Dump

Publié le 14 juillet 2008 par Marc Lenot

Il faut s’inscrire, attendre, s’armer de patience, signer une décharge (bien nommée !), se coiffer d’un casque avant d’enfin pouvoir pénétrer dans l’installation de Christoph Büchel au Palais de Tokyo dans l’exposition Superdome (jusqu’au 24 Août). Je me souvenais de son dépôt d’ordinateurs usés à Bâle l’an dernier, mais rien ne me préparait à cette expérience.

Partout dans le monde, des hommes vivent de manière précaire en exploitant les déchets de notre société, ils subsistent sur les tas d’ordures que d’autres produisent, dans l’ombre de notre monde propre. Christoph Büchel, de ses voyages, de ses rencontres avec ces hommes, a ramené des ‘cartes postales’, des ’souvenirs’ et ce sont eux qui composent cette installation.

On pénètre donc, deux à la fois seulement, par un boyau qui s’enfonce sous la masse des ordures qui obstruent tout l’arrière du Palais et, accueilli par un pompier-guide, on passe 20 ou 30 minutes dans un labyrinthe au plafond bas, où on se cogne sans cesse, allant de pièce en pièce.

On passe d’un taudis clandestin à une sweatshop, d’un atelier de mécanique à un foyer pour immigrés. On voit au passage un autel de prière, une salle de classe coranique, des ateliers de fabrication de faux Coca, de récupération de mégots, de reliure de livres en lambeaux ou de remplissage de cartouches d’encre avec des seringues. Le tout au milieu de vêtements, de matelas, de bouteilles en plastique, de bidons récupérés. Tout au bout, une salle de banquet, mi banquet d’Europe de l’Est, mi patronage suisse.

Au fil des salles, on aura aussi aperçu ici ou là un Duchamp, un Brancusi, un Brueghel, un Orozco et bien d’autres citations cachées. On ressort en nage, épuisé, émerveillé. Tout autant que le discours, ou que la prouesse technique de construction, c’est la capacité à faire vivre au spectateur une expérience, à l’engager dans l’oeuvre qui m’a fortement remué.

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