Le Sénat veut taxer l'argent de poche des internautes

Publié le 11 juillet 2008 par Olive

Club Sénat, un influent groupe de liaison entre sénateurs et monde de l'entreprise, propose dans un rapport sur les "micro-revenus numériques" de taxer l'argent retiré d'Internet par les particuliers (vente aux enchères de produits, publicité sur blogs, etc.). Pour ce cercle, chapeauté par le président du Sénat Christian Poncelet lui-même, ces revenus pourraient atteindre les 15 milliards d'euros d'ici 2015.

Club Sénat entend créer "un statut fiscal et social adéquat" pour les taxer "au taux unique de 13% couvrant impôts et charges sociales", prélevé à la source par la plate-forme internet "au moment de la transaction".

En échange, les internautes pourraient comptabiliser ces revenus pour leur retraite. Un simple projet loin d'être réalisé, mais, vu la disette actuelle des finances publiques, le rapport pourrait bien ne pas rester sur aux poussièreuses armoires du palais du Luxembourg. Pour beaucoup de blogueurs, l'idée va à contre-courant du développement du web.
Pierre Mechantel, de Tubbydev relève que "treize, ça porte malheur. En Russie où les impôts sont de 13%, c’est l’explication donnée par ceux qui ne les paient pas". Il exhorte carrément les internautes à contourner le système:

"En résumé, si Sarkozy et ses conseillers prennent l’idée de taxer les fifrelins que vous récupérez sur le Net, pensez rapidement à ouvrir un compte à l’étranger sur Paypal [système de micropaiement en ligne, ndlr] ou des services équivalents et à utiliser cet argent pour des achats en ligne sur des sites étrangers, sans jamais passer par votre banque en France."

Renflouer des caisses désespérément vides
Pour David Carzon, de bienbienbien.net, la proposition des sénateurs est pour le moins absurde:

"Un peu comme si dans la vraie vie, on mettait une taxe sur tous les vide-greniers, les brocantes, ou sur les pubs grotesques que les mecs se trimballent sur leur Smart."

Il pointe du doigt l'attrait de l'Etat pour un secteur qui pourrait amener quelques rentrées d'argent:

"Entre la taxe sur les FAI (Fournisseurs d'accès à internet) pour financer la télé publique et toutes les initiatives en cours pour encadrer les pratiques du Net, c’est à se demander si certains ne voient pas dans le web, une vache à lait qu’il faut parquer dans un enclos et sur laquelle il faut d’urgence placer une trailleuse automatique."

De son côté, degroupnews.com publie une réaction semblable, en pointant la necessité pour l'Etat de trouver des sources de revenues nouvelles partout où cela est possible:

"Plutôt qu'une manière de favoriser le pouvoir d'achat, la suggestion de Club Sénat semble plus un stratagème supplémentaire pour taxer des échanges qui échappent au contrôle de l'Etat et pour renflouer des caisses désespérément vides.

"D'ailleurs, on ne si trompe pas, en page 16 du rapport, une image tirée de la campagne publicitaire gouvernementale sur le pouvoir d'achat sert d'illustration. Est-ce pour nous rappeler que l'Etat doit trouver l'argent nécessaire pour payer son service de communication, dont le budget devrait être quadruplé? [référence à la hausse de 292% du budget du Service d'information du gouvernement (SIG), révélée par le Canard enchaîné cette semaine, ndlr]"

Relevant que le communiqué de presse du Club rapporte que, mis bout à bout, la mesure permettrait de faire rentrer "quelques millions" d'euros, l'auteur constate:

"On s'étonnera de l'amalgame qui est fait en une seule phrase: les quelques dizaines d'euros empochés par un étudiant pour avoir revendu un objet en ligne se sont soudain métamorphosés en véritables revenus d'une entreprise performante."

Double peine pour la dynamique et la créativité du consommateur
 
Sur son blog, Bluebeetleone donne un exemple pratique de la double peine fiscale du consommateur:

"Imaginons un instant que vous achetiez un disque dur externe et que quelques temps plus tard vous souhaitiez le revendre sur eBay. Vous vous serez bien gentillement acquitté de la TVA à 19,60% puis de la taxe sur les disques durs [la "redevance pour copie privée", ndlr], et bientôt 13% de plus dans les caisses de l'État."

Il expose sa perception de la philosophie d'un tel projet

"Vous avez quelques pubs qui s'affichent sur votre site, vous vendez quelques produits sur eBay, vous ne gagnez même pas 100 euros par mois mais c'est déjà scandaleu! Aux États-Unis, on incite les internautes à être créatifs à participer à la vie économique et numérique du pays. En France, on leur coupe les bras puis les jambes."

(Source Rue89  François Mazet)