L'amateurisme mortel de Monsieur Bricolage - #COVID-19

Publié le 29 mars 2020 par Juan

Vingt mille morts en Europe, et les dirigeants tremblent quand les populations s'inquiètent. 

En France, Monsieur Bricolage est le nouveau surnom d'Emmanuel Macron.


Le désarmement

Pour répondre aux accusations de désarmement face à la pandémie, le gouvernement s'est décidé à une conférence de presse, samedi 28 mars. On a franchi le cap des 2000 morts, le rythme des décès frôle les 400 quotidiens, sans compter ceux que l'on ne mesure pas. Le carnage dans les EPHAD ne fait que commencer. L'Italie voisine, aussi mal lotie, a franchi les 10 000 morts.
Un samedi fin d'après midi, deux heures avant les journaux télévisés, le premier ministre Philippe et son ministre de la santé Véran se justifient. Ils avouent qu'ils ne sont pas prêts, qu'ils leur est impossible de confirmer quand les masques commandés si tardivement arriveront sur le visage des soignants: "Aucun système sanitaire n'a été pensé pour faire face à une telle vague". Pour les masques, il leur faut un "pont aérien" avec la Chine. Pour les tests, "nous sommes dépendants de la recherche mondiale". Il y a déjà plusieurs centaines de soignants infectés.
L'accusation est là - une plainte collective a été déposée après les aveux de Buzyn. Depuis le début de l'année, le gouvernement était au courant des dangers. Il savait. Il n'a pas agi ou il a mal agi depuis l’émergence de la maladie (début janvier) et la confirmation qu’il y a bien une pandémie (fin février).
Alors Macron se planque de la presse et laisse Philippe jouer au fusible. Le premier des ministres se défend et annonce des gros volumes - 50 000 puis 100 000 tests quotidiens... mais plus tard, en mai, "au mois de juin", on ne sait pas. L'Allemagne teste déjà 500 000 personnes par semaine.
Un milliard de masques arriveraient ce dimanche à Roissy.
Enfin.

Le confinement va durer. 

Il faudrait l'avouer. Comme tous les dirigeants occidentaux, Macron espère que la suspension générale de nos activités économiques pour cause d'impréparation et d'économies de bout de chandelle sur le dos de la santé publique, ne durera pas plus de deux mois. Pourtant il ne prolonge le confinement que par petits coups - 15 jours par ci, 15 jours par là... Pourquoi ?
Pourquoi ne pas reconnaître que la crise sanitaire va durer plus longtemps qu'une location estivale ? La raison semble simple, il s'agit de ne pas désespérer, d'éviter un débat sur la gestion de la crise et l'ampleur des moyens. Fixer un horizon à chaque fois court permet d'éviter de causer des changements en profondeur. Ce ne serait qu'un mauvais moment à passer. Mais chaque semaine, les statistiques meurtrières ridiculisent la stratégie gouvernementale.
La mise à l'arrêt des économies capitalistes, faute de systèmes de santé performant, va couter entre 5 et 20 millions de chômeurs supplémentaires. L'auto-entrepreneuriat si essentiel à Jupiter est aujourd'hui l'un des symboles de cette nouvelle précarité généralisée par la suspension de l'économie.

Le gouvernement est incapable.

Monsieur Bricolage est le nouveau surnom d'Emmanuel Macron. Brièvement célébré dans les sondages quand il se décida enfin à confiner le pays une dizaine d'heures après le premier tour des élections municipales, il est rapidement tombé dans les enquêtes d'opinion quand les alertes du personnel soignant ont fait comprendre aux gens combien l'impréparation risquait de couter cher en vie humaines.
Jupiter est nu, à poil, incapable et empêché devant la déferlante. Alors il se déguise en chef de guerre.
Son ministre de la Santé s'en sort à peine mieux que sa prédécesseur, Olivier Véran doit composer avec sa propre responsabilité - député macroniste, il a été rapporteur de loi sur le financement de la sécu et la réforme hospitalière.
La France manque de masques pour ses soignants et toutes les professions exposées. Elle manque de respirateurs artificiels, de lits, de tabliers, de blouses, d'écouvillons, de lunettes de protection, de bouteilles d'oxygène.
Elle manque de tests.
Jeudi, Véran promet qu'on testera jusqu'à 25 000 personnes par jour dans une semaine. Dans une semaine, 5 à 8 000 personnes supplémentaires seront mortes. Samedi, il promet 100 000 tests d'ici juin... C'est tristement dérisoire.

