Paul Petit, un pilote amené à devenir grand

Publié le 02 juillet 2019 par Etvsport @etvsport

La concurrence fait partie de la vie quotidienne d'un pilote automobile ! En effet, celui-ci sait que pour garder son baquet, il doit toujours performer sinon une meute de loups affamés est prête à lui fondre dessus. Ainsi, la pression qu'engendre cette discipline est parfois délicate à gérer. Paul Petit, pilote professionnel de 26 ans, a su se forger un caractère ainsi qu'une carrière à la force de son talent au volant mais aussi d'un mental de gagneur exceptionnel. Si son père, Pierre Petit, a été un pilote français émérite dans les années 80 et 90 et qu'il n'est pas passé loin d'avoir une carrière en F1, Paul ne doit son très beau début de carrière qu'à lui. Vice champion d'Europe en LMP3 en 2016 et vice champion d'Europe en LMP2 en 2018, il évolue désormais dans le prestigieux championnat GT Blancpain Series. Avant de voir jusqu'où Paul va pouvoir aller, Beside Sport vous fait découvrir Paul Petit, un pilote amené à devenir grand !

A quel âge as-tu pris place dans un kart ou un engin motorisé ?

J'ai dû toucher pour la première fois au karting lorsque j'avais 3-4 ans et après j'ai commencé, d'une manière plus assidue, le karting sur le circuit de mon père à 13-14 ans. Mais j'ai rapidement bifurqué sur une monoplace, c'était une formule Renault.

Quel est ton premier souvenir de vitesse ? Qu'as-tu ressenti alors ?

Ce sentiment de vitesse m'a tout de suite happé ! J'ai quand même la chance d'avoir grandi dans ce milieu, avec un père qui a construit un circuit automobile. Etant donné que j'ai grandi sur un circuit, j'étais sensible à la vitesse car je voyais cela tous les jours. Dès que je sortais de l'école, j'avais le circuit comme terrain de jeu et comme jardin donc c'était vraiment le théâtre de mes rêves pour moi. Et c'est à 14 ans que j'ai pu vraiment ressentir moi la vitesse au volant et pas seulement comme spectateur !

Quel était le regard de tes copains quand ils apprenaient que tu avais un circuit automobile à disposition ?

Je suis originaire d'un milieu assez rural, en Creuse, et mon père a réussi à faire un magnifique circuit là-bas. Forcément, mes copains n'avaient pas vraiment grandi dans des familles sensibles, déjà au sport, mais encore au moins au sport automobile. Franchement, j'ai encore des amis d'enfance qui sont devenus des passionnés de course auto car on a grandi sur le circuit tous ensemble. Clairement, on a passé des moments privilégiés au circuit de Mornay à faire du kart, du quad,...et pleins d'autres engins motorisés. On a tout essayé !

Jeune, comment arrivais-tu à concilier l'école et la course automobile ?

Cela a été relativement simple pour moi car j'ai choisi la course automobile même si ma mère a plutôt choisi l'école. Après quand je dis sport auto, je dirais même plus le sport en général car j'étais vraiment un passionné. La course auto était un loisir quand j'étais jeune et l'école, c'était moins mon truc mais j'ai eu un parcours scolaire tout à fait honnête. Ma mère m'a notamment fait rester dans le cursus scolaire jusqu'au bac et même un petit peu après.

Quels souvenirs as-tu de la carrière de ton père ?

Le souvenir qui me revient quand je devais 3-4 ans, il disputait les 24h du Mans et je crois que j'étais dans le box. Après ça serait mentir que de dire que je me rappelle de beaucoup plus, peut-être de certaines séances d'essais. Mais au-delà de ça, il était sur la fin quand j'ai grandi donc je n'ai pas énormément de souvenirs...mais j'aurais bien aimé !

Pourquoi ne pas être passé par la filière karting comme le font la plupart des pilotes ?

Honnêtement, j'aurais bien aimé passer par là car je pense que c'est la meilleure formation pour apprendre le sport automobile. Plus que la stricte pratique, c'est plus le fait qu'à un jeune âge, on t'apprend à gérer un weekend de course, à gérer la pression, à gérer le haut niveau car il y a un haut niveau en karting. Donc tout cela, c'est ultra formateur pour arriver au palier du dessus qui est la monoplace. Sur le pilote en soit, c'est une bonne école mais honnêtement, je pense être un bon exemple du fait que l'on a pas besoin d'avoir fait un grande carrière en karting pour être savoir conduire une voiture. Et puis, c'est surtout une très bonne filière pour se faire repérer car le karting est très étudié, très observée. Pour moi, c'est un très bon choix de faire du karting en tant que jeune pilote.

