Une découverte par jour

Par Pmalgachie @pmalgachie
Et dire que certaines personnes, si, si, j’en connais, s’ennuient, confinement ou pas ! Alors que je dois me contraindre à fermer les yeux et les oreilles sur un tas de choses qui m’intéresseraient si j’y allais voir de plus près, mais qui m’interdiraient d’écrire, par exemple mais pas par hasard, l’article sur Joseph Kessel que j’ai promis de donner au journal tout à l’heure – et qui sera le piètre résumé, en 4 385 signes, des impressions accumulées pendant la lecture de 1 500 pages en une petite semaine. Mais je ne parviens pas à me couper totalement des élans de curiosité qui me saisissent devant des découvertes de hasard – il n’y a pas de hasard, certes, et cela n’arriverait pas si j’abandonnais la fâcheuse et riche habitude de fouiner dans les bibliothèques au milieu des livres anciens. Loin de toute polémique, archive.org fait entrer actuellement dans ses collections accessibles à tous un nombre considérable d’ouvrages (dont plusieurs dizaines chaque jour en français) de la Public Library of India, et je me délecte d’ouvrir brièvement les œuvres complètes de Diderot ou de Marmontel, des récits de voyage en Russie ou à la Mer Morte, les Mémoires de Saint-Simon, etc. De temps à autre, un volume – ou plus souvent un ensemble de volumes – requiert une attention plus soutenue, comme cette vingtaine (actuellement) d’ouvrages attribués à feu M. de Bachaumont, sobrement intitulés Mémoires secrets pour servir à l’Histoire de la République des Lettres en France, depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours, ou Journal d’un observateur, contenant les analyses des pièces de théâtre qui ont paru durant cet intervalle ; les relations des assemblées littéraires ; les notices des livres nouveaux, clandestins, prohibés ; les pièces fugitives, rares ou manuscrites, en prose ou en vers ; les vaudevilles sur la Cour ; les anecdotes & bons mots ; les éloges des savans, des artistes, des hommes de lettres morts, &c. &c. &c. Je ne sais pas vous mais, moi, ça m’excite terriblement, de tomber sur ce genre de témoignage de première main, d’où le filtre du temps, si trompeur (j’y reviendrai un de ces jours), est absent. Je ne savais rien de ce Bachaumont. Renseignements pris, il est pourtant loin d’être un inconnu – mais ma culture littéraire est pleine de trous, hélas ! Je m’en console comme je peux en me disant que je n’ai pas lu tous les livres et que la chair n’est donc pas triste. L’exemplaire du premier volume (publié à Londres chez John Adamsohn en 1777) numérisé en Inde est un peu mangé par les vers. Gallica a effectué un travail de meilleure qualité sur des exemplaires en bon état qui, en outre, semblent fournir une collection plus complète. C’est donc dans cette direction que je passerais la journée (au moins) si Joseph Kessel n’était en train de me tirer par le pied gauche pour me rappeler que je dois m’occuper de lui. Un instant quand même, Jef, si tu veux bien. Car je ne voudrais pas vous laisser sur la promesse d’une lecture formidable sans offrir au moins une mise en bouche. D’autant que ça démarre très fort, le 1er janvier 1762.
Les Chevaux & les Ânes, ou Étrennes aux Sots. Tel est le titre d’une espèce d’épître de 200 vers environ, qu’on attribue à M. de Voltaire, & par laquelle il ouvre l’année littéraire. C’est une satyre dure & pesante contre quelques auteurs, dont celui-là croit avoir sujet de se plaindre, & contre M. Crevier[1] particulièrement. Elle n’est point assez piquante pour faire plaisir au commun des lecteurs, qui ne se passionnent pas à un certain degré pour les diverses querelles du philosophe de Ferney.
Et il y en a, si je crois Wikipédia sans vérifier plus loin, 36 volumes ! C’est mieux qu’une promesse, c’est un banquet !



[1] M. Crevier est Professeur de l’Université & auteur d’une histoire de ce Corps, dans laquelle il a inséré des personnalités odieuses contre M. de Voltaire, & l’attaque sur son irréligion.