Kamel Chouaref, coups de poings, coup de coeur

Publié le 06 décembre 2019 par Pascal Boutreau

Depuis quelques semaines, je travaille sur le magazine de la Mairie de Villeneuve-la-Garenne, commune des Hauts-de-Seine posée en bord de Seine, entre Gennevilliers, l'Île Saint-Denis et Saint-Denis. Cette mission m'a permis de rencontrer plein de jolies personnes. Parmi elles, je relaie ici un portrait que j'ai écrit pour le magazine. Celui de Kamel Chouaref, "légende" des disciplines de boxe pieds-poings qui chaque jour depuis 2003 enseigne son "noble art". Un moyen aussi d'inculquer de précieuses valeurs. 


KAMEL CHOUAREF

Coups de poings

coup de cœur

Plus grand boxeur pieds-poings de l’histoire avec 15 titres de champion du monde dans diverses fédérations et disciplines, le créateur du KC Boxing souhaite avant tout placer son action dans une démarche éducative. L’apprentissage des codes de la boxe pour mieux appréhender ceux de la vie. 

« Je veux former des champions de la vie. » Au sous-sol du Nouveau-Monde, dans la salle de boxe récemment rénovée du KC Boxing, Kamel Chouaref, 49 ans, ne s’économise pas. Ce mercredi soir, une cinquantaine de jeunes de 8 à 15 ans sont venus prendre leur leçon de boxe pieds-poings (kick-boxing, boxe thai, K-one, boxe éducative, boxe féminine etc.). Au centre du ring, sur le tapis ou près des sacs sur lesquels ses élèves s’appliquent à enchainer directs, crochets et uppercuts puis low-kick et middle-kick (coups de pieds bas et moyens), il ne cesse de prodiguer ses conseils. Le style est cash, parfois rude mais la bienveillance est toujours là. La plupart des jeunes ne connaissent pas son palmarès. Il s’en moque. Au contraire. Pourtant, Kamel Chouaref est une des grandes figures des disciplines de boxe pieds-poings. Quinze titres mondiaux, des combats dans le monde entier, dans les plus grandes salles comme à Bercy devant 15 000 spectateurs, cinq couronnes de meilleur boxeur de l’année, 131 victoires en 135 combats, des réceptions chez les plus grands comme les présidents de la République François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkosy ou encore Sa Majesté le Roi du Maroc Mohammed VI qui lui a remis le Ouissam Alaouite, une des plus grandes distinctions du royaume. « Pour atteindre le très haut niveau, c’est énormément de sacrifices, confie-t-il. Tu t’entraînes très dur deux ou trois fois par jour, tu dois suivre des régimes de fou, tu ne dois pas sortir, cela nécessite une discipline de fer. »

A la fin de sa carrière, Kamel a atterri à Villeneuve-la-Garenne. Il y a créé en 2003 le club de boxe, le KC Boxing qui compte aujourd’hui près de 200 membres dont une quarantaine de filles. Depuis 16 ans, il a formé pléthore de champions d’Ile-de-France, de France, d’Europe et même du monde. Mais sa principale fierté n’est sans doute pas là. Le sport, et en particulier la boxe, sont pour lui des moyens d’enseigner la vie. « Les petits viennent pour apprendre à se maitriser et pour savoir se défendre, explique-t-il. Ici, ils apprennent des codes qui vont bien au-delà du ring. Ils s’appliquent aussi dans la vie. Si tu arrives en retard à l’entraînement, tu arriveras en retard en cours ou au travail. C’est notre façon de les aider à préparer leur vie d’adulte. Ma fierté, c’est aussi d’avoir sauvé pas mal de monde. La ligne rouge vers la délinquance n’est jamais très loin. Il faut les cadrer pour faire en sorte qu’ils ne franchissent pas cette ligne. La boxe est une façon de le faire. »

Dimension sportive, dimension éducative mais aussi dimension sociale. « Cette salle de boxe, c’est aussi un lieu d’échanges, insiste Kamel, arrivé du Maroc en France à l’âge de 5 ans et élevé par sa tante. Les gens apprennent à se connaître. Les parents se rencontrent, organisent des gouters, on se fait un petit pot à la fin d’année. Quand les parents viennent, je demande des nouvelles de la famille, je me renseigne pour savoir si ça se passe bien à l’école. Le sport fédère les familles. Ce qui est important dans ma vie, c’est la simplicité. C’est la plus grande des valeurs. J’aurais aimé avoir tout ça quand j’étais jeune. Aujourd’hui, on a la chance d’avoir des éducateurs diplômés. Evidemment, on manque toujours de moyens car on aimerait en faire encore plus. On critique plus souvent qu’on ne met les choses en valeur mais il faut avoir conscience que la France est un pays magnifique où l’on peut réaliser des actions comme ça. Vive la France ! » Des rencontres autour du ring, et même, au « palmarès » de Kamel… 4 mariages et même des enfants entre des licenciés qui se sont connus dans sa salle. Une autre de ses fiertés. 
Avec ses éducateurs, Tareck, Jo, Rodrigue, Marcellin, Steeve et Marie, Kamel Chouaref a su instaurer un esprit familial. « La boxe est certes un sport individuel, mais nous y avons mis un esprit d’équipe. Toutes ces valeurs, c’est pour moi l’essentiel. »  
« Toucher, ne pas se faire toucher. » Plusieurs fois dans la soirée, Kamel répète cette règle de base de la boxe. Lui, a su nous toucher… en plein cœur.