiques et des observations de la requérante, qu'elle a fait l'aveu même d'avoir entreposé dans les coursives communes de l'immeuble différentes plantes et de constater, au regard des dispositions précitées, que celle-ci s'est affranchie des règles posées par le contrat de bail ; que la société Ozanam justifie avoir adressé à ses locataires un avis leur demandant d'évacuer les encombrants situés dans les coursives qui pourraient occasionner des problèmes de sécurité et d'hygiène, et ce par avis du 20/ 03/ 2013, 14/ 06/ 2012 (plus spécifiquement pour les pots de fleurs et plantes) et 26/ 11/ 2012 ; que ces éléments étant de nature à démontrer que le bailleur a préalablement à toute évacuation fait le nécessaire pour aviser les locataires ; qu'en ce sens, Mme Monique Y...épouse X... ne saurait ici prétendre avoir fait l'objet d'une mesure d'évacuation brutale et de la débouter de sa demande ; que la société Ozanam sera déboutée de sa demande tendant à voir obtenir l'enlèvement de plantes situées sur la coursive menant à l'appartement de Mme Monique Y...épouse X..., étant observé que le PV de constate d'huissier du 27/ 12/ 2013 témoigne de ce qu'aucune plante n'est plus entreposée dans les parties communes ; que sur le trouble de jouissance lié au comportement de M. Z..., locataire et voisin de Mme Monique Y...épouse X..., il résulte des pièces produites aux débats que les querelles qui occupent les deux voisins sont réelles et réciproques (plaintes et doléances de part et d'autre adressées au bailleur) ; que par ailleurs il est démontré par la production de courriers et notamment du 18 novembre 2013 que la société Ozanam s'est montrée réceptive à la situation et a tenté de médiatiser les difficultés en organisant une rencontre et tenter de faire cesser le trouble ; que dès lors, il ne saurait lui être fait grief de n'avoir rien entrepris ou de voir sa responsabilité engagée ; qu'en conséquence, Mme Monique Y...épouse X... sera déboutée de ce chef ;

1°) ALORS QUE nul ne peut détruire volontairement un bien appartenant à autrui ; que le non-respect par le locataire d'une clause du bail interdisant de déposer des objets dans les cours, paliers, passages, couloirs et escaliers ne permet pas pour autant au bailleur de détruire ces objets ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté la destruction volontaire par la société Ozanam des plantes de Mme X... situées dans les coursives (arrêt, p. 5 et 6 ; jugt, p. 3) ; qu'en jugeant pourtant que la société Ozanam n'avait pas commis de faute, aux motifs inopérants que Mme X... n'avait pas respecté les stipulations contractuelles en entreposant des plantes dans les parties communes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 544 et 1719 du code civil et l'article 6 b) de la loi du 6 juillet 1989 ;

2°) ALORS QUE le bailleur doit garantir une jouissance paisible au locataire, en particulier en faisant cesser le trouble que lui cause un autre locataire ; qu'en se bornant à affirmer que la société Ozanam n'avait pas commis de faute en se contentant d'organiser une médiation entre Mme X... et son voisin M. Z..., locataire qui troublait sa jouissance paisible, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article 1719 du code civil et l'article 6 b) de la loi du 6 juillet 1989."