Alain Bashung - Bleu Pétrole (2008)

Publié le 22 juillet 2008 par Oreilles

Depuis le virage opéré avec Osez Josphine (92) et qu'on pourrait même antedater à son chef-d'oeuvre Novice (89), Bashung fait dans l'adult-orientated music ; sa voix a changé : de gouailleuse et rocailleuse, elle est passée à une tessiture toute de suavité teintée d'affect, qui peut séduire les uns, irriter les autres, mais ne jamais laisser indifférents, on en est sûrs ! Les textes , conjugués à un bulletin de santé précaire, gardent en revanche cette noirceur que ne plombent plus systématiquement ces avalanches de jeu de mots et d'alitérations absurdes de naguère. Rendons pour ce faire à Gérard Manset et surtout Gaëtan Roussel, ce qui n'appartient plus (depuis belle lurette) à Boris Bergman et dernièrement à Jean Fauque. L'écriture gagne en maturité ce qu'elle perd en esprit iconoclaste, et à vrai dire, ceci n'est pas vraiment nouveau non plus, car ils rejoignent en cela les merveilles poétiques de cet 'étonnant oxymore qu'étaitFantaisies Militaires (98), dont ils n'épousent certes plus les contours musicaux : ici c'est plus du côté du susdit Osez Joséphine que va se percher l'écrin sonore de Bashung, c'est-à-dire une folk languide, parfois ensoleillée, que viennent parfois assombrir les mots si simples mais véritablement justes du frontman de Louise Attaque, véritable révélation du disque. Il en est ainsi sur le sublime Je T'ai Manqué, qui peut sans problème concourir au brelan des plus belles chansons du répertoire de l'alsacien - single de l'année jusqu'ici en ce qui me concerne. Sur Résidents de le République, le chant de seigneur de Bashung et ces mots si douloureux ("Un jour je parlerai moins / jusqu'au jour où je ne parlerai plus") nous font saigner les coeurs tout du long de ces superbes cordes qui en mélopées ramènent aux couplets. En contre-partie, Tant de Nuits et Hier à Sousse (un retour aux absurdes sonorités évoquées plus haut) paraissent presque rassérénées, jusquà l'apparition de l'autre grand contributeur du disque, j'ai nommé le mythique et singulier Gérard Manset, dont on imagine l'univers obsédant et dérangeant des plus proche de celui de Bashung. C'est tout d'abord sur le long et funèbre Comme Un Légo que se déploie toute la poignante désabusion chère à Nino Ferrer, puis sur Vénus où plane l'ombre de Ferré, et où affleure l'esthétique de L'imprudence (2002), précédent album hermétique, s'il en est, de son auteur.Rien en revanche de particulier sur les reprises en roue libre et un brin paresseuses de Il Voyage En Solitaire, ainsi que celle de Suzanne où Graeme Allwright revisitait Cohen. Celles-ci clôturent un disque qu'on eût aimé plus captivant sur la durée à l'image de Joséphine, mais dont les meilleurs faits d'arme, relèguent encore très loin la concurrence quant à l'interprétation d'un Bashung qui n'a sans doute jamais été plus émouvant que sur ce douzième album. en bref : même usé et recyclant certaines recettes de l'un de ces albums les plus fédérateurs, l'interprétation à la fois sur le rasoir, et sereine de Bashung font de ce disque et de ses titres phares, l'une des réussites du premier semestre de 2008. le site officiel de l'artiste Je T'ai Manqué - live à l'Olympia 14/06/08