[Critique] WILD ROSE

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Wild Rose

Note:

Origine : Grande-Bretagne

Réalisateur : Tom Harper

Distribution : Jessie Buckley, Julie Walters, Sophie Okonedo, Daisy Littlefield, Jamie Sives, Adam Mitchell, James Harkness…

Genre : Drame

Date de sortie : 17 juillet 2019

Le Pitch :

Jeune mère de deux enfants, Rose-Lynn entretient depuis toujours le rêve de vivre de sa musique. Chanteuse de country dans un club de Glasgow en Écosse, elle fait des pieds et des mains pour enfin s’extirper de son quotidien et s’envoler pour Nashville où elle en est sûre, elle deviendra une star. Une quête qui n’est pas sans conséquences sur sa famille…

La Critique de Wild Rose :

La promo de Wild Rose a tout basé sur les ressemblances que le film entretient avec A Star is Born, le récent carton au box office porté par Lady Gaga et Bradley Cooper. Une chanteuse veut percer et fait en cela le maximum pour se sortir de sa routine et enfin atteindre les étoiles… Pourtant, si l’accroche de l’affiche, tirée d’une critique du site Time Out, qui affirme en substance que Wild Rose vaut bien mieux que A Star is Born, ne manque pas de mordant et a au moins le mérite d’attirer l’attention, le métrage lui, vaut bien plus que cela…

Piece of my heart

L’histoire de Wild Rose est plutôt conventionnelle. Son postulat en tout cas. Et s’il est en effet tentant de le rapprocher de A Star is Born, il faut aussi reconnaître que rapidement, Wild Rose trace sa propre route. Arrêtons d’ailleurs la comparaison ici en soulignant que le film de Tom Harper se montre moins conventionnel, plus réaliste, plus âpre et beaucoup moins calibré que celui de Bradley Cooper. Des différences lui permettant très vite de briller sans avoir à craindre que son illustre aîné ne lui fasse de l’ombre. Et s’il fallait absolument décider lequel des deux se montre à l’arrivée le plus méritant, et bien oui, ce serait sans aucun doute Wild Rose. Malgré l’émotion que parvient à faire émerger A Star is Born, malgré ses chansons, malgré Lady Gaga et malgré Bradley Cooper. Parce que Wild Rose lui, va plus au fond des choses. Plus qu’un conte de fée de moderne, il s’agit d’un authentique drame traversé de quelques éclairs comiques, jamais complaisant et opportuniste mais tout de même furieusement galvanisant et émouvant.

Walk the line

Surtout connu pour avoir officié en tant que réalisateur pour la série Peaky Blinders et pour avoir diriger l’adaptation TV de Guerre et Paix, dans laquelle Jessie Buckley jouait déjà (il a aussi fait La Dame en noir 2, mais personne n’est parfait) Tom Harper fait montre ici d’une maîtrise pour le moins inattendue et vise juste dès les premières images. Alors oui, le réalisateur emprunte des mécanismes connus à ce que l’on peut appeler le cinéma social. Il y a beaucoup de Ken Loach dans sa mise en scène et si Harper n’a pas (encore) la même force, on peut lui reconnaître un certain talent pour mettre en valeur son histoire sans céder à une quelconque forme d’excès ou de sensationnalisme facile. C’est déjà pas si mal. Harper et sa propension à régulièrement faire une place à la lumière, malgré la tristesse abyssale qui habite à plusieurs moments le récit. Ici, tout est une affaire de mesure. Wild Rose navigue entre plusieurs registres et réussit à garder l’équilibre jusqu’au final, certes convenu mais ô combien efficace et émouvant.

Une star est effectivement née

Cela dit, si Wild Rose repose sur un scénario solide et sur une mise en scène pertinente, c’est bien de Jessie Buckley qu’il tire une majeure partie de sa force. Sûr que sans elle, les menus défauts et autres ficelles du film seraient apparus plus franchement,. Mais elle est là, de tous les plans ou presque, avec ses santiags blanches et son blouson à franges, habitée par cette musique country qu’elle sublime à la moindre occasion, sur scène, devant des foules réduites mais conquises ou un aspirateur à la main, quand elle tente de mener de front sa vie de mère célibataire et ses rêves d’un jour devenir une authentique rock star. Découverte récemment dans la série Taboo, également dans la mini-série Chernobyl, l’actrice irlandaise crève ici littéralement l’écran. D’une présence dingue, dotée d’un charisme hors-normes, c’est bien sûr elle qui chante toutes les chansons que l’on entend dans le film et vous pouvez croire qu’en plus de merveilleusement jouer la comédie, elle sait aussi chanter ! Son personnage, une sorte de Janis Joplin dotée d’un accent écossais à couper au couteau, incarne tellement de choses, de la détresse, de l’humour, de la rage, de la passion et de l’amour, qu’il est impossible de ne pas succomber. À fleur de peau, pourtant jamais dans l’excès, Jessie Buckley entre d’un coup d’un seul dans la cour des grands et insuffle à cette histoire d’ambition et de passion une puissance et une pertinence dévastatrices. Pour autant, ce n’est pas une raison de ne pas souligner l’autre grande performance du film, à savoir celle de la superbe Julie Walters. Au centre de quelques-unes des scènes les plus émouvantes, elle est d’une justesse folle. Deux grandes actrices pour une oeuvre magnifique. Au sens le plus noble du terme.

En Bref…

Certes, Wild Rose n’invente pas la poudre. Des films avec de telles histoires, on en a déjà vu beaucoup. Pour autant, la performance dingue de Jessie Buckley ou encore la finesse de l’écriture en font un incontournable, prouvant par la même occasion que l’important n’est pas forcément de se démarquer absolument mais de savoir incarner des thématiques fortes pour au final se les approprier. En substance, c’est exactement ce que fait Wild Rose, avec une ferveur dévastatrice. Du cinéma britannique incarné comme on l’aime !

@ Gilles Rolland