Cuaronisons

Publié le 18 janvier 2019 par Hunterjones
On remarque souvent que les meilleurs patrons d'entreprise sont des gens qui ont gravi absolument tous les échelons de la compagnie. Ou la plupart. Et connaissent ainsi leur art de manière assez profonde.
C'est le cas du réalisateur d'origine mexicaine Alfonso Cuaron.
Acteur, scénariste, directeur photo, réalisateur, producteur de films, je réalisais cette semaine que je l'avais souvent confondu avec un autre réalisateur d'origine mexicaine de grand talent: Alejandro Gonzalez Inarritu.
J'ai visionné Roma, disponible (et majoritairement financé par eux) sur Netflix.
Ça m'a donné envie de creuser davantage sur Alfonso. Ne serais-ce que pour le "désiamoiser" d'Inarrittu.
J'ai constaté que j'ai vu 5 de ses films.
Tous en valait vraiment la peine.
Cuarinisons ensemble.

2001: Y Tu Mama Tambien.
Tenoch et Julio sont deux amis fêtards depuis toujours. À un mariage, ils font la rencontre d'une cousine par alliance en conflit amoureux avec son conjoint. À trois, ils improvisent une cavale sur la côte du Pacifique. Road movie où un trio se forme, se cherche, se trouve, et cache des malaises profonds. Road movie, Jules & Jim espagnol, formidable conte sur l'évasion et le spleen exacerbé. Subtilités rock'n roll au menu, Brian Eno et Frank Zappa à la trame sonore. Impeccable.

2004: Harry Potter & The Prisoner of Azkhaban.
Troisième volet de la franchise des Harry Potter. L'histoire raconte la troisième année de Potter à Poudlard, alors qu'il est informé que le prisonnier Sirius Black s'est échappé de la prison d'Azkaban, dans le but de l'assassiner. Le troisième volet allait être beaucoup plus difficile à adapter puisque les effets spéciaux allaient être beaucoup plus nombreux. Cuaron a relevé la barre avec brio et intelligence, prenant deux ans de plus que tout le monde pour mettre son bébé à terme. Unanimement, on a qualifié ce film de la série comme le meilleur d'entre tous. Le plus complexe aussi. Le plus sombre. Le plus profond. Les jeunes lecteurs faisaient le deuil de leur enfance et entraient dans l'adolescence. Cuaron (et Rowling surtout) l'avai(en)t compris. Brillant(s).

2006: Children of Men.
Adapté du livre de science-fiction de P.D.James de 1992, le film raconte 2027, année où depuis deux décennies, l'infertilité humaine place la société au bord de l'effondrement social. Des immigrants illégaux demandent asile au Royaume-Uni, où les derniers éléments du gouvernement encore opérant, imposent des lois oppressantes contre les réfugiés. Le servant civil Theo Faron doit aider une réfugiée à fuir le chaos. La photo bleutée, l'univers dystopien, les longs plans sans coupe. Un leitmotiv habile chez Cuaron.

2013: Gravity.
Trois astronautes doivent aller réparer un satellite brisé dans l'espace, mais l'un d'eux périt et les deux autres se retrouvent en apesanteur, largué dans l'espace, incapable de retour sur terre. Oscarisé personnellement pour sa réalisation et son montage, son film en recevra 5 autres. Rares sont les trophées du cinéma Étatsunien attribués aux étrangers. Cuaron le mérite amplement pour son flottant film, moins un film de science-fiction qu'un drame sur une femme désorientée en apesanteur. Un traité sur la solitude d'être Femme. Ce qui n'est pas ce que tout le monde qui a compris. Et qui sera souligné davantage dans le film suivant.

2018: Roma.
La vie de famille à Mexico City entre le 3 septembre 1970 et le 28 juin 1971 du point de vue de la bonne de la famille, celle d'Alfonso Cuaron à la même époque. Cuaron est un extraordinaire directeur photo. Son dernier film le confirme. Il a l'intelligence de créer des scènes humbles, mais fortes. Une mère laissant partir son mari dans une fanfare, noyée dans la parade, comme Dietrich dans Morrocco. Un accouchement aux conclusions surprenantes. Une scène de fin d'amour avec derrière, le début d'un autre. Des panoramiques lancinants. Une mise-en-scène simple et naturelle. 90% de son film, sur la mémoire, serait tiré de ses souvenirs de famille. Dont la bonne est toujours vivante. Le choix du noir et blanc rappelle à la fois Fellini et Antonioni. On peut aussi voir dans ce film une scène du film Marooned, qui a inspiré, très jeune, Cuaron à écrire et tourner Gravity, des années plus tard.

Au 3/4 du film, on entend clairement un personnage féminin resouligner "que nous, les femmes, seront toujours seules".
Un formidable film accessible facilement sur Netflix.

Curaon et la bonne familiale originale dont Roma est inspiré

Je me suis surpris à penser, après ce film couvrant quelques mois de Mexico City, il y a plusieurs décennies, pour les décennies à venir, que la plupart des domaines soient menés par des gens comme Alfonso Cuaron.
Des gens ayant connu plusieurs échelons dans leur domaine.
Se rendant à la fois maître de leur art
et tellement plus profond.