Mouvements d’apparence, d’appartenance et de style : Dialogue avec Laurent Manet

Par Richard Le Menn

Je suis content de ce lien établi avec lui, qui est celui d'un amour commun du rythme, et des styles qui en découlent, 'écrits' par ceux qui ont décidé de prendre en main leur persona, le rôle qu'ils jouent ou ne veulent pas jouer dans la société... Ces rythmes sont surtout ceux de la rue, traditionnellement lieu où se déroulaient les comédies du théâtre, où tout le monde se rassemble sans obligatoirement s'y assembler, avec certains qui s'y distinguent tout particulièrement, parfois de manière très inattendue.

J'ai de nombreux exemples de cette méprise, qui peut se comprendre par le nom même de " petit-maître ". Voici un aperçu de ce genre d'erreur dans cet article (cliquer ici), dont j'ai gommé le nom de l'auteur, d'une revue papier, chroniquant le livre Merveilleuses & merveilleux, qui franchement donnerait envie de se teindre les cheveux en rouge et de crier " HoulaHoulaHoulala ! ", non pas tant parce que le titre de l'ouvrage et mon nom ne sont pas bien orthographiés, ce qui contrarie tout de même des recherches sur internet pour se procurer le livre, mais surtout parce que, malgré l'emploi de très jolies et poétiques expressions, l'auteur de cet article y stigmatise les petits-maîtres comme étant des " nantis ", utilisant des " allégories distinctives " (très jolie expression du reste) " couramment indicatives de l'appartenance sociale et de revendications de signes extérieurs de richesse ". Si cela est vrai pour quelques-uns, c'est très loin de l'être pour tous ! La richesse de ces merveilleux c'est avant tout leur style, leurs manières, leur fantaisie, l'inventivité qu'ils déploient, les nouveaux rythmes qu'ils créent ou dont ils usent, leur modernité, leur jeunesse, etc. Ceci dit, je note aussi les quelques belles expressions de ce papier, qui elles méritent d'être reprises : " rituels esthétiques ", " positions d'apparat ", " intérêts figurés ", " investissement ", " connotations véhiculées par l'allure "... et le maintenant fameux " allégories distinctives " !

Pourtant, j'ai remarqué que Laurent restait très ouvert quand on parlait de mouvements de modes, car, je le répète, c'est un véritable passionné de ceux-ci, sentiment qu'il concrétise aujourd'hui notamment dans la création de figurines : Depuis quelques années, il fabrique et vend des figurines de ce monde rebelle, déjanté, excentrique et surtout anglo-saxon, que l'on retrouve sur figurines-rock.com, classées en catégories : Teddy Boys / Rockers - Mods - Skinheads / Bootboys - Punks / Hardcore - Psychobilly - Ska Reggae Rocksteady - Bikers - Gothiques Batcave - Hip Hop / Street - Rock'n'Roll Heroes - Cinéma TV - Animaux - Historiques. Il est déjà question de son travail dans l'article intitulé Catharsis obligatoire ?

Image ci-dessus et celle ci-dessous ont été fournies par Laurent.

Une des grandes forces des mouvements de mode, notamment anglo-saxons mais aussi dans beaucoup de francophones, c'est de pouvoir créer un style avec rien : jouer des rythmes nouveaux simplement en changeant la langue, la manière d'être, de s'habiller, de faire de la musique, de chanter, etc. L'audace et l'imagination remplacent l'argent. Ce sont des richesses. Les adolescents l'ont bien compris, eux qui sont encore dépendants de leurs parents. Par exemple, pour être punk on a besoin de rien. J'ai lu quelque part que le punk français des années 1980 était né d'une énergie et d'une nécessité de l'exprimer. Cela est sans doute vrai pour tous les mouvements. As-tu conservé cette énergie ?

- Durant la Révolution française on a déjà des prémices des mouvements punk et new-wave (et même gothique, etc.). Par exemple, durant la période 1789 - 1791, on appelait " noirs " de jeunes personnes, souvent issues de l'aristocratie, s'habillant en noir afin de manifester leur mécontentement face à la Révolution. Cela devint une véritable mode que l'on retrouve même portraiturée dans la revue de mode de l'époque Journal de la mode et du goût, ou Amusements du salon et de la toilette ! Par la suite, à partir de vers 1795, certaines jeunes femmes (les merveilleuses) se firent couper les cheveux comme on le faisait pour les guillotinés, dans des coupes " en hérisson " ou " à la victime " qui ressemblent beaucoup à certaines des punks. Surtout que souvent ces merveilleuses se mettaient autour de la poitrine une chaîne. Dans tout cela il y avait les expressions d'un certain désarroi, d'un no future et d'une rébellion. En même temps, les sans-culottes s'habillaient comme le peuple, même s'ils n'en étaient pas toujours issus, et manifestaient une énergie libertaire aussi très proche du punk. Pourtant, nous sommes là face à deux opposés. Selon toi, qu'est-ce qui lie tous les mouvements de mode, même les plus opposés ?