Le Grand Duel

Par Tepepa

Il Grande Duello
1972
Giancarlo Santi
Avec Lee Van Cleef, Horst Frank
Y’a un bandit planqué avec une meuf dans un genre de grange. Disséminés et cachés un peu partout dans les alentours, des chasseurs de primes attendent le bon moment pour gagner 3000 dollars. La diligence qui doit passer par là doit attendre que le carnage ait eu lieu. Parmi les passagers exaspérés, Lee Van Cleef au calme toujours olympien. Le grand problème avec ce grand duel, c’est que le bandit en question, joué par Peter O’Brien, a vraiment trop un air de Barry Gibb avec cette pilosité ondulante et ce pantalon taille haute qui sont bien loin du style XIXe siècle. Bon, c’est sûrement l’époque qui veut ça, mais là, c’est un poil too much. La recherche de crédibilité historique n’est jamais au centre des préoccupations des amateurs de western spaghetti, mais on a quand même du mal à adhérer pleinement à une intrigue quand à tout moment, on s’attend à voir notre jeune outlaw chanter en falsetto sur un air disco, même si en 1972 on en n'était pas encore là.
Cependant la grande qualité de ce grand Duel, c’est que cette entorse capillaire et vestimentaire au style western est le seul défaut du film ! Absolument rien à reprocher au reste : musique, intrigue, trognes, budget, qualité de réalisation, tout est top moumoutte. Le film est réalisé par Giancarlo Santi, qui fut assistant de Petroni et de Leone, un gars qui a donc déjà de bonnes cartes de visite. Les amateurs seront même ravis de découvrir de nouveaux décors, le film n’ayant a priori pas été tourné à Almeria pour une fois. Et vous pourrez même le regarder avec votre grand-mère puisque la violence y est bon enfant : pas de délires vicelards sauce spaghetti ici (mais un petit massacre à la mitrailleuse tout de même), juste une bonne intrigue type vengeance/polar avec un Lee Van Cleef impérial (et sapé correctement). Du spaghetti soft donc, mais du spaghetti quand même. On y retrouve les chasseurs de prime déjantés de la Horde Sauvage, vilains, mesquins et presque difformes. On y retrouve la ville sous la coupe d’un odieux trio de frangins dont l’un est bien sûr un homosexuel refoulé psychopathe. Cela tombe sous le sens. Ces trois frangins sont joués par Horst Frank méchant et ambitieux, Marc Mazza méchant mais surtout motivé par sa quête de la vérité, et bien sûr Klaus Grunberg au visage pustulé, méchant et homo, tout de blanc vêtu, qui caresse son foulard de soie comme un doudou d’attardé et qui utilise son revolver toujours de façon dégoutée et curieuse. C’est fin, c’est subtil, c’est raffiné, c'est politiquement correct à donf, bref c’est spaghetti comme on aime.
Et ce qui tombe sous le sens aussi, c’est la prestation de Lee Van Cleef, inquiétant et aquilin comme toujours, très fin tireur comme toujours, rusé comme toujours, jouant au chat et à la souris avec notre jeune outlaw disco comme toujours. On s’attend presque à ce qu’il dise « Mon garçon, c’est grâce à un joujou comme celui-ci que je suis arrivé jusqu’à l’âge que j’ai en faisant le métier que je fais » D’ailleurs il dit un truc du genre. Petit à petit, on comprend pourquoi il est un shérif déchu qui n’a plus le droit de porter l’étoile. Petit à petit on comprend pourquoi il veut protéger le jeune outlaw disco. Le scénario n’accumule pas d’invraisemblances scénaristiques à faire fuir les gens normalement constitués : le quota normal de morts est atteint, mais sans que chaque mort soit traitée comme un simple motif esthétique : la recherche de la vérité et la justice ont ici un sens : chaque cadavre engendre des conséquences. On découvre finalement qui est le meurtrier à la suite de nombreux flashbacks en noir et blanc, et cette révélation est un poil inattendue, bien que pas indécouvrable pour les amateurs chevronnés de 6e Sens. Le tout dans une superbe musique de Bakalov (reprise dans Kill Bill comme tout un chacun sait maintenant) qui rappelle un Morricone en grande forme. Le film est plaisant, pas prise de tête, ni noir ni pessimiste, bref, le film parfait pour un dimanche soir, et c’est vraiment agréable de voir qu’en 1972, le genre avait encore suffisamment de sérieux pour offrir un spectacle populaire et soigné comme celui-ci.
Où le voir :Ne téléchargez pas ce film chez vous, c'est illégal. Téléchargez-le chez vos amis. Ou attendez qu’un éditeur français vous le sorte en DVD en 2025.