Astérix : Le Secret de la potion magique. Peut-on innover dans la tradition ?

Par Balndorn

Résumé : À la suite d’une chute lors de la cueillette du gui, le druide Panoramix décide qu’il est temps d’assurer l’avenir du village. Accompagné d’Astérix et Obélix, il entreprend de parcourir le monde gaulois à la recherche d’un jeune druide talentueux à qui transmettre le Secret de la Potion Magique… 
Pour la première fois de l’histoire d’Astérix au cinéma, Alexandre Astier a composé un scénario original avec Astérix : Le Secret de la potion magique. Mais l’originalité narrative suffit-elle à changer la donne de la saga cinquantenaire ?
C’est dans les vieux pots…
Un peu plus tôt dans l’année, outre-Atlantique, une autre saga aussi vénérable qu’Astérix tenta d’introduire un brin d’originalité dans sa vieille carcasse. Le Secret de la potion magiqueest à Astérix ce que Solo est à Star Wars. Une innovation au sein de la tradition. Une nouvelle confiture dans de vieux pots.Bien entendu, en termes de rendu, Solo ne souffre pas la comparaison avec le duo Clichy/Astier. Le Secret de la potion magique fait rire, sait mettre en scène et diriger ses comédien·ne·s, ce que Ron Howard parvenait difficilement à mettre en place dans le dernier Star Wars, et ce que ne faisaient pas du tout les adaptations livede la bande-dessinée (hormis Mission Cléopâtre).Mais l’approche demeure la même. Comme Solo, Le Secret de la potion magique entend combler des points aveugles de la saga, non la revisiter de fond en comble. Ainsi, l’épisode évoquera la jeunesse de Panoramix (Bernard Alane) et sa rivalité avec Sulfurix (Daniel Mesguich) ; les personnages de Cétautomatix (Lionnel Astier) et Ordralphabétix (François Morel) gagneront en consistance ; et les femmes, aussi bien celles restées défendre le village face aux Romains lorsque les hommes partent en quête du successeur de Panoramix que la jeune Pectine (Lévanah Solomon), assistante du vieux druide, se voient octroyées davantage de pouvoirs. Tous ces changements opèrent-ils pour autant une révolution à l’échelle de la saga ?
… qu’on doit rester critique
Le cas des femmes et des personnages secondaires aide à comprendre les limites de la « révolution » Clichy/Astier. S’étoffer ne signifie pas renverser l’ordre social et sexuel : les personnages féminins et secondaires, quoi que davantage mis sur le devant de la scène, demeureront en fin de compte en retrait des éternels Astérix (Christian Clavier), Obélix (Guillaume Briat), Panoramix et Abraracourcix (Serge Papagalli).Aussi brillants soient-ils, Louis Clichy et Alexandre Astier se heurtent à un obstacle de taille : le mur du mythe. Créer un scénario original implique une part d’indépendance vis-à-vis de l’œuvre originelle (Astérix comme Star Wars) ; et ne pas prendre en compte cette nécessaire prise de distance vis-à-vis des Pères Fondateurs (Uderzo, Goscinny et Lucas) bride foncièrement la nouvelle création.Le Secret de la potion magique fait penser à un jeune oiseau qui, après des années à vouloir prendre son envol et à quitter le nid familial, se contente de reproduire (avec succès) les gestes de ses parents. Paradoxalement, Le Domaine des dieux, précédent volet du tandem Clichy/ Astier, innovait davantage en s’inscrivant ouvertement dans un processus d’adaptation d’un épisode existant. En reprenant la satire originelle du tourisme de masse et en y adjoignant de nouveaux personnages (le légionnaire Cubitus, caricature du gréviste) et un humour importé de Kaamelott, le duo produisait un humour décapant qui, tout en respectant la tradition, y apportait un souffle neuf – alors que les adaptations en prises de vue réelles s’abîmaient dans une autocélébration des grosses productions hexagonales.Bien qu’il vole en compagnie de ses parents, il invente son propre style.

Astérix : Le Secret de la potion magique, Louis Clichy et Alexandre Astier, 2018, 1h25
Maxime
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