Le Guépard - Tomaso di Lampedusa

Par Ivredelivres

Classer , ranger, dépoussiérer sa bibliothèque c'est une tâche longue mais réjouissante car c'est l'occasion de faire réapparaitre des livres enfouis derrière d'autres livres, ceux qu'on a lu il y a longtemps et qui retrouvent à cette occasion une nouvelle jeunesse.

Juste un brin d'histoire mais vite, comme en passant : Le roman se passe en 1860, Garibaldi débarque pour réaliser l'union de l'Italie et le rattachement de la Sicile à la couronne de Victor-Emmanuel de Savoie. Une révolution qui verra l'émergence d'une nouvelle classe sociale.

Le Prince de Salina, Don Fabrizio, frivole, colérique, dernier représentant de cette aristocratie sicilienne sur le déclin. Si il aime le faste, il aime aussi vivre un rien en reclus entouré de ses livres, de ses télescopes, plus passionné par l'astronomie que par l'évolution orageuse de l'Italie et la victoire de Garibaldi

" Inutile de se forcer à croire le contraire, le dernier Salina, c'était lui. Ce Garibaldi, ce Vulcain barbu avait gagné. "

Donnafugata dans le roman Palma di Montechiaro en réalité

Tancrède Falconeri, le neveu, c'est la nouvelle génération, jeune insolent avide de plaisirsdont l'héritage est parti en fumée mais qui va pouvoir prendre sa revanche. Le prince l'aime plus que ses propres fils.

Le prince le met en garde envers cet amour tout neuf" Feu et flammes pendant un an, cendres pendant trente." Il parle d'expérience.
Tancrède et Angelica Sedara marque le changement de la société mais le prince voit au-delà

" Ils offraient le plus pathétique des spectacles, celui de deux très jeunes amoureux qui dansent ensemble, aveugles à leurs défauts respectifs, sourds aux avertissements du destin, dans l'illusion que tout le chemin de la vie serait aussi lisse que les dalles du salon "

Comme dans les adaptations marquantes d'une oeuvre littéraire, il est difficile aujourd'hui de penser aux héros du roman sans voir Claudia Cardinale danser au bras de Burt Lancaster. Le fameux bal chez les Ponteleone, au cours de laquelle le Prince dansera avec Angelica qui a appris ce qu'est la bonne tenue en société

" Son maintien ne se démentit pas une seule minute : on ne la vit jamais errer seule la tête dans les nuages, jamais ses bras ne s'écartèrent de son buste ; jamais sa voix ne s'éleva au-dessus du diapason "

La danse, la musique, le cristal et l'argenterie, et les parfums de la nuit, le Prince se sent vieux et fatigué mais encore sensible à la beauté d'Angelica.

Le thème du temps qui passe est très fort dans le roman un peu comme dans le dernier tome de La Recherche.C'est un roman splendide sur la Le bal est le point culminant du roman, il n'empêchera pas l'effondrement de cette aristocratie et de ses privilèges.
De sa tour, derrière son télescope le Prince Salina regarde de loin son monde s'écrouler, le bal a été son adieu, son chant du cygne.
mort et le vieillesse qui vient, sur la fin des illusions.

C'est aussi un superbe tableau de la Sicile comme le dit Dominique Fernandez

" Les paysages brûlés de soleil, la canicule immuable, l'odeur de poussière et de fleur d'oranger, les vieilles demeures seigneuriales ceinturées d'eucalyptus, les intérieurs sombres et lugubres derrière une façade baroque, l'union fabuleuse du faste et de la misère "

En Giuseppe Tomasi de Lampedusa l'aristocrate sicilien s'inspire largement de sa propre vie pour concevoir son héros, le prince Fabrice de Salina. A travers lui, l'auteur dépeint la fin d'un monde 1954, le prince sicilien Giuseppe Tomasi di Lampedusa, duc de Palma essuie un double refus de deux importants éditeurs italiens et meurt avant de voir son roman publié