Comment ont réagi tes parents lorsque tu leurs as annoncé que tu deviendrais pilote pro ?

Ma mère pas forcément très bien pour des raisons maternelles premièrement. En effet, elle avait connu la carrière de mon père où la dangerosité était très présente. Après c'est un sport très difficile comme s'en doute le grand public mais peut-être pas jusqu'à quel point. Cette discipline peut-être assez frustrante car on peut très vite se rendre compte que malgré un certain talent, tu ne pourras pas aller plus loin à cause de raisons financières. Donc c'était dans une démarche de ne pas voir son fils frustré que ma mère a lutté.

Mon père, c'était encore pire ! Il était sûrement promis à une plus belle carrière qu'il n'a faite et celle-ci, est de mon avis, déjà très belle. Par exemple, pour des raisons budgétaires, il n'a pas pu avoir accès à la Formule 1 alors qu'il a beaucoup travaillé et s'est énormément investi là-dedans. Du coup, cela l'a refroidi de me voir évoluer dans ce sport. Après, lorsque j'ai fait mes preuves, pas forcément sur la piste, mais dans l'investissement que j'avais mis à côté notamment avec via une grande implication de ma part avec les partenaires. Il m'a donc laissé m'épanouir dans ce milieu. Après je ne dois mon parcours qu'à ma persévérance et j'en suis très fier. Ce qu'il faut retenir, c'est que mes proches m'ont laissé faire mon choix et c'est le plus important !

Avoir un nom qui résonne dans le monde du sport automobile, c'est un avantage ou un désavantage ?

Je pense que c'est un avantage ! Forcément, ton nom parle aux gens même quand tu n'as encore rien fait et donc tu es observé un peu différemment. Ensuite, cela peut-être un désavantage si on ne supporte pas la pression de son héritage mais pour moi, ce n'est que du positif. Alors mon père ne s'appelait pas Michael Schumacher, il faudrait poser à Mick la question mais par rapport à tout ce que cela peut t'apporter d'avoir un tel père, c'est du pain béni.

Ton père t'a-t-il beaucoup donné de conseils ?

Je me souviens avoir partagé des moments avec mon père au début pour apprendre le pilotage. Ma première formation, c'est lui qui l'a faite et il a été vraiment de très bons conseils. Ensuite, il m'a laissé voler de mes propres ailes. Pour vous dire, mon père n'est pas venu sur l'une des mes courses depuis 3 ans et on n'en parle pas vraiment. On n'évoque que le bon et très peu la course automobile. J'imagine qu'il me souhaite le meilleur mais il reste distant de ma carrière et me laisse m'épanouir à 200 %. La discipline a évolué, lui aurait sûrement une approche différente de la mienne et ces deux visions pourraient d'ailleurs s'opposer mais je pense que c'est une grande preuve de discernement et d'intelligence que de ne pas s'en mêler.

Après un tel choix de carrière, quel est l'objectif final ?

Mon rêve serait de présenter un constructeur au haut niveau, de pouvoir participer aux 24h du Mans et pouvoir m'installer dans tous les plus grands championnats du monde. Et puis, retourner en prototype même si j'adore le GT. Représenter plusieurs constructeurs dans plusieurs catégories différentes, c'est un vrai objectif...et après pourquoi pas s'exporter aux USA. Tout simplement, je suis un passionné de mon sport, pouvoir toucher à tout au plus haut niveau et surtout gagner des trophées !

Après un début de carrière plus que prometteur en Endurance, te voilà engagé chez le prestigieux constructeur Audi et son écurie WRT en Blancpain Series. Peux-tu nous expliquer les différences entre les compétitions ?

