Camille Fournet : maroquinier de luxe entre tradition et innovation

Publié le 15 novembre 2019 par Larrogante

La Maison Camille Fournet, c’est tout d’abord une jolie histoire de savoir-faire français. Créée en 1945 par l’artisan sellier du même nom en Picardie, qui « monte à Paris » et devient l’un des premiers fournisseurs de bracelets de montres de luxe. Collection de maroquinerie, ceintures.. la Maison devient une institution en termes de savoir-faire d’excellence. Elle est reprise dans les années 90 par Françoise et Jean-Luc Déchéry, qui vont lui donner un nouveau souffle. Ils veulent aussi bousculer les codes de la maroquinerie de luxe, en créant des pièces qui s’adaptent aux clients tout en alliant tradition et modernité.

En 2017, la Maison prend un nouveau virage : nouveau logo, nouvelle image, nouveau concept de la boutique rue Cambon… Le plus important : le design. Il devient un élément central dans la nouvelle collection de maroquinerie. Pour cela, les propriétaires décident de mettre à la tête de la direction artistique deux designers.

Nous avons eu la chance de rencontrer Chloé Maillot et Guillaume Renaudin qui nous ont fait visiter la Manufacture, à Tergnier, récemment agrandie, où la ligne de maroquinerie et les bracelets de montre sont confectionnés.

On a voulu savoir comment ce duo de designers travaillent ensemble à développer la ligne de maroquinerie. Quelles vont être les prochaines créations et comment la nouvelle vision de la marque s’allie au savoir-faire et à la tradition de cette Maison « vieille » de 70 ans :

Bonjour, Chloé et Guillaume, pouvez-vous vous présenter ? Qui êtes-vous et que faites-vous ?

Chloé : Bonjour, je suis designer produit, je suis arrivée chez Camille Fournet après cinq ans à l’ENSCI les ateliers (Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle) Ça va faire un peu plus d’un an que je travaille chez Camille Fournet, en collaboration avec Guillaume sur les collections de maroquinerie.

Guillaume : Bonjour, je suis designer produit, après avoir fait mes études à l’EPSAA (école de graphisme) et l’ECAL en Suisse (design produit), j’ai rejoint Camille Fournet il y a deux ans et demi.

Vous êtes tous les deux designers. Qu’est-ce qui différencie votre travail de celui d’un styliste ?

Chloé : Dans nos études on a pas mal travaillé sur la partie usage, fonctionnalité, on essaye toujours d’aller vers des sacs qui s’intègrent de la façon la plus naturelle possible dans le quotidien des gens. Chez Camille Fournet, on crée des sacs contemporains, mais on a pour ambition qu’ils soient intemporels, on essaye d’avoir des formes très épurées, sobres, avec peu de décor. Pour réchauffer tout ça on travaille beaucoup l’habillage des sacs, on essaye de créer des sacs assez colorés, qui sortent de l’ordinaire, et dans des cuirs très variés.

Guillaume : Dans nos études on n’apprend pas à travailler avec le corps humain, les objets ont leur propre existence. Ils ont leur ADN. Ils accompagnent notre quotidien mais ils sont aussi indépendants. Une chaise dans une pièce doit être belle en étant passive ou active. Je pense que cette différence de point de vue fait toute la différence dans l’apprentissage de notre métier.

Justement, comment fonctionnez-vous ? Qui fait quoi ?

Chloé : On travaille chacun sur nos sujets et on échange très souvent pour avoir des retours constructifs, et faire avancer les choses quand on est un peu bloqués. Je travaille beaucoup sur la partie finitions, recherche de couleurs et de matières, je suis très sensible aux détails, je trouve que c’est ce qui fait vraiment la différence sur un produit. Je travaille aussi sur la mise en valeur des collections et de l’univers que l’on a choisi pour la saison en imaginant les vitrines.

Guillaume : On est très différent mais aussi très complémentaire. Du coup on fonctionne de manière indépendante. Cela donne des échanges très pertinents car on a un avis extérieur par une personne proche, au sein de l’entreprise qui fait le même métier que vous, c’est parfait ! Et elle a une sensibilité à la couleur que je n’ai pas du tout.

Quelles ont été vos premières créations pour la Maison ?