Sibeth Ndiaye doit être virée

Si Macron avait un peu de sens politique, il dégagerait Sibeth Ndaye et Muriel Pénicaud.
La première est porte-parole du régime: chacun de ses propos est requalifié en bourdes alors qu'il ne s'agit que d'aveu. Sibeth Ndiaye est la plus risible de ce gouvernement, l'un des symboles les plus visibles et les plus tristes de cet amateurisme mortel. En février, elle explique que le confinement à l'italienne ne serait pas utile en France. Le 5 mars, elle assurait qu'il serait inutile de fermer les écoles - une décision finalement prise... dix jours plus tard. Le 25 mars, elle se moque des enseignants - "Nous n'entendons pas demander à un enseignant qui aujourd'hui ne travaille pas de traverser toute la France pour aller récolter des fraises". La même assurait que "les masques ne sont pas nécessaires pour tout le monde" tout simplement parce que la France manque de masques.
Elle est si incompétente que cela provoquer des dissensions internes. C'est l'un des membres du gouvernement qui communique au Canard Enchaîné la copie d'un échange entre les jeunes pousses de la Macronie gouvernementale dont Sibeth Ndiaye et l'autre jeune cynique qui conseidans l'application de messagerie Telegram. On les lit blaguer sur les effets négatifs sur le visionnage de YouPorn qu'aura la réduction de 25% du débit demandé aux plateformes de streaming.
L'échange est indécent.
La seconde à virer est Muriel Pénicaud. Depuis le début officiel de la crise sanitaire, elle a tout essayé pour forcer le maintien des travailleurs en entreprises - menaces contre les employeurs, contestation du droit de retrait aux salariés inquiets - alors même que son collègue de la santé exhortait les gens à rester confinés chez eux.
Cette semaine, elle promet que les entreprises qui verseront des dividendes ne seront pas aidées... Comment la croire ? Elle a accordé quarante milliards d'exonérations sociales sans contreparties, entérinant le Pacte irresponsable de François Hollande en faveur de la "réduction du coût du travail".  
Le coût des riches a explosé sous Macron, mais maintenant les riches demandent de l'aide pour se sortir de ce Corona-krach.

La presse ne joue pas le jeu officiel.

La progression fulgurante de la maladie, les moyens modernes de communication et la présence d'une audience captive plus nombreuse qu'à l'ordinaire nourrissent le spectacle médiatique permanent. Les médias relaient parfois avec une complaisance baveuse les éléments de langage du pouvoir. Ainsi voyait-on  ces éditocrates de plateau fustiger avec la même rage que les militants macronistes ce médecin marseillais Didier Raoult qui suit jour après jour l'application d'un traitement à la chloroquine contre le COVID 19. Ces trolls macronistes sont bien gênés d'apprendre, en fin de semaine, que Macron lui-même a finalement demandé d'accélérer les recherches sur ce remède potentiel.
Autre exemple, samedi 28 mars, l'après-midi est polluée par des commentaires lénifiants pour nous faire patienter jusqu'au discours du premier ministre et de son ministre de la Santé - "opération transparence" nous promet-on. 

Mais souvent, même cette presse de classe ne peut cacher son désarroi face à la réalité. Les statistiques de mort s'illustrent de  gens connus-  Manu Dibango, Patrick Devedjian - des anonymes de tous métiers - une caissière, deux médecins, un vigile, etc.
Quand Macron masque son amateurisme par du spectacle, cela ne fait presque plus illusion. Ainsi déboule-t-il sur les écrans en direct d'un parking à Mulhouse où s'est installé un hôpital militaire. Avait-il quelque chose à dire ? Non. Qu'il se taise plutôt que de se montrer et gêner le personnel hospitalier. Ce n'est pas une guerre.
Si c'en était une, on comparerait notre personnel soignant à cette Armée Rouge décimée par les purges staliniennes juste avant d'aller (perdre) au combat face à la Wehrmacht en juin 1941. Cela fait longtemps que les alertes au sabotage sanitaire se multiplient, plus longtemps que ces simples trois années de casse macroniste. Si c'était une guerre, Macron ne serait pas de Gaulle, mais un curieux croisement de Daladier pour le défaitisme et d'Herbert Hoover pour l'aveuglement libéral. Si c'était une guerre, on ne se contenterait pas de commenter le désarmement français face à ce fléau.
"Les soignants, caissiers, livreurs, ouvriers, paysans ne sont pas des soldats. Ce sont des travailleurs. Et ils n’ont pas attendu le coronavirus pour mourir au travail."  Clément Viktorovitch

