Cinema Paradiso**********************Lawrence of Arabia de David Lean

Publié le 10 mai 2020 par Hunterjones
Chaque mois, dans les 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous parle de l'une de mes trois grandes passions, un milieu dans lequel j'ai travaillé, le cinéma.
Je vous en parle pour sa structure narratives, ses interprètes, sa réalisation, son esthétique, son choix de sujet, son audace, ses thèmes, je vous parle d'un film dont j'ai aimé tous les choix.
Je suis sorti du monde du cinéma sur le terrain, mais on ne sort pas le cinéma de moi comme ça. Voilà, encore et toujours, un voyage à très peu de frais. Toujours commode. Encore plus en ces temps de confinement.

LAWRENCE OF ARABIA de DAVID LEAN
Les exploits de Thomas Edward Lawrence sont légendaires. Historiques.  Depuis les années 40, on pense tourner sa vie sur film. Alexander Korda veut le faire avec Laurence Olivier, Leslie Howard et Robert Donat dans le rôle de T.E. Mais on ne trouve pas les sous pour le faire. Dès 1952, David Lean est approché pour le faire. Mais une pièce de théâtre traitant de l'homosexualité présumée de Lawrence est en cours de production et une bataille juridique entre les producteurs du potentiel film et les producteurs de la pièce s'engage, retardant la production. Ça fait toutefois beaucoup de publicité au film à venir. Le producteur Sam Spiegel et Lean ont travaillé ensemble sur le brillant The Bridge of the River Kwai. Ils veulent retravailler ensemble. Lean s'intéresse à la vie de Gandhi et fait du repérage pour un film en ce sens. Mais ce faisant, en prospectant en Inde, il retombe dans un intérêt pour T.E.Lawrence. Spiegel a convaincu le récalcitrant frère de T.E., Arnold, de lui vendre les droits d'adaptation de Seven Pillars of Wisdom pour 22,500 livres sterling.

Micheal Wilson fait la première version du scénario, principalement historique et politique. Presque plate. Lean trouve, en tout cas. Il fait dialoguer par Robert Bolt et lui fait faire une étude de caractère du personnage. Lean regardera les films de John Ford pour s'inspirer de la manière de tourner son film.
Du 15 mai 1961 au 21 septembre 1962, on tourne en Jordanie, au Maroc, à Almeria et Donana, en Espagne. O'Toole trouve la conduite des chameaux si dure pour les fesses qu'il s'achète un morceau de styromousse, geste que les autres, non-arabes, imiteront bien vite. On peut voir cette mousse à l'image, au final. Les Arabes appelleront sur le tournage moqueusement O'Toole Ab al-'isfanjah, ou si vous préférez, Le roi de l'éponge. Pendant le tournage de la scène se déroulant à Aqaba, O'Toole a passé près de se faire tuer en tombant de son chameau et en évitant miraculeusement d'être piétiné par celui-ci ou tous ceux autour. Ironiquement, l'exacte même chose était arrivée à Lawrence en 1917, dans la bataille de Abu El Lissal. C'est ce qui s'appelle un personnage vraiment incarné. Mais contrairement à Lawrence, O'Toole détestera le désert.

La Jordanie bannira la diffusion du film prétendant que la vision des Arabes était trahie. L'Égypte, au contraire, en fera un immense succès populaire sous prétexte que c'était un portrait splendide du nationalisme arabe.
Spiegel et Lean voulaient deux trames sonores distinctes, une décrivant la vision arabe (composée par un Russe, Aram Khachaturian) et une autre décrivant le vision britannique (composée par Benjamin Britten). Ça ne se fera pas. On demande à Maurice Jarre de composer quelque chose en 6 semaines qui sera joué par le London Philarmonic Orchestra sous la direction de Sir Adrian Boult. La musique sera Oscarisée et votée la 3ème meilleure musique de film de tous les temps, derrière John Williams pour Star Wars et Max Steiner pour Gone With The Wind. Un bijou. Tout comme la cinématographie de Freddie Young, en super panavision avec des lentilles anamorphiques. Un vrai chef d'oeuvre. Ce que Arnold, le frère de T.E. ne reconnaîtra pas, refusant qu'on utilise le titre de son livre pour le film. On reproche entre autre l'évacuation complète des exploits d'espionnage de Lawrence pour le compte des Britanniques. Entre vous et moi, si on faisait un film sur une de mes soeurs, il serait impossible que ça lui rende justice non plus. C'est aussi mon sang.

Nommé pour 10 Oscars, il en gagnera 7, sera régulièrement voté meilleur film de l'histoire du cinéma, sera considéré comme un "sans faute" par tout le monde, malgré ses 3h42. George Lucas, Sam Peckinpah, Stanley Kubrick, Martin Scorcese, Ridley Scott, Brian DePalma, Oliver Stone et Steven Spielberg ont tous parlé de ce film comme d'un miracle ou d'une inspiration majeure.

Hunter Jones vivra un grand moment en le voyant sur une modeste télé du 450.
Une plus grande sensation encore sur sa télé magique HD du nouveau sous-sol, ailleurs dans le 450.
Pas facile de rendre intéressante, intelligente, belle, une histoire nationaliste, politique et diplomatique.
Lean et son équipe l'ont fait avec ce trésor visuel, sonore et narratif.