[Critique] LIGHT OF MY LIFE

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Light of my Life

Note:

Origine : États-Unis

Réalisateur : Casey Affleck

Distribution : Casey Affleck, Anna Pniowsky, Elisabeth Moss, Tom Bower, Timothy Webber, Hrothgar Mathews…

Genre : Drame

Durée : 1h59

Date de sortie : 12 août 2020

Le Pitch :

Dans un futur proche, alors qu’un virus a décimé la population féminine, un homme tente de protéger sa fille, miraculeusement épargnée. Toujours en mouvement afin d’éviter tant que possible de croiser d’autres hommes, dans un monde abandonné à la violence et aux instincts primaires, ce père va tout faire pour trouver un refuge et ainsi peut-être assurer un avenir à son enfant…

La Critique de Light of my Life :

Si on fait exception du faux-documentaire avec Joaquin Phoenix, I’m Still Here, Casey Affleck passe pour la première fois derrière la caméra pour réaliser un film de cinéma. Film qu’il a d’ailleurs également écrit, s’inspirant très fortement de plusieurs œuvres, avec en tête de liste La Route et Les Fils de l’Homme. Difficile en effet de ne pas penser au premier devant l’affiche mais aussi si on compare sa dynamique avec celle de Light of my Life, qui prend place dans un avenir privé d’espoir après la disparition de toutes les femmes. De quoi évoquer le futur dans lequel prend pied Les Fils de l’Homme, dans lequel l’humanité est privée de sa capacité à enfanter, condamnée à vieillir dans la violence et les ressentiments. Pour autant, malgré l’évidence de ces deux références, Light of my Life parvient à imposer sa propre voix…

La raison de la plus forte

Casey Affleck prend un risque dès le début en commençant son récit par une scène assez longue, qui voit un père et sa fille allongés côte à côte dans une tente. Le premier racontant une histoire à la seconde pour l’aider à s’endormir. Une séquence pleine de tendresse qui pose les bases sans pour autant entrer dans le vif du sujet et expliquer le pourquoi du comment. Tout ceci vient après, au fil de quelques fugaces flash-backs et autres indices astucieusement répartis pour nous aider à comprendre. Casey Affleck, acteur issu du cinéma indépendant, ayant tourné avec des metteurs en scène comme Gus Van Sant ou Steven Soderbergh, auprès desquels il a beaucoup appris. Son refus ici de ne pas céder aux plus gros raccourcis et autres lieux communs inhérents au caractère de son histoire, lui permettent ainsi de construire une ambiance prégnante mais aussi de ne pas proposer un récit trop linéaire. Affleck dont l’écriture est au diapason de la réalisation. Tout en douceur, avançant prudemment en sachant manifestement où il veut se rendre, le cinéaste débutant soigne les détails et petit à petit, arrive à justifier ses choix. Ses plages presque contemplatives, son économie de mots et d’explications… Light of my Life s’imposant au final grâce à son intégrité et à sa façon de nous narrer ce futur privé de femmes, dans lequel une fillette de 11 ans devient un objet de convoitise pour de nombreux hommes. Un postulat absolument terrifiant qui ne fait pas de doute quant aux intentions de Casey Affleck par rapport au discours qu’il cherche à nous communiquer. Et si vous vous posez la question quant aux accusations dont Affleck fut la cible en 2017, sachez que Light of my Life a été écrit et pensé avant. Le film ne s’envisageant pas comme un mea-culpa ou comme une vaste opération de rédemption de la part d’un homme il n’y a pas si longtemps encore sous le feu des projecteurs pour de mauvaises raisons.

Un père et sa fille sur la route

Avec une infinie délicatesse, parvenant à illustrer de manière très tangible la menace qui pèse sur cette enfant qui ne peut compter que sur son père pour la protéger, Light of my Life impose aussi une poésie de tous les instants et tant pis si parfois, en effet, Affleck cède un peu aux clichés tenaces du cinéma indépendant taillé pour Sundance. Sa démarche est salutaire, rendue d’autant plus puissante, paradoxalement, par le contexte dans lequel elle s’inscrit. Si Casey Affleck ne pouvait prévoir que son film sortirait en plein pandémie, il faut reconnaître que son histoire nous touche avec une force qui n’aurait peut-être pas été la même dans d’autres circonstances. Conte tragique et impitoyable articulé autour de la paternité, Light of my Life réussit également à prendre la forme d’une ode à la fiction. Ce qui, pour le coup, est nettement plus inattendu et donc bienvenu. La première scène du long-métrage, mentionnée plus haut, allant dans ce sens, en soulignant les vertus de l’imagination mais aussi, plus largement de la culture. Quand le monde sombre et que les humains cèdent pour la plupart à de vils instincts, notre capacité à nous évader grâce aux livres et plus globalement à notre capacité à imaginer des alternatives, quitte à ce qu’elles soient parfois irréalisables, permet de résister.

The Father’s Tale

Cela dit, en premier lieu, Light of my Life tire sa force évocatrice de son postulat de départ. Du fait qu’il prend pied dans un monde où toutes les femmes ont succombé à un virus. Il casse un équilibre fragile pour envisager un futur terrifiant dans lequel la reproduction serait l’apanage des scientifiques et d’où l’amour serait quasiment absent. Le tout en abordant des questions relatives à la religion. Au premier plan, Casey Affleck l’acteur, fait à nouveau preuve d’une remarquable retenue, dans son jeu viscéral. Excellent de bout en bout, il s’exprime aussi bien par les mots que par un regard, souvent perdu mais aussi déterminé face à la jeune et excellente Anna Pniowsky. La jeune actrice apportant beaucoup au film, elle dont le personnage est le véritable centre du récit. Une fillette perdue dans un monde d’hommes, que l’on pense totalement dépendante des décisions et de la détermination de son père alors qu’au fond, c’est bien plus complexe que cela. Et c’est aussi là que réside la force de ce beau film : dans sa capacité à brillamment exploiter son histoire sans se montrer trop linéaire. Dans la mesure, Casey Affleck, s’il est en effet parfois un peu écrasé par ses références, reste dans la maîtrise de son sujet. Y compris au niveau de la mise en scène, pleine de sensibilité, sobre mais aussi capable de faire preuve d’une ampleur appréciable. De quoi faire de Light of my Life un film certes cruel mais aussi habité d’une beauté terrassante.

En Bref…

À mi-chemin entre Les Fils de l’Homme et La Route, Light of my Life parvient à faire résonner sa voix en s’imposant tel un conte cruel mais néanmoins habité d’une lumière tenace. Un film soigné, dans sa forme et son fond, exigeant, passionnant et poétique, qui reste longtemps en tête après la fin de la projection.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Condor Distribution