La démocratie entre parenthèses

Sous prétexte de lutter contre un virus, la démocratie, comme l'économie, a été mise entre parenthèses. Le langage guerrier a été abusivement utilisé pour justifier l'application du confinement, la suspension tardive des élections, la fouille illégitime des piétons et même l'espionnage de centaines de milliers de civils. Pour compenser la faiblesse du système de santé français, incapable de tester grandeur nature sa population contre un énième virus, on déploie la police, la gendarmerie et bientôt l'armée. Le ministre de l'intérieur légitime tous les excès. Il lâche les flics les plus violents en banlieue où pourtant le confinement est respecté. Il se tait sur ce million de Franciliens parti infecter le reste du pays.
Il y a aussi beaucoup d’esbroufe dans ces démonstrations de force médiatisée. Les moyens manquent, la police est épuisée par des mois de répression ultra-violente des grévistes, gilets jaunes, et étudiants. Environ un millier d'agents sont malades, faute de protection.
Le pire est ailleurs, la loi sur l'état d'urgence sanitaire est publiée mardi. Puis l'ordonnance sur la procédure pénale (jeudi) et la circulaire du ministère de la Justice (vendredi). On se moquent deces Américains qui privilégient l'économie à la santé publique. En France, Macron supprime les droits de la défense, la publicité des audiences et du contradictoire pour la détention provisoire - des détenus présumés innocents resteront en prison, sans avocats, dans des pièges à virus.

La lutte des classes

"Salopettes contre cravates". Il n'a pas fallu deux semaines de confinement pour que la France d'en haut exprime sa trouille de manquer de bras et de solidarité de la France d'en bas. Le virus tue sans distinction de classes, de race, de géographie. Les riches se réfugient en résidence secondaire, les plus aisés s'échappent du confinement étroit des grandes agglomérations. Les cols blancs travaillent à domicile, les clos bleus sont réquisitionnés au front. Dans les 25 mesures d'urgence adoptées cette semaine, Macron accorde un sursis précaire aux salariés - en garantissant une meilleure indemnisation du chômage partiel et, pour un mois seulement, le prolongement des droits à l’allocation-chômage pour les demandeurs d’emploi arrivant en fin de droits en mars. Mais il autorise des semaines à 60 heures et d'imposer des congés
Il y avait d'autres propositions urgentes sur la table pour passer cette crise, refusées par la Macronie:  prise en charge à 100% des personnes hospitalisées et arrêt du forfait journalier, baisse du montant des loyers à proportion de la baisse des revenus, prise en charge totale par l’État des frais d’obsèques des personnes décédées du fait du virus, gratuité des quantités nécessaires au bien-être pour l’électricité, l’eau et le gaz,  baisse des remboursements des prêts bancaires des particuliers à proportion de la baisse des revenus, annulation des frais d’incidents bancaires pour découvert, imposer aux plateformes le statut de salariés de leurs travailleurs, versement aux indépendants d'un revenu de substitution, publication dans la presse écrite régionale du modèle d’attestation de déplacement, report des examens scolaires, etc.
Macron supplie, applaudit, célèbre "ceux qui ne sont rien", celles et ceux les plus directement frappés par la précarisation du travail (réduction des représentants des salariés, inversion des normes par les Ordonnances Travail, protection des plateformes par la loi sur les "mobilités"), le durcissement du régime des chômeurs, et le gel des prestations sociales. Stanislas Guérini (qui ?), le délégué général d'En Marche, reconnaît: "nous sommes dans un moment de réhabilitation des travailleurs essentiels à la Nation : les livreurs, les caissières, les éboueurs… La France ne tient pas sans eux."  
La trouille de cette présidence des riches que les gens l'abandonne fait sourire.

 

L'ignorance va durer

"Pour que cela ne recommence pas, il faudrait considérer que le point de départ est vital." Le constat d'un professeur sur l'antenne de France Culture devrait interroger. L'Humanité s'affole et il est fort possible qu'elle ne s'intéresse pas à autre chose que de reprendre une activité normale dès que possible. Pourtant, il y aura d'autres Coronavirus, d'autres pandémies: "ces maladies virales viennent toujours d’un réservoir de virus animal. Et on ne s’y intéresse pratiquement pas." Autre constat, "on sait que ces épidémies vont recommencer dans les années à venir de façon répétée si on n’interdit pas définitivement le trafic d’animaux sauvages." La préservation de la diversité animale sert l'enjeu de protection sanitaire: les contagions d'animal à homme se multiplient. Vache folle, grippe aviaire, tremblante du mouton, Ebola, la liste des pandémies récentes est longue et il est étrange d'observer l'Humanité 2.0 soudainement confinée comme au Moyen Âge à cause d'une grippe plus virulente et mortelle que d'ordinaire. La dégradation de l'environnement est responsable. C'est une évidence que les scientifiques, et même des politiques répètent enfin. 
*** Chaque soir à 20 heures, des gens de tous bords applaudissent de plus en plus nombreux en soutien à celles et ceux qui n'étaient rien et qui sont tout désormais.
Parfois, on entend "Macron démission."
Le gouvernement était au courant des dangers. Il savait. Il n'a pas agi.
Ami castor, es-tu malade ou mort de trouille ?