Macron, la nouvelle étape de la Présidence des Riches

Publié le 29 août 2020 par Juan

Macron veut que l'on regarde "devant", mais ses obsessions de rentrée sont clivantes, inquiétantes, effrayantes. C'est un plan qui repose sur la peur - du virus, de l'insécurité, des immigrés, des faillites - et non sur la mobilisation, la solidarité et la protection des gens et de l'environnement. Un plan qui fait passer pour relance ce qui est une nouvelle étape de la Présidence des Riches.


Rentrée des classes oblige, on voit beaucoup Jean-Michel Blanquer. Le ministre de l'Education national défend que les masques obligatoires ne sauraient être gratuits (en Italie, 11 millions de masques seront pourtant quotidiennement offerts aux élèves), et que son protocole sanitaire est le meilleur de tous pour que les parents puissent aller bosser.

Déclarés inutiles par ces mêmes incompétents en mars dernier quand le virus foudroyait l'Italie puis l'Espagne puis la France, les masques sont désormais obligatoires à peu près partout en France, et quasiment tout le temps : dedans, dehors, à l'école, dans les entreprises, dans les magasins, etc. Et pour des raisons sanitaires évidemment. Et pourtant, ils seront payants, sauf pour les ménages pauvres. C'est sans doute la première fois qu'un dispositif de prévention sanitaire obligatoire et quotidien est payant. Les masques sont obligatoires partout et tout le temps - sans eux, impossible de se rendre à la poste, au centre des impôts, dans un magasin pour se nourrir; impossible d'utiliser les transports collectifs voire de marcher dans la rue dans les grandes villes. Le masque est obligatoire mais payant.

Blanquer le qualifie de "fourniture scolaire".

Curieuse et odieuse requalification d'un dispositif de santé.

Le port du masque, les couvre-feux, les amendes exorbitantes (135 euros!), la multiplication des mises en garde sur toutes les ondes par tous les responsables gouvernementaux et leurs députés godillots constituent un "engrenage sanitaire" qui l'une des pièces maitresses du contrôle politique et social. "Maudits Français, ils se sont " relâchés " pendant l'été..." ironise le quotidien libéral l'Opinion, "... ceux qui ont serré les dents pendant deux mois, enfermés chez eux, et qui depuis cherchent un emploi, sont ravis d'apprendre qu'ils sont coupables d'avoir laissé leur nez traîner à l'air libre."
La stratégie de la peur est une particularité française en Europe. Nos voisins italiens, espagnols, belges, allemands ou britanniques ne surjouent pas sur ce registre sécuritaire qui contraste avec l'incurie macroniste des premiers mois de la pandémie.

Certes, les infections détectées atteignent des niveaux record jour après jour (plus de 7000 vendredi 28 août), mais le nombre d'hospitalisations reste très faible et de décès quasiment anecdotique: agiter les peurs sert un autre objectif que sanitaire.

" Il faut regarder devant ! " s'exclame Macron, bronzé. Il veut " enjamber" la mauvaise séquence économique et sociale qui s'ouvre. Le gouvernement décale la présentation de son " immense" plan de relance tout entier consacré à l'offre, aux détriments de la demande. En fait, c'est une opération de comm. Castex est allé s'agenouiller symboliquement à l'université d'été du Medef pour les assurer qu'il fera la chasse aux chômeurs qui refusent des jobs sous-payés, qu'il réduira encore davantage leurs "impôts de production" ( novlangue) et les retraites des gens. Au reste du pays, Castex explique qu' il faut sauver les emplois: mais les emplois disparaissent-ils parce qu'ils sont soudainement "trop chers", ou simplement parce que les entreprises ne vendent pas suffisamment car les gens préfèrent épargner (100 milliards d'euros épargnés en 6 mois!) ou ont perdu leur emploi ?

"La question, elle est vite répondue"...

Macron promet un "séminaire sur la sécurité" car chaque jour, la presse dominante met en scène quelques faits divers d' "ensauvagement" du pays. Et Marlène Schiappa recycle la vulgate de l'extrême droite en fustigeant la " gauche identitaire", nouvelle appellation pour désigner l' " islamo-gauchisme". Stratégie de la peur, sarkozysme primaire... Le quinquennat Macron s'achève avec un agité de moins en moins souriant. D'ailleurs, cette propension à mettre en scène des crimes et délits violents mais anecdotiques n'a d'équivalent que le silence prudent de la Macronista pour la violence sociale et écologique.