Chloé : mon premier projet a été une collection de porte-cartes sur le thème du sport pour la fête des pères et mères 2019 : j’ai créé un terrain de tennis, de basket, de course et une piscine de poche. Les lignes des terrains étaient symbolisées par les poches, finies par une teinture de tranches blanche (procédé de finition très précis, qui ne laisse pas de place à l’erreur…) et j’ai fait de petites démarcations en marqueterie de cuir.

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La poche, le plus grand terrain de sport

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Guillaume : Je suis arrivé 6 mois avant le lancement de la nouvelle plateforme de marque, alors mes sujets étaient tous sauf de la maroquinerie : du mobilier, des vitrines, de la PLV… il y avait beaucoup de chantier et une petite équipe. Six mois plus tard, je créais mon premier sac, le Reporter, le 32.08. Un petit sac qui se porte en bandoulière. Je suis inspiré d’un petit jerrican pour la forme et la taille. Je m’imaginais une petite mallette à outil.  Puis j’ai imaginé le plissé sur nos sacs existants pour la collection Printemps-été 2019 et la pochette Emblème, la 43.01 sortie en septembre 2019.

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La balade artistique de Camille Fournet pour @PariasGalleryWeekend. @Matthieu.de.pallares devant la peinture de Djamel Tatah à la galerie Poggi, avec le sac Reporter 32.08. Photo de @jeanpicon

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Pouvez-vous nous dire quelles sont les différentes étapes entre votre idée et la sortie en magasins d’un sac ?

Chloé : ça passe beaucoup par la maquette d’abord en papier, puis en salpa (un aggloméré de caoutchouc et de cuir), et enfin la maquette en cuir. C’est le produit d’un échange constant avec les prototypistes que l’on voit toutes les semaines lorsque l’on va à Tergnier dans la manufacture Camille Fournet.

Guillaume : Comme le dit Chloé la maquette est notre principal outil. Et notre gros avantage c’est la proximité de la Manufacture en Picardie. On y va 2 fois par semaine. On peut très facilement mettre en volume des idées. C’est beaucoup d’échange : ça commence par une grande phase de prototypage et de recherches puis une fois le produit défini on passe en production. Dans cette Maison nous prenons le temps de développer le produit et c’est très important.

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Le cœur à l'ouvrage. Attiser la curiosité, chercher le luxe caché, à chaque étape de la création d'un sac.

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Avez-vous des contraintes ou objectifs concernant le nombre de nouveautés à lancer par an, ou cela se passe-t-il plutôt à l’envie ?  

Chloé : On a bien sûr des demandes pour compléter la gamme de sacs, il nous manque quelques modèles. On travaille sur ces modèles en priorité, mais rien ne nous empêche de proposer de nouvelles choses : c’est comme ça que Guillaume a travaillé le plissé, un état de surface un peu nouveau pour habiller nos sacs. Donc c’est un peu les deux ! Au niveau du nombre de produits à sortir, nous n’avons pas de quota, on sort les sacs lorsqu’on les a portés, testés en toute situations et qu’on est contents du résultat.

Guillaume : On essaye d’avoir quelques nouveautés par année mais on ne se précipite pas si le produit ne nous convient pas.

Parlez-nous de la pochette Emblème, le dernier sac sorti pour l’Automne-Hiver 2020.

Chloé : C’est Guillaume qui a travaillé sur ce projet, mais je l’ai beaucoup portée, alors je peux en parler aussi ! C’est un petit sac très pratique : il contient des fentes pour mettre des cartes de crédit et une poche avec fermeture éclair pour mettre sa monnaie, et ensuite il a l’espace parfait pour transporter son « minimum vital » téléphone, mouchoirs, Labello ou autres. On l’a sorti en deux versions : il y en a une pour le jour en veau lisse, que je trouve très chic dans la couleur crème, et une pour la soirée avec le rabat en alligator brillant en noir ou en vert foncé.

Guillaume : C’est une petite pochette de soirée ou de jour selon les envies des personnes qui la portent. Elle avait comme contrainte de construction très importante pour moi : une unique pièce de cuir qui enroule son contenu. J’avais travaillé précédemment sur des petites têtes que je mettais en forme grâce à une technique d’enlèvement de matière que j’avais vu pratiquer à l’atelier par notre prototypiste Marie. J’ai réutilisé cette technique pour créer une charnière un peu comme du plastique pour un Tupperware. Et suite à ça, la pochette est née. La lanière accentue la déformation de ce couvercle. La version alligator est un peu différente car je voulais que l’ajout d’un nouveau matériau soit comme l’ajout d’une nouvelle pièce.

