L’horreur d’un passé qui perdure

Par Carmenrob

Les Filles tombées. À l'heure de la dénonciation publique des abus sexuels, des #MoiAussi et #MeToo, ce roman historique de Micheline Lachance nous ramène à l'autre bout du spectre, celui où les femmes étaient les coupables absolues. Même victimes de viol ou d'inceste, la grossesse qui en résultait mettait en lumière la faute originelle inscrite dans son essence de femme. Dans la fable du paradis terrestre, Ève et le serpent ne faisaient qu'un. De même dans le Québec du 19e siècle que l'historienne-écrivaine nous restitue avec talent.

Rose, née dans une maison créée par Rosalie Jetté (personnage ayant existé) pour accueillir les filles enceintes soumises au total opprobre d'une société puritaine, a été élevée à l'orphelinat. Au seuil de sa vie d'adulte, Rose, obsédée par ses origines, entreprend avec naïveté et courage, voire témérité, la recherche de l'identité de sa mère. Quatre pénitentes sont susceptibles de lui avoir donné naissance. Or il se trouve que son arrivée coïncide avec le meurtre d'un médecin ivre qui a accouché (ou charcuté) une femme qui mourra des suites de ses mauvais traitements. Il ne fait pas de doute que le praticien a été trucidé par une des quatre jeunes femmes qui assistaient, impuissantes et révoltées, à cet acte de barbarie. Qui est l'empoisonneuse ? Pourrait-elle être la mère de Rose ? Sa quête nous fait découvrir l'histoire singulière de chacune d'elles et divers éléments du contexte qui conditionnent son sort.

L'intrigue est bien ficelée et nous tient en haleine du début à la fin. Bien qu'on pense avoir élucidé le mystère, l'auteure réussit quand même à nous surprendre. Mais l'intérêt du roman réside aussi et surtout dans cette fresque d'une époque pas si lointaine qui ne peut aujourd'hui que nous faire horreur et qui est encore la réalité de tant de femmes dans le monde.

Micheline Lachance, Les Filles tombées, Québec Amérique, 2008, 439 pages

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