Déjà, les voitures sont totalement différentes ! Le proto se rapproche beaucoup plus d'une monoplace et le GT est plus proche d'une voiture de série. Actuellement, je roule sur une Audi R8, une voiture que l'on peut croiser sur la route, même si la mienne est préparée pour la course (rires). Le pilotage des deux voitures est très différent même si la technique reste la même. En effet, déjà au niveau du poids : la GT est beaucoup plus lourde, a beaucoup moins d'aérodynamique et va donc moins vite dans les virages. Mais aujourd'hui, la différence n'est plus énorme car les GT ont beaucoup évolué, elles vont plus vites et ont plus d'aéro.

Le prototype, c'est une exigence du pilotage et de la finesse qui se rapproche vraiment de la monoplace et on n'est pas loin de ce qui se fait de mieux en terme de conduite.

Quelles sont tes qualités derrière un volant ?

Je pense que ma première qualité est d'être passionné et donc mon investissement est continuel et pas du tout calculé. Ensuite, je suis très travailleur et je pense ce qui fait ma vraie force, c'est le mental...je me bagarre beaucoup en piste. Et puis, vu que j'ai commencé sur le tard la course automobile, j'ai toujours revendiqué une grande humilité afin d'apprendre des mecs qui sont autour de toi. J'ai eu la chance de partager des baquets avec des pilotes beaucoup plus expérimentés que moi et ceux-ci m'ont fait progressé à vitesse grand v. Il est très important de savoir rester à sa place et d'être une véritable éponge au contact de grands pilotes. Donc le pilotage en tant que tel, je ne peux pas vraiment juger mais je mettrais en avant ces différentes choses pour déterminer le pilote que je suis aujourd'hui.

Quel est le circuit qui t'a procuré le plus de plaisir jusqu'à présent ?

Un circuit que j'aime beaucoup, c'est Silverstone...même s'il ne me réussit pas souvent (rires) ! J'ai fait un podium là-bas depuis 2016, on était 2ème l'année dernière et on casse le disque de frein à 5 minutes de la fin et cette année, on n'a pas eu de réussite mais c'est un circuit avec un tracé que j'adore. Sinon j'aime bien Spa, forcément, mais Silverstone avec ses enchaînements rapides, reste mon favori.

Tu parlais de t'exporter au USA, cela consisterait en quoi ?

L'Indycar me plairait beaucoup mais il y a un championnat d'endurance là-bas qui est très réputé. Celui-ci m'attire beaucoup, il y a des courses incroyables comme les 12h de Sebring (le petit Le Mans) ou les 24h de Daytona. Après l'Indycar, quand tu es français et que tu vois Simon Pagenaud remporter les 500 Miles d'Indianapolis, forcément cela fait rêver. Ensuite, les courses sur oval, je suis moins sensible mais tous les pilotes qui ont déjà essayé m'en disent du bien. Si les tracés ne semblent pas sélectifs, il y a d'autres intérêts et pourquoi pas.

Emerger au niveau notoriété en tant que pilote automobile est loin d'être évident en France. Comment peux-tu expliquer cela ?

Déjà la France n'est pas un pays de sport automobile ! Après, c'est quand même un sport qui passionne certaines personnes mais ces mêmes personnes le vivent d'une manière assez secrète et cloisonnée. Ce n'est pas un sport où tu interagis beaucoup. Par exemple, quand t'es fan de F1, tu parles avec des mecs qui adorent cela, tu ne peux pas vraiment t'ouvrir. Le foot, à l'inverse, même si tu n'y connais pas grand chose, tu peux en discuter avec n'importe qui.

Oui, c'est difficile d'émerger en France en tant que pilote mais ce n'est pas impossible. Même moi, à mon petit niveau local, beaucoup de gens s'intéressent à l'évolution de ma carrière. Je pense que l'un des gros problèmes est le fait qu'il y ait beaucoup de catégories, de pilotes de tous les horizons, et donc il est très difficile de sortir du lot.

Si tu devais ne retenir qu'un ou plusieurs pilotes aujourd'hui que tu respectes pour leur carrière et leur image, ce serait qui ?

Il y en a que je respecte énormément et qui ne font pas forcément parler d'eux en terme d'image car ils ne le recherche pas mais je peux citer Olivier Pla qui est comme mon meilleur ami. Il est pilote officiel chez Ford, roule aussi pour Mazda aux US mérite d'être connu du grand public. Après la France a quelques beaux ambassadeurs comme Sébastien Loeb, les jeunes pilotes de F1 ne sont pas en reste et il y a également de très bons pilotes en endurance. La France peut-être fière de ses pilotes !