Loin des tensions irano-américaines, l’ensemble Nour chante la paix.

Publié le 23 juillet 2008 par Delphineminoui1974
Deuxième rue à droite, après le gros mûrier. Perdue au pied des montagnes qui dominent Téhéran, loin des gaz d’échappement et du tourbillon politique du centre ville, la maison de Christophe Rezaï n’a pour seule adresse fiable qu’un plan griffonné sur un bout de papier qu’on mémorise à la façon d’un savant jeu de Petit Poucet.

Et là, une fois passée la grosse porte en fer, qui s’ouvre sur un des rares derniers jardins de cette mégalopole tentaculaire de plus de 12 millions d’habitants, le visiteur n’a plus qu’à mettre au placard ses clichés sur la capitale iranienne en pleine crise nucléaire.

Dans ce petit havre de tranquillité, où se croisent les plus grands virtuoses de la place iranienne, ce n’est ni d’atome, ni de sanctions, ni de coupures d’électricité dont il est question. Chez Christophe Rezaï, chanteur tenor franco-iranien, la musique est au cœur de toutes les préoccupations. « La politique, ce n’est pas ma tasse de thé », souffle-t-il.

Impossible, pourtant, de dissocier le message de paix et de tolérance délivré par son ensemble, créé en 2000 et baptisé symbolique « Nour » (« La lumière »), d’une inquiétude de la société civile iranienne de se retrouver en sandwich entre la course au nucléaire et les éternelles rumeurs d’attaque.

A l’heure des tensions entre Téhéran et Washington, Christophe et ses huit acolytes (dont trois français) travaillent sur le dialogue interculturel, en fusionnant subtilement la musique médiévale chrétienne et la musique persano-kurde séculaire.

Un savant mélange, fruit d’un travail de longue haleine, qui donna naissance, en 2005, à un album intitulé « Alba », où instruments traditionnels à cordes, à vent, et à percussion, se mêlent aux mélodies vocales qui tanguent entre Orient et Occident. Son enregistrement dans le Palais d’Ardéchir Babakan, à Firouz Abbad, datant du troisième siècle (époque de la dynastie Sassanide) fut, à ce titre, hautement symbolique.

« A l’origine, on avait choisi ce palais pour sa formidable acoustique, car on voulait que l’enregistrement soit le plus naturel possible. Et au fil des répétitions, on découvrit que l’époque sassanide avait beaucoup influencé la littérature et l’architecture médiévale…. Une belle coïncidence, symbole d’un brassage millénaire entre les cultures orientales et occidentales», raconte Christophe Rezaï.

De l’enregistrement du CD, distribué par Hermès, une des meilleures maisons de disque iranienne, naquirent également de jolies surprises. « Dans une des pièces musicales purement vocale, une berceuse kurde arrangée pour cinq voix, on entend un « chut, chut » en arrière plan. C’est le fruit du hasard : ce jour-là, une chouette s’ingéra discrètement dans notre travail. On ne s’en rendit compte qu’en écoutant le morceau », dit-il.

Au-delà de l’exploration musicale, la recherche de l’ensemble se situe également au niveau textuel. Les nouveaux morceaux du répertoire offrent une juxtaposition des passages de la Bible aux sourates du Coran, dans une et même chanson. « Nous sommes en perpétuelle création», souligne Christophe Rezaï. Quant, en 1994, ce tenor franco-iranien, natif de Toulouse et doté d’un profond sens de l’exploration musicale fit son premier retour en Iran, ses valises n’étaient remplies que pour quelques semaines.

Fasciné par la richesse méconnue de sa culture d’origine, il finit par y rester. Depuis, treize années sont passées. « Il y a encore tellement d’autres formes musicales à explorer. Pour l’heure, pas question de partir. Ma place est ici, en Iran », dit-il.

A noter : L’ensemble Nour sera en concert en France ce soir (23 juillet, à Moissac) et dimanche soir (26 juillet, Festival de Conques). Le 10 octobre, il se produira au Festival des Arts sacrés (Orléans).
Pour en savoir plus, consulter le site web de Nour.