Un an de violences policières

Publié le 16 novembre 2019 par Tetue @tetue

Cela fait un an que les gilets jaunes manifestent. Chaque samedi. Plus de 52 jours de confrontation avec un maintien de l'ordre qui a marqué les esprits, et les corps, avec 4 000 blessés de part et d'autre [ 1].

Trop de blessures graves

Depuis le début du mouvement, en novembre 2018, le documentariste indépendant David Dufresne (DavDuf) recense les victimes de violences policières qui ont été filmées. " L'élément déclencheur, ça a été l'effarement devant les mutilations. Devant les blessures, que certains décrivent comme des blessures de guerre " dit-il. " Quand j'en suis au 4e [signalement], je me dis que ça va s'arrêter. " Mais ça ne s'arrête pas. Inlassablement, DavDuf alerte sur son fil twitter, toujours avec la même formule : " Allo @Place_Beauvau - c'est pour un signalement ". C'est le ministère de l'intérieur qu'il interpelle ainsi. Sans réponse.

Récompensé par le prix des Assises du journalisme en mars 2019, le travail documentaire de ce lanceur d'alerte est compilé en dataviz par Médiapart en juin : Allo Place Beauvau - attention, certaines images sont difficiles à regarder. Plus de 850 faits regroupés et contextualisés, dont 315 blessures à la tête, 24 éborgnés, 5 mains arrachées sans oublier les 130 intimidations, insultes et entraves à la liberté de la presse. Un travail de sept mois devenu référence pour l'ONU, le Conseil de l'Europe, le Parlement Européen et la presse française et internationale.

Alarmés par la multiplication des blessures oculaires graves qu'ils doivent soigner, les ophtalmos écrivent au président en mars. " Il n'y a jamais eu autant de mutilés, de gens qui perdent un œil. Perdre un œil, c'est pour la vie. Et ils sont des dizaines " s'effare DavDuf. La revue scientifique britannique The Lancet a étudié 43 cas de blessures oculaires causées par les armes non-létales utilisées par les forces de l'ordre françaises, soit davantage que son décompte qui ne documente que les violences filmées. Les rapports des street medics (secouristes de rue) font aussi état de beaucoup plus de blessés.

Cette répression dépasse le mouvement des gilets jaunes et s'est étendue à d'autres manifestations, s'abattant indistinctement sur des écologistes, des lycéens [ 2], des secouristes, des pompiers [ 3], des journalistes... Les nasses se referment sur celleux qui passent par là, passagers du métro, convives dans les restaurants, riverains qui rentrent chez eux... Les lacrymogènes enfument sans discernement, enfants y compris, et les coups s'abattent même sur les personnes âgées ou handicapées. Plus une semaine ne passe sans que de nouvelles images suspectant des violences policières fassent le tour des réseaux sociaux.

Déni officiel

Difficile à croire pour certains, tant elles sont peu relayées par les médias traditionnels, qui s'indignent davantage du nombre de voitures brûlées et de l'atteinte aux symboles (tant républicains que bourgeois) que des vies mutilées, dressent un portrait caricatural des manifestants, les présentant comme des casseurs ultra-violents qui n'auraient que ce qu'ils méritent, et rassurent sur un maintien de l'ordre qualifié de proportionné et efficace. " Si vous n'êtes pas vigilants, les journaux arriveront à vous faire détester les opprimés et aimer ceux qui les oppriment " disait Malcolm X.