Allénothèque au BeauPassage

Par Gourmets&co

Le chef Romain Van Thienen sait y faire, et connait son Alléno presque sur le bout des doigts.

Oser appeler ce lieu BeauPassage révèle un toupet formidable ou une inconscience coupable. Autre théorie, les mots d’aujourd’hui sont pris à contresens ce qui permet d’annihiler toute contradiction. Bref, le BeauPassage est moche. Un moche sympa, convivial bien sûr, avec une belle communication pour vendre le moche, et des gens qui aiment le moche puisque le culte du laid a remplacé au pied levé l’amour du beau. Dans BeauPassage, retenons Passage, car c’est un passage, triste, banal, froid, n’ayant rien à voir avec les anciens passages parisiens. La cour intérieure serait un ancien couvent ? Diable, on en a vu des plus bouleversants.

Le ton est donné à l’entrée avec un grand Carrefour City que l’on ne retrouve pas sur la com alors qu’il est le plus important. A part ça, Anne-Sophie Pic a donné (encore) son nom à un take away banal et sans charme, et Pierre Hermé, l’artisan industriel, est là comme il est partout, et on peut d’ailleurs commencer à s’en lasser. Et le Yannick dans tout ça ?

Son nouveau restaurant, cave à vins, a le mérite de posséder une terrasse dans la cour intérieure qui permettra au moins de manger au calme au retour des beaux jours. L’intérieur ressemble à une déco des années 2000, genre post industriel avec les gros tuyaux au plafond et un ensemble assez cold dans les matériaux. Grande table d’hôtes en milieu de salle, cuisine bien ouverte, et au sous-sol, une grande cave à vins plus chaleureuse, dans la pénombre et la fraicheur, avec une table de dégustation à privatiser (8 personnes environ), et quelques 700 références à déguster. Efficacité et sourire de rigueur, avec des « y’a pas de soucis » toutes les 45 secondes, pour l’accueil et le service, habillé noir et blanc, et parité presque parfaite entre filles et garçons. L’époque est formidable…

La carte ? Courte, ramassée sur 4 entrées, 4 plats et 4 desserts, originale à souhait, et juste ce qu’il faut de déroutant dans les alliances pour que l’on comprenne bien que l’on est chez un grand chef étoilé. Exemple : Vapeur de rouget barbet en feuilles de cerisier fermentées, velours de palmier, jus de concombre. On ne sait pas trop ce que l’on va manger mais c’est sans doute ce qui attire. En prime, une ardoise du jour avec trois propositions.

Sinon, l’œuf mollet (parfait ?) repose dans une gelée à base d’extrait de jambon parisien (Prince de Paris ?) agrémenté d’une mosaïque de légumes aux herbes. C’est frais, léger, et la gelée de jambon est d’abord étonnante puis convaincante. Une alliance subtile et au cordeau mais peut-être servie un peu trop froide.

Chair de tourteau, basilic, crème de cèpes. A la lecture, on tombe de sa chaise devant cet énoncé improbable. A l’usage, ca passe sans être la révélation du siècle. Le résultat est étonnant, c’est le but, pas très esthétique avec cette crème d’un marron peu engageant qui recouvre tout, mais le choc des saveurs finalement s’harmonisent. Une belle alliance terre/mer comme on disait avant…

La Courge butternut est confite, mariée à une écrasée de dattes à l’huile d’argan, et fine semoule aux fruits secs. Une tendance marocaine dans cette entrée bien construite, douce, presque neutre, mais agréable.

Gnocchi à la Burrata fumée, épinards bien muscadés. Un plat superbe, chaleureux, savoureux à souhait, servi en petite coquelle bien chaude, plein de saveurs, bref, une réussite parfaite.

Deux desserts de bonne facture : Tarte au chocolat à la mascarpone café, douce et tendre, et une Poire à la fève de Tonka, glace au caramel au beurre salé, délicate et délicieuse.

Un repas mezzo voce, très actuel, partant dans tous les sens et pour tous les goûts d’aujourd’hui. Bien sûr, une cuisine de professionnel qui sait tendre une assiette, sortir les saveurs, et jouer des textures et des alliances. Le chef Romain Van Thienen sait y faire, connait son Alléno presque sur le bout des doigts, et envoie des plats nets ou brinquebalants mais toujours intéressants. De la bonne qualité pour les prix proposés qui demeurent relativement sages. Les vins au verre, de 4 € à 26 €, sont bien choisis et offrent de belles opportunités d’alliance et de découverte.

Allénothèque
53-57, rue de Grenelle
75007 Paris
Tél : 01 84 74 21 21
www.allenotheque.fr
M° : Rue du bac
Fermé dimanche soir et lundi
De 12h à 23h non-stop

Menus déjeuner (sauf samedi et dimanche) : 29 € (2 plats) – 41 € (3 plats)
Carte : 47 € (minimum) – 68 € (maximum)