Conservatrice, réactionnaire ou progressiste, trois voies pour l’après-crise sanitaire

Publié le 08 avril 2020 par Boprat
Source : https://reporterre.net/Conservatrice-reactionnaire-ou-progressiste-trois-voies-pour-l-apres-crise-sanitaire 
6 avril 2020 / Alessandro Pignocchi 
La crise sanitaire bouscule la réalité politique et une fenêtre s’ouvre pour un changement radical de système, estime l’auteur de cette tribune. Qui pense que la relation à la terre et aux êtres non-humains sera centrale dans la construction de l’après.
Comme toute crise, celle que nous traversons rebat les cartes. Ce qui semblait encore récemment impensable, d’une radicalité à peine concevable, apparaît soudain tout à fait plausible et même sur le point d’advenir. C’est que, pour beaucoup d’entre nous, cette période donne une réalité tangible, vécue, à des injustices auxquelles nous nous étions habitués ou qui étaient, du moins, passées dans le registre du discours. La fenêtre politique qui s’ouvre ainsi peut déboucher sur trois voies antagonistes, qui se distinguent notamment par la façon dont elles orientent nos rapports au territoire.
• La première est la voie conservatrice, incarnée par le gouvernement actuel. Les rapports au territoire restent purement utilitaristes et régis par les seules lois de l’économie. Plantes, animaux et milieux de vie restent avant tout des ressources.
• La seconde, la voie réactionnaire, se dessine notamment dans ce que semble devoir être le programme du Rassemblement national pour 2022. Tout en conservant une large part de l’utilitarisme économique, elle met sur le devant de la scène politique des liens à la terre non utilitaristes qui exaltent la patrie, la tradition, l’histoire et les ancêtres. Ce sont des liens qui visent à exclure bien plus qu’à inclure.
• La troisième voie, progressiste, est incarnée entre autres par ce qui se construit en ce moment sur les zad, notamment à Notre-Dame-des-Landes. Les relations au territoire se défont des règles marchandes pour étendre le registre du social et de l’affectif aux non-humains. Plantes, animaux et milieux de vie deviennent, au même titre que les humains, les maillons d’un vaste réseau d’entraide, de solidarité et d’attentions réciproques. Les liens qui trament ce collectif étendu sont épaissis par toutes les nuances qui colorent la vie sociale dès lors que l’on s’extrait des logiques comptables du monde économisé.
Un scénario plausible, et qui est déjà en train d’advenir, commence par une radicalisation de la voie conservatrice, c’est-à-dire par un durcissement du libéralisme autoritaire dans lequel nous vivons déjà. Mais les rapports utilitaristes à la terre sont si incompatibles avec la situation écologique du monde qu’il est difficile d’imaginer que cette voie, déjà agonisante, se prolonge encore longtemps. La question sera alors de savoir qui des réactionnaires ou des progressistes récupérera les lambeaux de l’utilitarisme radical. C’est à nous de montrer en acte qu’un monde composé par des liens au territoire inclusifs et qui socialisent les non-humains est infiniment plus désirable, sûr et joyeux qu’un monde qui se construit sur des attaches nationalistes et traditionalistes.