Onnuzel

Publié le 09 avril 2019 par Adtraviata

Quatrième de couverture 

Onnuzel, c’est un gamin de huit ans. Il vit dans le Molenbeek des golden sixties avec sa mère et sa petite sœur. Onnuzel ne comprend rien au monde, mais il se pose beaucoup de questions, du genre : où est mon père ? pourquoi il est parti ?

Ce court roman commence par une fin, celle d’une mère, une vieille femme très fatiguée auquel son fils rend visite : on le sent angoissé mais puisque sa mère lui parle et que l’infirmière lui sourit, « c’est bon signe ». Mais il n’a rien compris… comme toujours. Depuis son enfance,celui que tout le monde appelle l’onnuzel ( « un mot en bruxellois qui se traduit par abruti ou empoté ») ne comprend rien au monde qui l’entoure. Il faut dire qu’on ne lui a jamais beaucoup parlé, on n’a jamais vraiment stimulé son intelligence ni ses émotions : sa vie est faite de routine, de petits rituels plus ou moins sympathiques, une petite vie à l’étroit dans un logement social avec sa mère et sa soeur, bien plus futée que lui. Pas de père et on n’en parle jamais, car cela déclenche des tempêtes de chagrin effrayantes chez la mère, on ne sait pas pourquoi il est parti ni où, il est peut-être mort, qui sait ? En tout cas, dans la famille de la mère, on le considère comme un sale type et tous, elle la première, entretiennent envers lui une haine farouche. Cette absence, ces non-dits pèsent comme un couvercle sur cette famille, sur ce gamin qui grandit sans savoir se construire vraiment, avec une mère qui se soucie plus du qu’en dira-t-on et de ses fins de mois difficiles que de l’épanouissement de ses enfants. Et pourtant, si elle s’en allait elle aussi, le fils serait perdu, terrorisé.

Il y a peu d’espoir dans ce roman, qui évoque aussi en pointillés la Belgique des années soixante (le jeune roi Baudouin, l’indépendance du Congo, l’incendie de l’Innovation à Bruxelles), tout est assez sombre, étouffant, étouffé, comme cette mère, sauf peut-être à la fin où une velléité d’indépendance semble s’emparer de l’onnuzel. Une nouvelle sur le même thème, publiée en 2009, offre un contrepoint narratif au roman écrit à la troisième personne. Malgré sa noirceur et une petite frustration (qu’est devenu l’onnuzel une fois adulte ?), j’ai apprécié le regard sensible de Thierry Robberecht, son écriture sans fioritures qui ne dompte l’émotion que pour mieux la laisser vivre.

« La musique classique, c’est e la Grande Musique, dit-on à l’onnuzel qui comprend que cette musique n’est pas destinée à lui et à sa famille mais aux autres, les gens importants, à son père peut-être. Qu’importe ! Le gamin dépose parfois la plaque sur le tourne-disque afin de savoir quel effet ça fait la Grande Musique, lui qui n’en écoute jamais. Il écoute, seul, en silence, assis devant le disque qu’il regarde tourner. Rien à dire, c’est beau, la Grande Musique.

Mais l’onnuzel reste l’onnuzel.  Beethoven, malgré son génie et son énergie, ne peut rien pour lui. La Grande Musique ne transforme pas l’empoté en quelqu’un d’autre. Ecouter de la Grande Musique a moins d’effet que d’avaler du poisson ou du foie de veau. L’onnuzel ne perd pas espoir. Il se dit qu’en écoutant Beethoven tous les jours, il se passera peut-être quelques chose. Il se transformera. » (p. 32-32)

« L’onnuzel observe très attentivement le comportement du voisin parce que, dans son entourage, , les hommes à imiter ne sont pas très nombreux. Il y a bien un de ses oncles dont les blagues font rire sa mère. Lui aussi aimerait tant faire rire sa mère, mais même quand il imite son oncle, elle ne rit jamais à ses blagues d’onnuzel. Observer les hommes de son entourage est une obsession. Il tente de se comporter comme ses oncles, son instituteur et le voisin, car il se dit qu’être capable de se comporter comme un homme pourrait lui servir, plus tard. » (p. 44-45)

Thierry ROBBERECHT, Onnuzel, Weyrich, 2018

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