« Je n’ai pas la haine. J’ai le feu. » C’est Rose qui parle comme ça. C’est elle que nous retrouvons tout au long de ce film de Matthieu Bareyre, une plongée dans les nuits parisiennes à la rencontre de jeunes, banlieusards, étudiants, dealers, toutes celles et ceux qui ont accepté de parler devant la caméra. Et plusieurs le disent : ils veulent être entendus, pas nécessairement en groupe mais individuellement. Et ce qu’ils ont à dire nous touche très directement. C’est au temps d’après l’attentat contre Charlie Hebdo, c’est au temps de Nuit debout, c’est juste avant l’élection présidentielle : 2015, 2016, 2017. On a tellement dit de ces jeunes qu’ils ne souhaitaient que de l’argent et des écrans. Un candidat à l’élection a même affirmé sans rougir : « Il faut des jeunes français qui aient envie de devenir milliardaires ». Voir ces jeunes et les écouter ici permet de mesurer leur désir d’engagement dans la société, leur contestation d’un ordre qu’ils n’ont pas choisi, leur aspiration à être respectés. Il y a le racisme dont certains d’entre eux sont victimes : comment travailler chez McDo quand on a un « prénom de terroriste » ? Comment respecter la police quand un policier fait des cris de singe au passage de Rose, française dont les parents sont togolais ? Il y a ce jeune homme, convaincu par ses parents d’entrer dans une école de commerce alors que c’est la philosophie qu’il voulait étudier, mais qui a dû choisir entre être utile aux autres ou assurer son avenir financier. Il y a les coups de matraque qui tombent sur cette étudiante en philosophie convaincue par cette injustice permanente d’entrer en lutte quand rien ne l’y prédestinait. Et il y a Rose qui est tentée de montrer ses diplômes quand on lui demande à répétition ses papiers, Rose qui cite Aimé Césaire, Rose qui dit en pleurant qu’elle va s’autodéchéancer de nationalité, et c'est la République qu'elle noie dans ses larmes. L’époque, c’est bien notre époque, et c’est le feu.