Play Own Play au Centre de Congrès à Saint-Quay-Portrieux, le 8 mai 2019

Publié le 09 mai 2019 par Concerts-Review

Play Own Play au Centre de Congrès à Saint-Quay-Portrieux, le 8 mai 2019

Pour la seconde journée du festival, Jazz ô Château a prévu deux concerts, Four on Six aux Barriques sur Pattes ( chouette nom) à l'heure de l'apéro ( 11:30 ) et le Play Own Play quintet en soirée, au Centre de Congrès de Saint-Quay Portrieux.

Comme l'association Quand le jazz est là avait prévu une petite restauration à partir de 19h, tu te ramènes relativement tôt dans la coquette station balnéaire.

Le show est annoncé à 19:30', l'horaire est élastique car c'est à 19:50', que le président de la gilde, flanqué du maire quinocéen , omniprésent, se présente.

Le public subira, avec le sourire, une double allocution introductive, concise et précise.

Play Own Play naît à Caen au printemps 2017, ce quintet est composé de jeunes gens pouvant tous présenter une carte de visite impressionnante, le chef, la casquette, Vincent Leyreloup ( saxophone baryton et soprano) quand il ne dirige pas les gosses de l'école de musique, s'ébat au sein de Khamsa ou d' Akasha Sax Dub and Bone/ Oua-Anou Diarra, un griot originaire du Burkina-Faso, joue d'instruments que nous, blêmes occidentaux, considérons comme exotiques, des flûtes peules guinéennes ( faites de roseau) et d'une panoplie de tamani walking drums munis de leur mallet, le garçon se produit également solo pour interpréter les titres de son EP ' Déclinaison(s)' /au piano, 88 touches, Studiologic SL88 Studio, il y a Gilles Coulombier que tu ne confondras pas avec Michel Colombier, un autre pianiste qui fréquente les salles obscures, il sévit chez le Mora Swing Quintet/ Hugues Letort, aucun lien de parenté avec les pompes funèbres à Dinard, est contrebassiste, Afro-Lions Sextet, Bohême Express, Gadjologie ou Mazarski font appel à ses talents et enfin, à la batterie, on nous annonce Nesta, qui ne joue pas au foot et ne consomme pas de thé froid, il s'agit de Jean-Luc Mondélice ( ok, ça fait Mon Chéri, mais là encore, aucun rapport), qui aligne un nombre considérable de groupes: Eul Swing, Hand Five, Insight!, Knoonk, Nathalie Pena Vieira Jazz quartet, Triptyk ou Zhivago.

Oua-Anou lance la première salve en battant son mini-tambour, Nesta vient le seconder, 'Give thanks' est sur les rails, un sax noir, mélancolique et sinueux s'immisce dans une compo dominée par les percussions, des flashes de vautours charognards volant majestueusement au dessus de la Volta Noire viennent hanter ton esprit.

T'as pris le bon billet, à prix d'ami.

Vincent, le loup normand, nous promet un second morceau plus syncopé, aux coloris moins sages, ' A cran' dit-il, à la mi-temps tu jettes un oeil sur le feuillet traînant près du micro et tu crois déchiffrer ' Across', un détail!

Le piano électrique, assez discret lors du premier tir, se met en évidence en balançant une tirade groovy pulpeuse, il est bien soutenu par la batterie et la contrebasse, Oua-Anou a troqué ses walking drums pour une flûte mandingue dans laquelle il souffle, halète et pousse des cris de hyène.

Après un gémissement du sax, c'est au tour de Nesta de s'élancer pour une aventure solitaire hybride.

Les accents free jazz et musique ethnique se mélangent, le SL88 Studio revient à l'avant-plan pour clôturer la pièce.

Quand Herbie Mann croise Ornette Coleman, ça peut faire mal.

Le griot normand a plus d'une flûte dans son carquois, il en sort une seconde, tout aussi esthétique, il entame 'Exil', de l'ethno jazz fusion à la cadence soutenue, plusieurs noms te viennent à l'esprit, Jozef Dumoulin, le meunier belge, roi du Fender Rhodes, Soft Machine, pour citer un précurseur, Weather Report, car t'aimais Jaco et Susie Ibarra, car tu ne veux pas te mettre les féministes à dos.

Quoi qu'il en soit, il n'est plus question de mélodies mais d'improvisations virulentes et créatives.

Du boulot étonnant!

La suivante est une suite en trois parties, raison pour laquelle elle se nomme 'Triptyk'.

Pardon,?

Jérôme Bosch ou Hans Memling, c'est comme tu le sens, Jeanne-Marie, le chef nous annonce des fantômes!

Le premier volet démarre normalement en jazz languissant, très vite le tambour nain change la donne, ça cogne, la contrebasse annonce un mouvement lyrique, le piano achève l'oeuvre, rangez vos pinceaux!

Oua-Adou a composé ' ça te suit', une ritournelle qui ne te lâche pas.

Le rondo funky tourne, tourne et tourne encore, inlassablement, il finit par te donner le vertige.

Le dernier morceau du premier set est follement applaudi, à juste titre, c'est l'heure de la mousse!

30' de break, c'est long, les couche-tôt sont rentrés au bercail, les autres vont assister à un deuxième acte aussi palpitant que le premier.

Evidemment, c'est moche d'avoir raté le second miracle anglais, pauvre Ajax, mais bon, dans la vie il faut assumer ses choix!

Vous vous souvenez de ' Rick Hunter' ?

Of course, mais on préférait Josh Randall, question de générations!

Ce funk sentant le poulet est décoré d'une coulée ' Night in Tunisia' , il précède une ballade dégoulinante, ' Projection'!

La romance vous a plu, on change de cadre, place au hip hop turbulent et désynchronisé avec 'Yo' .

Hip hop est une conception de l'esprit, d'accord, ce n'était pas une valse musette, mais une nouvelle fois, on nageait dans un univers free teinté de tonalités africaines.

Vincent a récupéré le baryton, son copain une flûte peule, sonnant comme une pleureuse berbère, ils viennent d'amorcer 'Hypnose', un poème musical mixant rythmes syncopés et séquence Debussy/Michel Legrand.

Ce groupe iconoclaste ose tout, le mot d'ordre étant: soyons imprévisibles!

Nous allons terminer la soirée par une seconde oeuvre ( 'Liberté') pondue par notre ami mandingue, celui qui joue d'instruments saugrenus, alors que nous, nous manions des outils normaux comme le saxophone inventé par le Français Adolphe Sax.

T'es malade, Vince, Sax est né à Dinant, Belgique, tu ne veux pas nous coloniser, une fois?

Blague à part, cet Afro Jazz hystérique est aussi enthousiasmant que les meilleurs Fela Kuti, le public est conquis et leur fait une ovation monstre.

Non, il n'y a pas de rappel prévu!

Menteuse...

Allez, on vous joue 'Pop en stock' , si Hergé nous écoute, c 'est du hip hop ligne claire!

Rideau, salle debout, tout le monde a compris que Play Own Play, qui n'a pas encore enregistré, a un potentiel énorme, un second rappel s'avère indispensable.

Concertation, disparition passagère de Nestea qui revient avec une partition, on va jammer sur 'Straight No Chaser' de Thelonious Monk, il s'agit, après tout, d'un festival de jazz!

Très bon ce boeuf sur le toit piqué au Calva....

photos: Jazz ô Château