(Carte blanche) à Claude Minière : Je pense, donc je suis (opéra ouf)

Par Florence Trocmé

Je pense, donc je suis (opéra ouf)

Je viens raconter une histoire. Elle est triste mais drôle. C’est l’histoire de mon Descartes, un manuscrit. J’ai en vue de son édition sollicité je crois bien tous les éditeurs de France et de Navarre*. Non, Descartes est mort. Ses cendres dans un coffre-fort, sa figure en bronze publique, c’est bien ainsi.
Et pourtant, il est diablement intéressant d’y aller voir de nouveau sur la vie et l’œuvre de René (1596-1650). Il s’agit d’une base et d’un aboutissement, d’un grave virage de la sensibilité. René Descartes (se) pose l’étrange question Est-ce que je suis ? Réponse : « je pense, donc je suis ». Ouf !
Mais cette réponse intime et démonstrative, reçue bientôt comme « fondatrice », aura une lourde conséquence. Les animaux ne pensent pas, donc ils n’existent pas. Ils existent, si, mais comme machines…Désacralisation complète, ruptures, domination, marchandise…, le contraire du poétique. D’où expérimentations, abattoirs,... Bientôt l’homme aussi sera conçu comme machine et automate. Plus tard, des hommes et des femmes seront désignés comme « sous-hommes » et transportés dans des wagons-à-bestiaux.
La laïcisation de la pensée qu’opère le dix-septième siècle rationaliste, laquelle infiltrera les pratiques religieuse formelles, autorisera les conduites les plus inconscientes du caractère divin du vivant. C’est peut-être pourquoi (en même temps que « pour rien ») nous faisons le saut poétique hors une logique du cadavre.
Claude Minière

*Exception : les éditions Tituli ont accueilli Comment peut-on être cartésien, et le publieront.
Image, épitaphe de Descartes, chapelle Saint-Benoît, Saint-Germain-des-Prés.