Les ridicules d'un temps ou l'histoire d'un même chapeau : Balzac et Proust

Par Jmlire

" On demandait à Hyacinthe, un acteur célèbre pour ses saillies, où il faisait faire les chapeaux à la vue desquels la salle pouffe de rire : " Je ne les fais point faire, je les garde ! " répondit-il. Eh ! bien, il se rencontre dans le million d'acteurs qui compose la grande troupe de Paris, des Hyacinthe sans le savoir qui gardent sur eux tous les ridicules d'un temps, et qui vous apparaissent comme la personnification de toute une époque pour vous arracher une bouffée de gaieté quand vous vous promenez en dévorant quelque chagrin amer causé par la trahison d'un ex-ami..."

Balzac : Le cousin Pons. 1847

" ... la conversation de M.de Norpois était un répertoire si complet de formes surannées du langage particulières à une carrière, à une classe, et à un temps - un temps qui pour cette carrière et cette classe-là, pourrait bien ne pas être tout à fait aboli - que je regrette parfois de n'avoir pas retenu purement et simplement les propos que je lui ai entendu tenir. J'aurais ainsi obtenu un effet de démodé, à aussi bon compte et de la même façon que cet acteur du Palais-Royal à qui on demandait où il pouvait bien trouver ses surprenants chapeau et qui répondait : " Je ne trouve pas mes chapeaux. Je les garde." "

Marcel Proust : À l'ombre des jeunes filles en fleur. 1918