La Maison a été reprise dans les années  90 par  Françoise et Jean-Luc Déchéry, qui lui ont donné un nouveau souffle avec une nouvelle vision. Comment cela se traduit-il aujourd’hui ?

Chloé : la maison Camille Fournet est à l’origine très connue pour ses bracelets de montres, et grâce à la vision de M et Mme Déchery, on a pu travailler sur une ligne de maroquinerie contemporaine, bien ancrée dans le quotidien et avec un savoir-faire maroquinier et des matières assez incroyables. C’est un régal pour des designers !

Les collections sont aussi accompagnées par l’envie de M et Mme Déchery de faire du mécénat, ce qui nous permet de découvrir des artistes contemporains très intéressants, dont les créations cohabitent avec nos sacs et porte feuilles dans notre boutique du 5 rue Cambon. On peut vous dire que ce n’est pas fini et qu’on a encore pas mal de projets sous le coude !

Guillaume : Oui je pense que Chloé à tout dit on vient d’abord du bracelet et la manufacture existe grâce au bracelet. Ils ont voulu créer leur propre marque de maroquinerie en y intégrant une réflexion plus proche du design objet. C’est un choix très actuel où les frontières entre les métiers de stylistes et de designers ne sont plus autant définies. Leur attirance pour l’art va avec leur curiosité et l’envie de rencontrer !

Un indice sur la prochaine pièce à sortir ?

Chloé : Elle se portera sur le dos ?

Guillaume : Rien d’autre à ajouter !

Dernière question : quelle pièce est la plus arrogante et pourquoi ?

Chloé : Pour moi, c’est le sac Hobo en jaune acacia et plissé, il a une forme que j’aime beaucoup, très pure, et avec le plissé et la couleur jaune, il devient vraiment frappant, on ne peut pas le louper !

Guillaume : Pareil que Chloé ! Le Hobo a un côté très théâtral. Et ma deuxième pièce est à venir….

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32.06, un plissé made in France, une innovation née dans nos ateliers

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Françoise et Jean-Luc Déchery nous parlent de leur attirance commune pour l’art et comment avec Equinoxes, ils marient cette passion à leur marque :

Françoise Déchery : Jean-Luc et moi nous sommes rencontrés très jeunes. J’étudiais l’histoire de l’art et j’étais déjà passionnée. Lui s’intéressait à tout. Nous avions ce point commun : la curiosité. Nous avons commencé à fréquenter ensemble les galeries, à construire nos goûts artistiques. Il ne s’agissait pas de collectionner à l’époque, mais l’impulsion était là, déjà. Nous nous sommes très vite rendus compte que l’art prendrait une place prépondérante dans la construction de notre vie commune.

Jean-Luc Déchery : Le virus du collectionneur est arrivé plus tard, quand nous avons pu nous permettre, petit à petit, d’acquérir des œuvres qui comptaient pour nous. Dès que nous avions l’occasion de nous faire un cadeau, nous en profitions. Mais nous nous portions aussi acquéreurs d’œuvres de nos amis, de gens que nous rencontrions. Il s’agissait déjà pour nous de soutenir les créateurs comme nous le pouvions, avec nos moyens et nos envies.

FD : Nous avons longtemps essayé de dissocier notre passion pour l’art de l’aventure Camille Fournet. Il s’agissait d’une démarche personnelle, nous ne voulions pas mélanger les genres. Même s’il nous arrivait parfois de le faire malgré nous. Comme pour cette œuvre commandée à la fin des années 90 à Fabrice Hyber, en connexion avec le travail de la manufacture de Camille Fournet.

JLD : Il nous semblait naturel de créer une ligne de démarcation. Le Festival Éclats, que nous avons initié avec notre fille dans les années 2010, était complètement indépendant de notre activité entrepreneuriale et nous étions contents qu’il le reste. Mais à mesure que la maison Camille Fournet grandissait nous avons commencé à comprendre que nous pouvions soutenir les artistes autrement, en leur offrant les moyens d’être exposés en Chine, au Japon, un peu partout. Équinoxes devrait permettre ça. L’art n’a pas besoin de dictionnaire pour être compris. C’est un moyen de se faire comprendre à travers les frontières.

Plus d’information sur la Maison Camille Fournet directement sur leur site, ou le compte Instagram !

Boutique : 5 rue Cambon, Paris Ier