CHRONIQUE : Adhérer au monde ! (1de2 )

Publié le 29 avril 2019 par Pege @pg120
Salut à tous,
Du site Le Quotidien : L’auteur de cette chronique, Frédérick Lavoie, est journaliste international indépendant et écrivain.   
   ¨Il m’arrive de me demander si je ne suis pas trop naïf ou peut-être même un peu bête.
   Au cours des dernières années, principalement en ma qualité de journaliste international indépendant, j’ai interviewé des affamées et des affamants, des meurtriers et des meurtris, des déplacées et des déplaçants, des désespérées et des désespérants. J’ai respiré l’air de moins en moins respirable de mégapoles de plus en plus polluées, car de plus en plus habitées et de moins en moins habitables. J’ai vu des gens se soulever contre des dictatures, et des armes les ramener sur terre ou les envoyer au ciel. J’ai couvert des conflits et des lendemains de massacre, des élections truquées et des procès qui l’étaient tout autant. J’ai vu les conséquences de la puissance de la nature face à l’humain et celles de l’arrogance humaine face à la nature.
     Et en dépit de tout cela, je continue obstinément à vouloir adhérer au monde dans lequel je vis. Je me refuse à le refuser. Je refuse de me poser en victime innocente de mon époque et de ses travers.
  
   Vu du présent, il serait facile de croire que nous vivons dans une ère particulièrement sombre de l’histoire de l’humanité. La médiocrité et la dangerosité de certains personnages dominants de l’actualité et les souffrances que nous observons ou que nous subissons dans nos mondes réel et virtuel semblent des preuves suffisantes pour en arriver à cette conclusion.
   Or, sans nier ni diminuer ces réalités, il est sain de se rappeler qu’il n’y a jamais eu si peu de guerre, de violence et d’injustice qu’aujourd’hui et que les humains n’ont jamais autant mangé à leur faim, vécus en si bonne santé et aussi longtemps.
   Statistiquement parlant, il n’a jamais fait si bon d’être humain sur cette planète qu’en ce moment. Ce constat, il est vrai, est une mince consolation pour l’enfant yéménite au ventre creux coincée sous les bombes, l’écrivaine turque injustement emprisonnée, le fermier indien croulant sous les dettes ou le Saguenéen atteint d’un cancer. Aucun chiffre prouvant la qualité objective de notre présent ne fera jamais le poids face à notre expérience personnelle du réel. Vivre à une époque formidable dans un pays formidable n’est pas une garantie de bonheur, comme vivre en dictature ou dans la pauvreté n’est pas une condamnation absolue à la misère de l’âme et à la soumission.
    
Le mode de vie semi-nomade que j’ai choisi – parce que j’ai eu le privilège de le choisir – m’amène à côtoyer le pire et le meilleur de notre monde. Je partage ma vie entre Bombay et Montréal ; entre l’Inde et le Québec ; entre une mégapole polluée, bruyante et surpeuplée où les inégalités socioéconomiques abyssales sont visibles à chaque coin de rue, et une petite métropole tranquille d’un pays développé au climat certes hostile, mais où au moins la moitié des humains de la Terre rêveraient d’habiter.
   À force de passer d’un environnement à l’autre, d’un extrême à l’autre, j’ai appris à naviguer sur les courants souvent opposés et antagonistes qui traversent et façonnent l’humanité ; j’ai appris à me réconcilier avec les contrastes, même s’ils continuent souvent de me prendre au dépourvu, de me fasciner ou de me révolter.
   Je me souviens un après-midi d’entendre pleuvoir de beaucoup trop près les obus sur l’aéroport de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine. Quelques minutes plus tard, j’étais dans un restaurant où de jeunes couples mangeaient des pizzas et des sushis en flirtant. La guerre et l’amour faisaient rage à quelques kilomètres de distance, imperméables l’une à l’autre¨...
Pégé
  
Windows 7 / Windows XP Pro / Windows 10 / Ubuntu 14.04 LTS / Linux Mint 17 MacOS X iBook, version 10.4.11 ¨Tiger¨.