Le bouge, de Stéphane Montavon

Publié le 24 mars 2020 par Francisrichard @francisrichard

Une révolution ne fermera pas les bouges.

La révolution dont il s'agit est celle de 2011 en Égypte, appelée un peu vite Printemps, et un peu tôt puisqu'elle a en fait commencé en février. Les pouvoirs changent, les bouges, qui sont peut-être les plus vieux lieux du monde, restent.

C'est rien de le dire que Stéphane Montavon cherche la difficulté. Celui qui veut le lire ne doit donc pas chercher la facilité. Pour ça, il y a d'autres auteurs, d'autres livres. Pour le lire, il doit faire quelques efforts avant de se voir récompensé.

La méthode est de le lire une fois, deux fois, voire plus même si nécessaire; de prendre son temps; de capter ce qui est possible, comme un bruit dans un brouhaha; d'entendre les sons avant d'en distinguer le sens, comme le fait le recordiste

Le mobile de Lang est l'éros écoutant: un libertinage aural [sic] assez mûri au demeurant, qui ne jouit que dans le noir ou l'discrépant. C'est ce qui les a fait venir au Caire en février 2007 lui et son coloc Dante, avec perches et bonnettes

Lang note ce qu'il recorde dans un cahier que lira son pote Lapeyre, rouquin bouclé à lunettes, malin singe de la classe, expérimentateur hyperactif, à la mémoire fabuleuse! de l'électronique amusante jusqu'aux herbiers de rhizomes...

Lapeyre s'est rendu à Siwa, cette oasis qui borde la Libye et ouvre sur le Désert Blanc, ses sources chaudes, dépêché par l'uni de Fribourg pour une reconnaissance de terrain. Il ne s'en est pas contenté et a assez trifouillé la littérature autour...

Quand la révolution de 2011 tourne à la farce, Lang disparaît du Caire et met ses pas dans ceux de Lapeyre à Siwa, où il convainc de l'y rejoindre Hoda, célibataire trentenaire sans voile, d'une plastique synthétisant Assouan avec le Delta...

Là-bas il réalise une lubie avec d'autres tripeurs comme lui, celle du tournage audiovisuel de la huitième pièce de Sophocle, un drame satyrique, Les chiens renifleurs, qui s'avère aussi intemporel que les trifouillages littéraires de Lapeyre.  

Francis Richard

Le bouge, Stéphane Montavon, 216 pages, L'Âge d'Homme

Livre précédent aux éditions d'autre part:

Crevures (2016)