Quand Aubagne propose plusieurs expositions, dont une consacrée à un moyen très particulier, construit dans la région, le dirigeable, et une autre à la mémoire de deux artistes étrangers ayant servi dans la Légion, Zinoview et Cendrars, les Sables d'Olonne ont préféré rendre hommage à un artiste allemand.
Cet accrochage propose de revenir sur le témoignage d'Otto Dix (1891-1969) qui a été très marqué par les horreurs des combats et qui en fit tant de cauchemars qu'il a cherché par tous les moyens de chasser les souvenirs les plus horribles. Ce choix se justifie par l'objectif qui est de fêter la paix. L'estampe fut la voie qu'il choisit, peut-être parce que le noir et blanc lui permettait de rendre compte des horreurs de la meilleure façon possible et que la pointe sèche permettait de nombreuses nuances de gris.
L'exposition se concentre sur les thèmes de prédilection d’Otto Dix - le nu, le portrait, la ville, la religion et la guerre - symptomatiques de sa volonté de saisir l’homme dans son entier, de la naissance jusqu’à la mort, comme un être de chair, de palpitations et de sang.
On peut considérer que le MASC est un tout jeune musée puisqu'il n'a que 50 ans mais cet âge est plutôt conséquent pour un établissement qui s'intéresse à l'art contemporain.
Je suis allée voir l'exposition consacrée à Otto Dix aujourd'hui sous un soleil magnifique et un ciel très bleu qui témoignent bien de la caractéristique de la ville d'être aussi une station balnéaire sur la cote Atlantique. J'en ai profité pour découvrir plusieurs pièces remarquable du fonds de ce musée, notamment de Gaston Chaissac, vendéen de coeur, peintre et écrivain, et de Victor Brauner, ainsi que des oeuvres évoquant le patrimoine touristique des Sables. Le MASC est devenu un centre de recherches sur cet artiste.
C'est Gaëlle Rageot-Deshayes, la conservatrice du MASC qui a choisi une centaine d'estampes parmi les 400 qui se trouvent au Cabintet des Estampes du Zeppelin Museum de Friedrichshafen. C'est une chance de voir ces oeuvres en France où hormis Colmar elles n'ont jamais été exposées.
La scénographie a du se conformer aux exigences du prêt, et se satisfaire d'une sous-exposition lumineuse imposant de ne pas dépasser 50 lux car les oeuvres sont anciennes et fragiles. Elles ne respectent pas rigoureusement une chronologie. On remarque toutes les techniques : bois gravé, eau forte, lithographie, pointe sèche... Elles sont présentées en exhaustivité pour les portfolios sur la guerre et l'évangile. Quelques autres complètent les thèmes de prédilection de l'artiste, les nus, le portrait, les femmes et la ville.
L'artiste a voulu témoigner d'une époque dont il a saisi le faste et la décadence, les crimes et les souffrances, dans une oeuvre sans concession qui restitue la vérité dans toute sa crudité, en premier lieu l'horreur de la guerre. L'artiste aurait été chercher des éléments dans les catacombes de Palerme pour y voir des cadavres momifiés Il a aussi, dans une tradition qui remonte à Géricault, visité des salles de dissection et des morgues.
Sur le mur opposé, une série de Portraits :Otto Dix était réputé et recherché comme portraitiste. Il était libre dans son expression et fut condamné pour impudeur. Les sourires grimaçant évoquant Goya ont beaucoup choqué. Figurent autant des intellectuels que des prostituées, des chefs d'entreprise comme des ouvriers. On retrouve bien entendu son Autoportrait à la cigarette, 1922, retenu pour la couverture du catalogue. Enfin on remarque une pauvre plus tardive qui est la seule à comporter de la couleur : Autoportrait en tête de mort, 1968, avec un poème de Jean Cassou
mais non point mort au temps qui poursuit sa moisson,
Il me faut me retraire et lui céder la place,
mais dans ce dénuement grandit ma passion.
Si Ototo dix vivait en bordure du lac de Constance il ne cessa de se rendre dans des grandes villes comme Dresde, Berlin et Düsseldorf. Il n'oublie pas évidemment de représenter aussi les prostituées. Une des estampes de la série La Ville a été utilisée pour l'affiche. Il s'agit de Electrique, réalisée en 1920. Certaines font penser à l'univers de Raymond Peynet (1908-1999) comme Rue, qui date elle aussi de 1920 :
Enfin L'Evangile selon Saint Mathieu, dont le portfolio est lui aussi complet, nous parle de l'époque présente même si on peut penser qu'il avait eu connaissance du retable d'Issenheim. Ci dessous : Les vierges sages et les Vierges folles, 1960
Issu d’une famille modeste de Thuringe, Otto Dix a poursuivi ses études artistiques à Dresde. Sous la République de Weimar, il a participé brièvement aux provocations Dada auprès de son ami Georges Grosz, avant d’être associé à l’aile vériste de la Nouvelle Objectivité allemande que l’historien d’art Gustav Friedrich Hartlaub met en avant en 1925 dans le contexte d’un retour à l’ordre de la peinture européenne. Portraitiste recherché, il affûte alors son style tranchant qui oppose à une technique virtuose et réaliste, empruntée aux maîtres anciens - Baldung-Grien, Cranach ou Altdorfer – des sujets triviaux, reflets de la société inquiète et précaire de l’entre-deux-guerres – scènes de crimes, de rue ou de cabarets.
Il adopta un style plus libre, sans pour autant devenir abstrait. après avoir achevé le cycle sur la Guerre.
Otto Dix, estampes
Du 14 octobre 2018 au 13 janvier 2019
En partenariat avec le Zeppelin Museum de Friedrichshafen
Au MASC, Musée de l'abbaye Sainte-Croix
Rue de Verdun
85100 Les Sables d'Olonne
Tél : 02 51 32 01 16
Vacances scolaires (Toutes zones)
Tous les jours de 11h à 13h et de 14h à 18h (sauf les lundis)
Du mardi au vendredi de 14h à 18h en période scolaire
Fermé les lundi, les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre
Gratuit pour tous le 1er dimanche de chaque mois
Quelques autres oeuvres remarquables de ce musée :
Une Encre de Chine sur papier de Gaston Chaissac, à gauche, comme une dentelle, Les deux cousins, 1939, gouache sur papier, à droite :
Le Musée de l'Abbaye Sainte-Croix conserve la plus importante collection publique consacrée à son œuvre.
Au dernier étage, on peut admirer sous les combles XVII° (inscrits aux Monuments historiques) en coque de bateau renversé, la donation de Charles et Pierrette Sorlier de plusieurs centaines de lithographies, parmi lesquelles :
lithographie originale sur vélin d'Arches
Fernand Léger (1881-1955), Visage, 1953, Lithographie originale sur vélin d'Arches
Joan Miro (1803-1983), Personnage, 1955, Lithographie originale sur vélin d'Arches
La section des arts et traditions populaires se déploie dans une salle sous charpente apparente, selon une organisation autour de deux grands thèmes, le port et la plage.
A l'étage inférieur on remarque d'autres peintures majeures : Robert Combas, Alberto Magnelli, Herbert Brandl ...
Jean Dubuffet (1901-1985), Mire (Boléro), 1983, Acrylique sur papier marouflé sur toile
Et au rez-de-chaussée une collection importante de Victor Brauner (1903-1966), alchimiste des mythes, que le directeur Henry-Claude Cousseau, a acheté à un prix très raisonnable. La veuve de l'artiste a ensuite effectué ensuite plusieurs donations.