Pendant Ce temps

Publié le 15 décembre 2020 par Hunterjones
C'est le slogan choisi par le groupe Maurice. 

Un regroupement discriminatoire travaillant pour les retraités. 

Non, c'est mal présenté. 

Choisir une clientèle n'est pas nécessairement discriminer toutes les autres.

Et c'est connu, les baby boomers ont besoin d'aide. 

Le long des autoroutes, la 40, entre autres, offre des panneaux publicitaires qui annonce en grosses lettre le slogan. Près d'une personne masquée. On comprend vite que le temps évoqué est l'actuel et qu'on fait référence à la pandémie. Ça m'a, en revanche, pris plusieurs fois avant de comprendre qui nous parlait et qui était Maurice. Il y a des petites écritures bienveillantes en dessous, mais je n'ai plus les yeux pour le lire, à la vitesse où je passe et à l'`âge décadent qui m'habite. L'ironie veut aussi que je prenne en photo une de ces affiches, récemment, un de ses matins où je n'étais toujours pas supposé prendre la route, mais y était, et sur la photo, on n'y voit plus rien. Sinon un panneau blanc. 


Comme si le temps avait soudainement disparu.

Je suis beaucoup moins sur la route. Trois fois dans les deux dernières semaines. Deux fois qui m'ont mis en colère, et une fois, seulement trois heures, qui m'ont satisfaits. Mais en 2020, j'ai appris à ne jamais m'attendre à être satisfait. C'est du luxe. Plus luxueux encore, le temps. 

Qu'on a, qu'on veut, qu'on investit, qu'on perd. 


J'en ai parlé beaucoup ici, plus l'année avançait. Et j'ai un ami de longue date dont le temps a désormais été compté. Ce qui remet absolument tout en perspective. Pour lui, le mot "futur" pourrait se compter sur une main. C'est 100% bouleversant. J'essaie de ne pas trop y revenir, mais à 48 ans, ça me saisit tout le temps par en dedans. À toutes sortes de moment. Devant un miroir, je ne vois plus quelqu'un que je reconnais. Et ma santé va bien, alors lui., vous imaginez? La couleur de la vie a changé. 

Avec ce qui arrive à mon cher buddy, je suis devenu lourdement conscient du temps qui passe. Tout en étant parfois fort désorienté, dedans. 


J'ai revisité des artistes du passé dans deux listes de lecture sur lesquelles je me suis beaucoup appliqué. Une de 100 morceaux avec David Bowie. Puis, une autre de Bruce Springsteen. Dont je ne connaissais comme il faut que 2 albums. Born In the USA, surécouté  en cassette à mes 12 ans, et The Ghost of Tom Joad, adoré en 1995 et jusqu'à nos jours. Plus sage, plus mature. Folk. J'ai commencé par visiter tous les albums du Boss, vendredi. Spotity nous permet ce genre de fantaisie. J'en avait gardé autour de 80 morceaux, premier feeling. Puis, samedi j'ai réécouté et réduit à 51. Pour finalement réécouter dimanche et réduire à 30. Ma liste est parfaite. Et très très folk. Douce. J'ai surtout gardé les ballades. Le Springsteen mur rencontrant le Jones murissant. Je ne pourrais pas dire que ce que j'écoute est très 2020. Bien que j'ai quand même placé deux morceaux de son album de 2020.
Le temps devient malléable. Au travail, je continue à tergiverser entre le bureau, la route, le bonheur, la frustration. Au bureau,  je travaille les jours à l'avance, des fois pour le lendemain, des fois pour le surlendemain. Même chose en traduction, je travaille avec des dates de tombées futures. Même chose pour mes chroniques ici, j'écris tout ça un dimanche, pour publication mardi. Quand on me demande quel jour nous sommes, j'y pense une petite seconde.   

L'amoureuse, dans une vente 2 pour 1, a acheté 2 calendriers de l'avant. Un familial et m'a donné l'autre. Je me rends compte que je n'ai pas ouvert une seule porte, ni même mangé un seul chocolat. Les 7 portes ouvertes et le chocolat mangé ont été fait par d'autres.
Lost in time
Mais non, je ne suis pas si perdu dans le temps que ça.
Je peux même parfois être trop organisé.
Si je n'avais pas un ordre impeccable dans les tiroirs ouverts en même temps dans ma tête, j'aurais le moteur mental dégénéré.  

Cependant, je ne suis plus toujours convaincu que j'ai toute ma tête. En tout cas pas celle-là. Que je ne reconnais pas. Si je rencontrais quelqu'un que je n'ai pas vu depuis longtemps, il me dirait: "Hey Jones? est-ce bien toi?" Un hamster dans sa roue, ça peux s'épuiser.


J'ai l'impression parfois qu'on est tous des personnages dans un film projeté dans une salle privée de Dieu. 

Un film dont personne ne connaît encore la fin.  

Et comme Dieu est une création imaginaire de l'Homme...


Enfin, pendant ce temps, le Québec se prépare encore à fermer partout. À faire "pause". 

Une "pause" où tout le monde sera encore arrêté sauf nous. 

 Ozymandias Melancholia.