[Critique] TOLKIEN

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Tolkien

Note:

Origine : Grande-Bretagne

Réalisateur : Dome Karukoski

Distribution : Nicholas Hoult, Lily Collins, Colm Meaney, Derek Jocobi, Anthony Boyle, Patrick Gibson, Tom Glynn-Carney, Craig Roberts, Harry Gilby, Adam Bregman, Albi Marber, Laura Donnelly…

Genre : Biopic/Drame

Date de sortie : 19 juin 2019

Le Pitch :

Jeune homme sensible et intelligent, J.R.R. Tolkien est promis à un brillant avenir. Cependant, les tourments que le destin lui impose sèment parfois le doute dans son esprit. Néanmoins, entouré de ses fidèles amis, Tolkien apprend à développer ses talents pour l’écriture. En 1914, la guerre éclate en Europe alors qu’il entrevoit les prémices d’une fresque depuis longtemps présente dans son esprit sous la forme de vagues bribes et de concepts aussi ambitieux qu’audacieux. Des idées amenées à prendre forme sous la forme de livres qui un jour, bouleverseront des millions de lecteurs à travers le monde. Histoire vraie…

La Critique de Tolkien :

« Une escapade à travers l’esprit de l’un des plus brillants écrivains du XXème siècle… » Voici la façon dont Dome Karukoski, le réalisateur finlandais chargé de mettre en image le biopic consacré à J.R.R. Tolkien, a envisagé cet ambitieux projet. Pénétrer la psyché d’un homme de lettres passionné et sur bien des aspects original et fantasque, pour au final renouer avec les émotions contenues dans ses romans, Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit en premier lieu. Un angle d’attaque pertinent et payant… Car si Tolkien prend l’apparence d’un biopic somme toute académique, les sentiments qu’il incarne et qu’il s’empresse de superbement illustrer, lui permettent de s’élever largement au-dessus de la masse. Au final, le film fait bien plus que de raconter l’histoire d’un seul homme….

Naissance d’un monde

Le parcours semé d’embûches de J.R.R. Tolkien prend forme à l’écran et devient au fil des minutes un formidable récit d’amitié, d’amour romanesque et de passion littéraire. En filigrane, sous couvert d’un classicisme assumé, Dome Karukoski s’affranchit d’une narration trop simple et déstructure juste ce qu’il faut la trame de son film pour favoriser l’émergence de thématiques puissantes et évocatrices. Quand il s’intéresse au club que l’auteur du Hobbit formait avec trois autres de ses amis, Tolkien se rapproche de la dynamique du Cercle des Poètes Disparus, en éliminant de l’équation le côté peut-être un peu trop naïf du film de Peter Weir. Un club dont les ambitions intellectuelles s’opposent à la sauvagerie d’un monde prêt à sombrer dans le chaos. Quand la guerre de 14-18 éclate, l’imagination de J.R.R. Tolkien, la sophistication de ses idées et l’éloquence ayant toujours caractérisé son existence, se heurtent brutalement à la bêtise crasse d’un conflit dénué de tout sens moral. Quand il filme son « héros » dans les tranchées, quand il survole les mares de sang et les corps inertes de soldats tombés pour une patrie aveugle, le réalisateur, sans s’éloigner du cœur de son sujet, livre une réflexion plus acerbe qu’il n’y paraît sur la marche d’un monde soit disant civilisé. Le fait que Tolkien survive à la guerre représentant, alors que le romanesque est provisoirement mis de côté, une forme de victoire de l’amour et de l’intellect sur la brutalité et la mort. Le film nous explique que l’auteur, par la seule force de sa détermination à imposer ses mots, sauvegarde une part de sa naïveté et nourrit sa force. Celle là même lui ayant permis de traverser de nombreuses épreuves pour au final devenir l’un des écrivains les plus importants de l’histoire du monde.

Le Seigneur des mots

Par petites touches superbement intégrées, le réalisateur de Tolkien introduit les éléments fantastiques au cœur de l’œuvre du romancier. L’ombre d’un imposant dragon, une créature géante au milieu du no man’s land, des démons à cheval progressant parmi les cadavres, évoquant les quatre cavaliers de l’Apocalypse… Parcouru de tableaux baroques de toute beauté, le long-métrage met en avant une poésie farouche et pénétrante et parvient, avec une parfaite économie de mots, à faire passer tout ce qui a besoin de l’être pour en effet « pénétrer la psyché » d’un auteur bouillonnant et d’une certain façon comprendre les bases du cheminement lui ayant permis d’écrire ses futurs chefs-d’œuvre.

Visuellement, Tolkien a tout (à première vue) tout d’un biopic classique. La campagne anglaise, fabuleux décors propice au déchaînement des passions, les rues bruyantes et encombrées de Birmingham, puis les salons cosy où les mots s’entremêlent pour prendre la forme de ferventes promesses d’un avenir meilleur car plus libre… Mais là encore, Tolkien parvient à se détacher. Le travail des acteurs, plus abouti qu’il n’y paraît, tout en nuances, à l’image de la performance habitée de l’excellent Nicholas Hoult, nourrit la force de la démarche. Et si Tolkien met un certain temps à trouver son rythme, la façon dont il s’achève, au terme d’une montée en puissance parfaitement maîtrisée, totalement à fleur de peau, contribue à lui donner ses lettres de noblesses. En renouant avec le lyrisme des grands films du genre, faisant honneur à son sujet, devant lequel il s’incline sans pour autant en avoir peur, ce film atteint une forme de beauté pure somme toute rare ces derniers temps dans les salles obscures.

En Bref…

Sous ses airs de biopic classique, Tolkien parvient à finalement s’exprimer avec force, vigueur et émotion. Exploitant la formidable imagination et la sensibilité de son personnage principal, rendant justice à son talent et à sa créativité mais racontant aussi son époque, avec générosité et juste ce qu’il faut d’audace, Tolkien touche au vif. Sans forcer le passage. Difficile de sortir d’un tel film sans verser une petite larme et tout aussi difficile de ne pas avoir envie de lire ou de relire Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux… Un superbe pamphlet à la gloire des mots et de la créativité.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : 20th Century Fox France