(Hommage) à Claude Vigée (3 janvier 1921 - 2 octobre 2020), par Jean-Paul Klée

Par Florence Trocmé


Hommage à Vigée

Mon doux, mon cher Claude Vigée a « donc » fini par devoir — lui aussi, — partir DANS le sable mordoré (l’insondable poussière) pseudonymée : l’Infini !... mon dieu & dire qu’il aurait eu 100 ans le début de janvier 2021. Il a rejoint au cimetière juif de Bischwiller (Bas-Rhin), son épouse Évy & son fils Daniel, psychiatre (né en 1953). Je n’ai hélas pas pu assister aux obsèques, car le cimetière est minuscule & la cérémonie était limitée à 30 assistants.
Quand on songe à Vigée, c’est l’image d’un ANGE qui vous vient !... Je n’ai jamais, dans ma drôle de vieille boucanée vie, rencontré pareille bonté, mieux dire : bienveillance & pensons-nous : N’est-ce pas cela, le vrai signe du Génie, cet amour comme supérieur qu’un Goethe ou qu’un Victor Hugo donnèrent toute leur vie quasiment à chacune & chacun !... Et Schweitzer et Saint François d’Assise ?... bonjour à toi, même si tu n’es qu’une vulgaire limace ou bien couleuvre, scarabée ou ver luisant ?...
Vigée a eu pour moi, autour de 1967-68, une importance quasi-vitale : j’étais alors coincé de chez « coincé », à peine si je savais me tenir debout en société ni même saluer (à cause de cet ex-beau-père M. de M… qui nous avait si maltraités, ma pauvre sœur & moi). C’est alors que me voyant aussi rabougri & contourné & mal-dans-ma-peau, ce fils d’Apollon & lui-même réchappé de l’affreuse Shoah, se mit, un soir, à vouloir me « redresser » un peu, me « guérir » non pas ?... J’avais déjà dans les 25 ans ; n’était-il pas déjà un peu trop tard ?... Une fois que j’étais invité chez eux dans le grand immeuble au coin du Contades & de la rivière l’Aar (le couple était reçu chez la mère d’Évy, une madame Meyer), l’écrivain, alors âgé de 46 ou 47 ans, me prit à part dans sa chambre à lui & une heure ou 2 par je ne sais quelle bonne magie verbale, me fit comprendre qu’il y avait eu « accident » & que je ne pouvais « sortir » de cette misère personnelle qui me bloquait tant !... J’en fus si heureux, si délivré,… que le lendemain ou 2 jours plus tard je m’en fus lui offrir & encadrée, une très longue gravure qui représentait une filature de Bischwiller, d’immenses pièces de tissu étendues au soleil !... (linge sale ?...)
Grâce à cette thérapie d’une demi-soirée, le purgatoire finissait & je sortis (sortir…) avec une jeune fille de cette région là-bas (elle connaissait fort bien — par ses parents, — Vigée). Puis la vie n’arrêtait pas (ce qui ne veut pas dire grand’ chose) & je n’ai (après tout…) guère achevé ce labeur d’accouchement de soi-même, car tant de décennies PLUS TARD (me dis-je donc…) rien n’est terminé, il aura fallu ramer 52 ou 53 années pour s’apercevoir d’être encor pas épanoui & pas … « métamorphosé » & pas encor du tout délivré !!...
Le serons-nous tous « jamais » — vous voulez rire ?... — délivrés ? alors que les USA entreront d’ici peut-être 15 jours dans un ENFER de l’impensable & nous donc alors que deviendrons-NOUS ↔ TOUS ?...
Claude Vigée s’inscrit dans cette très longue lignée qui sur plusieurs millénaires produisit la sagesse & la gloire d’Israël, ces nombreux sages & consolateurs & thaumaturges, magiciens de la parole qui n’ont jamais arrêté de transmettre — à travers des dizaines d’autres enfers, — l’Espoir & l’Espoir & encore l’Espoir !... Debout les opprimés, les maltraités !...

Jean-Paul Klée
(Café de l’Odyssée, Strasbourg,
le 15 octobre, jusqu’à 19h25)