628_ Des Genêts au nord au mont Tahat dans le Désert _1

Publié le 30 janvier 2019 par Ahmed Hanifi



« Que faire alors de tous les trésors / Du reflet de la lune le soir/ Seul au monde devant le plan d’eau / Du jardin de Sultanahmet / Ou au cœur de la Küçük Ayasofya cami / Quand ma mère chemine vers le rebord du monde » écrivais-je au soir d’un beau jour de juin dernier à Istanbul (1). Depuis, elle bascula de l’autre côté du monde. 
Que faire alors lorsque, en réponse à la disparition de l’être cher qui se présente à vous vulgaire et hautaine, un besoin irrépressible, en ami compatissant venu du Sud, vous tire vers l’envers du blanc du monde accessible, sinon de se laisser emporter dans les recoins de l’isolement, de la méditation. Le Sud est à portée de main. Celui-la-même, ce Sud, qui vous installe à votre place effective, qui vous voit grain de sable et qui vous le signifie pour que vous vous abreuviez de l’infinie Beauté qu’il révèle ou exhale comme un parfum des Jardins d'Éden, et qui vous dit combien vous n’êtes que fétu devant le firmament au pied duquel il vous invite. Que faire alors sinon bourrer votre sac à dos et emprunter le train du désert. Oran, Les Genêts, jeudi matin. Le temps est froid et humide. Je prends le bus jusqu’au « Rond-point des trois cliniques ». Le tram n’est pas bondé. J’ai acheté le ticket à la guérite : « quat’ mille ». Il y en a une à chaque station. Au lancement du tram (au printemps 2013) on l’oblitérait dans les rames, mais nombre de voyageurs l’omettaient dans leur poche. Depuis deux ans, il est vendu « poinçonné ». Quatre ou cinq contrôleurs montent à l’arrêt Les Castors, « Salem alikoum, tickets les frères s’il vous plaît ». Au moment où j’allais présenter le mien l’un d’eux me dit « ça va el-hadj ça va » en me tapotant l’épaule, bon. Je descends à la station Sekka hadidiya. Je marche sur quelques centaines des mètres dans la rue Mostaganem, que nul ne connaît sous le nom qu’elle porte comme une charge depuis des décennies : Mohamed Boudiaf. Des blacks « Africains » discutent au coin de la rue Bouanani Guendouz (ex Brancion). Leurs bras s’élancent, se retirent, forment avec leurs têtes, leurs jambes, une chorégraphie joyeuse. J’entends « les cotisations des frères », « deux chambres sur la côte »…
« 170000 » lance le guichetier de la gare, avec couchette évidemment. Belle gare de style orientaliste comme on l’aimait­­­­­­­ – le style – au temps des colonies chez les Européens (l’architecte Ballu compris évidemment). Belle mais exigüe depuis que la ville qui l’héberge s’est considérablement accrue. « À huit heures le départ ». Il me faut maintenant tuer le temps.
Dans le salon de coiffure de la place du Maghreb (ex place de la Bastille ou de la Grande poste), coincé entre le mythique ex bar l’Aiglon devenu café et le Grand Hôtel en décrépitude, les coiffeurs versent leur fiel fangeux sur leurs amis et voisins, femmes, hommes, vieux ou jeunes aux clients silencieux. « El hadj, la barbe normal ? » Certains acquiescent tandis que d’autres abondent dans leurs dérives, moi je hoche la tête, mais le coiffeur me fait comprendre qu’il ne faut pas. Lui et ses collègues glosent sur un jeune chanteur décédé ce lundi lors d’une opération de chirurgie esthétique dans une misérable clinique privée d’Alger. À tour de rôle les corniauds raillent son comportement, ses paroles, ses fréquentations. « Maintenant il est en enfer ha ha ! » « Allah inaâleh… quarante mille cheikh ».  
Au Musée d’Art Moderne d’Oran (MAMO) il n’y a presque rien à voir, sinon une quintette de tableaux posés sur des chevalets. Le reste est à l’avenant. Quelques objets d’artisanat kabyle.
Sur la grande rue, des voitures aux immatriculations non oranaises sont immobilisées par des « sabots » de la police. Les immatriculations étrangères et elles seules (non oranaises) sont très appréciées par nos agents de l’ordre. « non mais... une oranaise, bien sûr... une algéroise, ou ouarglia ou toulousaine... on leur montre de quel bois on se chauffe ici... »
Dans la bibliothèque, abritée par l’ancienne cathédrale, des étudiants révisent avec leurs enseignants. Si j’y suis c’est pour me reposer. J’ai marché longtemps et suis fatigué, plus par le poids du sac à dos que par la marche elle même.
Et puis j’ai assez pris de thé. Le premier aux Pyramides, près du Rond-point des trois cliniques les deuxième et troisième en face du Titanic (Bonjour K.…). Très sucré  le premier, amers les deux autres (je préfère). Article plus ancien Accueil Inscription à : Publier les commentaires (Atom)

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