COVID-19 : Pister sa propagation dans les eaux usées

Publié le 28 avril 2020 par Santelog @santelog

En 2 mois seulement, le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 associé à l’épidémie COVID-19 a « encerclé » le globe, se transmettant par l’air, précisément par les gouttelettes et aérosols expirés et se diffusant également par les eaux usées -sans que le risque de contamination par les eaux usées soit encore bien déterminé. Dans le même temps, l’un des principaux défis auxquels sont confrontés les autorités sanitaires et la communauté médicale est de pouvoir pister le virus et suivre pas à pas sa propagation, afin d’isoler les clusters infectés. Les eaux usées pourraient bien constituer le support d'une nouvelle approche de surveillance de propagation du virus dotée d’une extrême sensibilité.

 

On sait aujourd’hui que le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 peut être transporté via des gouttelettes d'eau microscopiques, ou aérosols, qui pénètrent dans l'air par évaporation ou par pulvérisation. Le virus peut rester infectieux pendant des jours et a également été identifié dans les selles de patients infectés. On se souvient également que lors de l’épidémie de SRAS en 2003 à Hong Kong, une fuite d'eaux usées avait ainsi entraîné un cluster de cas. Enfin, l’hypothèse que SARS-CoV-2 colonise les biofilms qui tapissent les réseaux d'eau potable a aussi été envisagée.

Développer l'épidémiologie basée sur les eaux usées

Au-delà du risque infectieux possible mais très peu probable lié à la présence de SARS-CoV-2 dans les eaux usées, leur analyse pourrait permettre une surveillance naturelle de la diffusion du nouveau coronavirus (comme d’autres agents pathogènes ou substances illicites consommées). Connue sous le nom d'épidémiologie basée sur les eaux usées (WBE : wastewater-based epidemiology), la méthode pourrait être adaptée à l’identification des niveaux d'infection par le coronavirus à l'échelle locale et mondiale.

Détecter 1 cas d’infection chez 2 millions de personnes

Une technique à large spectre : la technique documentée par cette équipe de l’Arizona State University (ASU) présente une sensibilité inégalée : elle permet de détecter 1 seul individu infecté parmi 100 à 2 millions de personnes. Des échantillons d'eaux usées sont criblés pour la présence de fragments d'acide nucléique du virus SARS-CoV-2, les génomes d'ARN sont amplifiés par PCR quantitative à transcriptase inverse (RT qPCR). Bref, la technique permet la surveillance en temps quasi réel des épidémies, des bactéries résistantes, des niveaux de consommation de drogues voire même différents marqueurs de diabète, d’obésité et d'autres maladies.

Une technique qui favorise le dépistage ciblé : des avantages économiques sont mis en avant, par rapport aux tests conventionnels et à la surveillance épidémiologique classique. « Nos données suggèrent que le recours exclusif aux tests sur les individus est trop lent et peu pratique, notamment en regard de notre capacité de test actuelle. Cependant, lorsque ce recours aux tests est précédé d'un dépistage des eaux usées à l'échelle de la population, la tâche devient beaucoup plus gérable ».

« Un litre d'eau, un océan d'informations »

L'épidémiologie basée sur les eaux usées pourrait venir au secours des stratégies de tests dans de nombreux pays développés tout en étant un outil inestimable de collecte de différentes données de santé. Actuellement, les États-Unis disposent du plus grand réseau de WBE, connu sous le nom de Human Health Observatory (HHO) à l'ASU. La recherche, qui élargit le recours au réseau au « dépistage » de SARS-CoV-2 indique qu'un étalonnage minutieux doit être effectué pour garantir l'exactitude des données, qui sont extrêmement sensibles aux variables clés, notamment à la température saisonnière, à la vitesse d’écoulement dans les égouts, à la vitesse de dégradation de certains biomarqueurs, à la densité démographique et à la consommation d'eau par individu.

Chaque personne infectée par le SRAS-CoV-2 excrétera des millions, voire des milliards de génomes viraux dans les eaux usées chaque jour.

Les estimations basées sur des données européennes et nord-américaines suggèrent que cela se traduirait par entre 0,15 et 141,5 millions de génomes viraux par litre d'eau usée généré. La technique permettra de détecter le nouveau coronavirus avec une sensibilité élevée, soit au niveau d’1 personne infectée sur 114 dans le pire des cas et seulement 1 sur 2 millions de personnes non infectées dans le meilleur des cas.

Cette détection primaire permettrait de mieux orienter ensuite les ressources de tests et les mesures de distanciation.

Source: Science of The Total Environment 22 April 2020 DOI : 10.1016/j.scitotenv.2020.138875 Computational analysis of SARS-CoV-2/COVID-19 surveillance by wastewater-based epidemiology locally and globally: Feasibility, economy, opportunities and challenges (Visuel Shireen Dooling)

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Équipe de rédaction SantélogAvr 28, 2020Rédaction Santé log