(Notes sur la création) Pierre Présumey, Les fayards et autres bons compagnons, choix de Jean-Nicolas Clamanges

Par Florence Trocmé


Au dernier pied des hexamètres
Des Bucoliques de Virgile
Je cueille, comme on aperçoit
Sur le talus qui défile
Le retour des mêmes fleurs,
Comme des rimes éloignées
D’un poème disséminé,
Des noms de bêtes familières.
Ainsi taurus, agnus, vacca,
Et surtout le nom capella,
Diminutif de capra :
Des noms d’arbres, ainsi fagus,
Quercus, ornus, alnus, pinus,
Tous féminins, on s’en souvient ;
puis aura, le nom du vent ;
Enfin herba, qu’on ne traduit pas.
Mais au moment le plus précieux
Le mot qui revient toujours
À la tombée de l’hexamètre,
C’est le mot qui, à ma fenêtre,
Vient tomber à la fin du jour,
C’est l’ombre, c’est le mot umbra.
*
Quatre très belles Bucoliques,
La I, la II, la V, la IX,
Offrent à la fin d’un vers
Une forme du mot fagus.
Une fois, c’est la couverture,
L’asile tendre, la toiture,
Une autre c’est l’asile ombreux,
Au vif du désert amoureux,
Une autre fois l’écorce dure,
La dernière, le grand âge
Et la tête fracassée
Du fagus, fayard en français,
Que Virgile a retardés
Pour la fin de son hexamètre.
Car le fayard est un être
Essentiel à son paysage,
De bois, de feuilles, de paroles
Aussi graves que légères
Comme d’ombre et de lumière.
Pierre Présumey,
Les fayards et autres bons compagnons,
avec des peintures d’Eliane Achard.
Éditions Hauteur d’Homme, 2018, 16 €.
Choix de Jean-Nicolas Clamanges