Cet ensauvagement du monde-là n'intéresse pas la Présidence des riches.


Lutte contre la pandémie, relance des entreprises, lutte contre l'insécurité et le " séparatisme" islamo-identitaire, il faut donc regarder " devant", enjoint Macron. Il faut "sauver l'avenir", moque l'humoriste Guillaume Meurice. Regarder " devant" ? Mais devant quoi ? Macron évoque-t-il la solidarité, la protection, la paix, le soin ? S'appuie-t-il sur un grand projet social, un " New Deal" à la Française, un pacte de développement solidaire basé sur la concorde, l'apaisement, la réparation, le respect des gens et de l'environnement ?

Non, rien de tout cela.

Le discours macronique de cette rentrée est une ode sécuritaire et clivante. Macron désigne ses boucs-émissaires, il a choisi ses thèmes - insécurité (" ensauvagement", "banalisation de la violence"), séparatisme - et ses priorités - cadeaux aux entreprises, réduction des impôts des foyers aisés, réduction des retraites et des indemnités chômage (en 2021). Il n'a rien retenu du besoin d'un État fort et agile, de davantage de protection sanitaire, si ce n'est qu'il a claqué 400 milliards d'euros en quelques moi, en urgence et sans organisation - chômage partiel, avances de trésorerie aux entreprises, subvention aux grands groupes.

Une simple revue de presse des derniers jours suffit à se convaincre de ces angles morts de l'acte III du quinquennat Macron. Tous sont au cœur du stress collectif de cette " rentrée" 2020 - le chômage, la précarité, l'appauvrissement, la pollution, les virus et les maladies.

Cherchez l'erreur.
Ces sujets ne font pourtant que rarement l'actualité officielle française. Sur les plateaux des journaux télévisés, des " experts" économiques viennent jour après jour expliquer le bon sens des cadeaux aux entreprises - il faut sauver les emplois. D'autres " experts" sanitaires viennent infantiliser et inquiéter ces "Français imprudents" face au COVID.

Macron suscite désormais de la haine sur sa personne, ce qui est dommageable pour la fonction.en cause, le déferlement de violences policières impunies et disproportionnées, la politique pour riches, l'incompétence sanitaire, et, aussi, des facteurs humains - le machisme souriant et le mépris de classe. Sa politique de l'offre - suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui a remplacé la taxe professionnelle, réduction de l'impôt sur les bénéfices, tandis qu'on attend quelques centaines de milliers de chômeurs supplémentaires cet automne puis, en janvier, le durcissement des conditions d'indemnisation chômage pour forcer les 3 millions de sans-emplois à rejoindre les cohortes de travailleurs précarisés - autoentrepreneurs sans protection sociale grâce à la loi ELAN, travailleuse/rs à temps partiel, etc - est un plan joliment construit et digne des plus beaux rêves de Sarkozy en 2007-2012.

Autrement dit, Macron utilise le prétexte de la Crise pour habiller sous forme de plan de relance une nouvelle dégradation des comptes publics et une plus grande précarisation des travailleurs. Cette réforme n'a rien d'un plan de relance, elle est structurelle. Macron néglige même les besoins de fonds propres et de capitaux des entreprises ( 3% du "plan de relance"...).

Dans les 100 milliards du plan de relance, " le soutien aux personnes précaires " représente ... 800 millions d'euros (hausse de l'allocation de rentrée et repas à 1 euro en resto universitaire). A comparer aux 20 milliards de réduction des impôts des entreprises...

"Macron incarne cette droite. Ses réformes ont le sceau de la droite."
Yves Thréard, éditorialiste au Figaro.

Macron ne tient (péniblement) dans les sondages que grâce à l'affaiblissement de la droite à son profit. Depuis un an, semaine après semaine, ses maigres succès de popularité sont auprès de l'électorat de droite.

Pour dégager Macron, il faut que la droite républicaine se reconstruise.


Ami macroniste, on t'a vu.